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Mandataire judiciaire ou liquidateur, c’est presque la même chose !?

Blandine Rolland


1Au cours des procédures collectives, les organes de la procédure peuvent avoir plusieurs fonctions. Ainsi l’administrateur judiciaire et le mandataire judiciaire peuvent exercer les fonctions éponymes ou bien respectivement les fonctions de commissaire à l’exécution du plan ou de liquidateur. Faut-il dès lors que les actes de procédure les désignent rigoureusement en leurs fonctions réelles ou peut-on se contenter de la désignation de la profession du mandataire ? La cour d’appel de Lyon a eu à statuer sur ce point à propos d’un mandataire judiciaire désigné aux fonctions de liquidateur mais qui s’est présenté dans son acte de contredit comme exerçant les fonctions de mandataire judiciaire.

2La cour d’appel de Lyon décide qu’« étant inscrit exclusivement sur la liste des “mandataires judiciaires” [il] n'exerce en vertu de cette inscription que les missions et les fonctions qui lui sont dévolues en matière de procédure collective par les juridictions dédiées ». Ainsi s’il « a commis une erreur matérielle en ne mentionnant pas dans l'entête de son contredit sa qualité de liquidateur judiciaire, il n'est pas contestable qu'il dispose seul de la qualité pour agir au profit de sa liquidée, étant à souligner que s'il avait gardé une seule qualité de mandataire judiciaire au sens du Code de commerce, dans le cadre des procédures distinctes de la liquidation judiciaire, il était totalement dépourvu d'un quelconque pouvoir d'ester en justice pour la société concernée ». Par conséquent le contredit n’encourt aucune nullité au sens de l’article 117 du CPC.

3Cette décision appelle quelques remarques. Il conviendrait de distinguer clairement entre la profession exercée, qui est une mention obligatoire pour les parties dont émanent les actes de procédure, et la fonction réelle en cas de représentation ad agendum d’une partie. La précision des fonctions permet d’indiquer que la personne en question n’agit pas pour elle-même et pour son propre compte. Mais elle dispose d’une mission de représentation et agit ès-qualités d’administrateur judiciaire, de mandataire judiciaire ou de liquidateur. Dès lors cette mention ne paraît pas devoir être sanctionnée par une nullité de procédure puisque les textes n’exigent que la mention de la profession de la partie en faveur de qui sont présentés les principaux actes (CPC, art. 57, 58, 59, 648). La forme est même libre pour le contredit (CPC, art. 82. ; Cass. soc., 3 mars 1983 : Bullsoc. n° 129). En revanche, une mention erronée relative à la fonction pourrait entraîner une condamnation du chef personnel et non ès-qualités. En outre, elle pourrait donner lieu à une contestation de l’intérêt et de la qualité pour agir. En procédure de liquidation, le liquidateur a seul qualité – eu égard à ses fonctions – pour agir en représentation de l’intérêt collectif des créanciers d’une part et en représentation du débiteur d’autre part (C. com., art. L. 641-4 renvoyant à L. 622-20 et L. 641-9). C’est une fin de non-recevoir qui sanctionne une éventuelle erreur dans ce cas (CPC, art. 122). Or la fin de non-recevoir peut donner lieu à régularisation au cours de la procédure, notamment lorsque la personne ayant qualité pour agir devient partie à d’instance (CPC, art. 126). En l’occurrence, le mandataire de justice en question était bien parti à l’instance et présent à l’audience statuant sur le contredit, peu important que la mention de ses fonctions soit erronée au départ.

Arrêt commenté :
CA Lyon, ch. 3 A, 19 juin 2014, n° 14/01854 ; JurisData n° 2014-019227



Citer ce document


Blandine Rolland, «Mandataire judiciaire ou liquidateur, c’est presque la même chose !?», BACALy [En ligne], n°6, Publié le : 06/02/2015,URL : http://publications-prairial.fr/bacaly/index.php?id=1391.

Auteur


À propos de l'auteur Blandine Rolland

Maître de conférences de droit privé, HDR, membre de l’équipe de droit privé (EA 3707)


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