L’incendie volontaire, preuve de la faute intentionnelle

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Droit des assurances

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Outre la question, très bien résolue, des limitations de garantie, prévues aux conditions particulières de la police d’assurance incendie, et jugées applicables aux seuls matériels et marchandises et non aux bâtiments sinistrés, la cour d’appel de Lyon a aussi dû examiner l’éventuelle faute intentionnelle de l’assuré.

Dans cette affaire, un incendie a détruit les locaux assurés. Or, pour dénier tout droit à garantie, l’assureur tente de démontrer que son assuré est l’auteur d’un incendie volontaire, dès lors constitutif d’une faute intentionnelle exclusive de garantie au sens de l’article L. 113-1, al. 2, du Code des assurances. Pour autant, la cour d’appel le déboute de sa demande, au motif qu’en produisant notamment l’ordonnance de non-lieu (celle-ci n’interdisant pas à l’assureur de discuter de la faute intentionnelle : Cass. civ. 2e, 18 janv. 2006, n° 04-15790), indiquant certes le caractère volontaire de l’incendie mais n’affirmant pas que l’assuré en est l’auteur, l’assureur ne rapporte pas la preuve que l’assuré a commis une faute intentionnelle. Ce faisant, la cour d’appel aurait admis la faute intentionnelle si l’assuré avait été reconnu auteur de l’incendie volontaire, ce qui dénote une conception plus souple que celle, exclusivement subjective, retenue d’ordinaire par la Cour de cassation.

En effet, la Cour de cassation affirme depuis longtemps que « la faute intentionnelle qui exclut la garantie de l'assureur est celle qui suppose la volonté de causer le dommage et pas seulement d'en créer le risque » (Cass. civ. 1re, 10 avr. 1996, n° 93-14.571, RGDA, 1996, p. 716, note J. Kullmann). En exigeant à la fois une faute volontaire et un dommage recherché, la jurisprudence interprète très restrictivement la notion de faute intentionnelle et se range à une conception moniste subjective (S. Abravanel-Jolly, « Notion de faute intentionnelle en assurance : une nécessaire dualité », www.actuassurance.com 2009, n° 10-11, Analyses). Dans ces conditions, une infraction pénale intentionnelle, comme l’incendie volontaire, n’est constitutive de faute intentionnelle que si l’assuré a eu la volonté de nuire à l’assureur en provoquant volontairement le sinistre ; c’est-à-dire qu’il a eu conscience en provoquant le dommage de mettre en jeu la garantie de l’assureur. La règle de l’autorité de la chose jugée au criminel sur le civil ne s’applique donc pas, et comme le confirme la Cour de cassation, il y a autonomie de la faute intentionnelle par rapport à l’infraction pénale (Cass. civ. 1re, 6 avr. 2004, n° 01-03493 ; Cass. civ. 1re, 9 juin 2011, n° 10-15933).

Au demeurant, en raison du contrôle normatif que la Cour de cassation exerce sur la faute intentionnelle (Cass. civ. 1re, 27 mai 2003, n° 01-10.478, RGDA, 2003, p. 463, note J. Kullmann ; Resp. civ. et assur., 2003, comm. 282, note H. Groutel), les juges d’appel auraient dû apprécier les faits au regard des deux éléments qui la composent (faute volontaire et recherche du dommage), et ce quelle que soit la décision du juge pénal. En l’occurrence, la cour d’appel ne s’est fondée que sur l’ordonnance de non-lieu du juge pénal pour écarter la faute intentionnelle de l’assuré, ce qui n’est pas suffisant.

Arrêt commenté :
CA Lyon, ch. civ. 1 A, 4 avr. 2013, n° 11/05366

Citer cet article

Référence électronique

Sabine Abravanel-Jolly, « L’incendie volontaire, preuve de la faute intentionnelle », Bulletin des arrêts de la Cour d'appel de Lyon [En ligne], 3 | 2013, mis en ligne le 03 juillet 2013, consulté le 18 juillet 2025. URL : https://publications-prairial.fr/bacaly/index.php?id=1274

Auteur

Sabine Abravanel-Jolly

MCF-HDR à l’Université Lyon Jean Moulin Lyon 3, directrice de l’Institut des assurances de Lyon

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