Reconnaissance d’un préjudice d’agrément en cas de limitation d’une activité antérieure

Civ. 2e, 10 octobre 2019, n° 18-11.791

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Mots-clés

préjudice d’agrément, évaluation, limitation d’une pratique antérieure

Attendu, selon l’arrêt attaqué, que M. Q… a été embauché en 1957 en qualité de mécanicien sur cargos par la société de Navigation des chargeurs réunis, laquelle a fait l’objet d’une restructuration en 1981 en un groupe composé de la société Chargeurs, société holding, et de la société Chargeurs réunis, sa filiale ; que reconnu atteint d’une maladie professionnelle inscrite au tableau n° 30 B des maladies professionnelles, par décision du 20 janvier 2011 de l’Établissement national des invalides de la marine, M. Q… a saisi une juridiction de sécurité sociale d’une action en reconnaissance de la faute inexcusable de la société Chargeurs ; que cette dernière ayant cédé son activité au groupe Bolloré, lequel l’ayant, à son tour, cédée au groupe CMA-CGM, la société CMA-CGM ainsi que les sociétés Zurich assurances et Generali Iard, assureurs de celle-ci, ont été appelées dans la cause par M. Q… ; que le Fonds d’indemnisation des victimes de l’amiante (le FIVA), dont l’offre d’indemnisation a été acceptée par M. Q…, est intervenu à l’instance ;

Sur le moyen relevé d’office, après avis donné aux parties en application de l’article 1015 du code de procédure civile :

Vu l’article L. 412-8, 8° du Code de la sécurité sociale, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2013-1203 du 23 décembre 2013, applicable au litige, tel qu’interprété par le Conseil constitutionnel dans sa décision n° 2011-127 QPC du 6 mai 2011 ;

Attendu que pour dire que la maladie dont M. Q… est atteint est due à la faute inexcusable de la société Chargeurs, l’arrêt retient que M. Q… a été embauché en 1957 par la société de Navigation des chargeurs réunis qui a fait l’objet en fin 1981 d’une restructuration en un groupe dont la société Chargeurs SA était la holding et la société Chargeurs réunis sa filiale à 100 % nouvellement créée, reprenant alors le contrat de M. Q… ; que les divisions de l’activité de la société Chargeurs en filiales n’ont ainsi débuté qu’en fin 1981 ; qu’il en résulte que la société Chargeurs SA doit répondre de la faute inexcusable commise à l’encontre de M. Q… en tout état de cause jusqu’en 1981, peu important le contenu des contrats conclus alors entre la société mère et sa filiale ;

Qu’en se déterminant ainsi, par des motifs insuffisants à caractériser la qualité d’employeur de M. Q… de la société Chargeurs, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision ;

Sur le moyen unique du pourvoi incident du FIVA, qui est recevable :

Vu l’article L. 452-3 du Code de la sécurité sociale ;

Attendu que le préjudice d’agrément est constitué par l’impossibilité pour la victime de continuer à pratiquer régulièrement une activité spécifique sportive ou de loisirs ; que ce poste de préjudice inclut la limitation de la pratique antérieure ;

Attendu que pour rejeter la demande en indemnisation du préjudice d’agrément de M. Q…, l’arrêt retient qu’il résulte des attestations de Mme H… Q… et de Mme P… Q… que les activités de loisir de M. Q…, notamment le jardinage, se trouvent être réduites en raison des conséquences physiques de son affection ; que toutefois, le FIVA n’établit pas une impossibilité pour la victime de pratiquer ces activités, en l’occurrence simplement réduites par l’effet de la maladie ;

Qu’en statuant ainsi, la cour d’appel, qui n’a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé le texte susvisé ;

Et sur la première branche du moyen unique du pourvoi incident de M. Q…, qui est recevable :

Vu l’article 624 du code de procédure civile ;

Attendu que la cour d’appel ayant mis hors de cause la société CMA-CGM au motif que, faisant droit à la demande principale tendant à voir examiner l’action en recherche de la faute inexcusable à l’encontre de la société Chargeurs prise comme ancien employeur de M. Q…, il n’y avait pas lieu d’examiner les demandes subsidiaires dirigées à l’encontre de la société CMA-CGM, la cassation de l’arrêt en ce qu’il statue sur la demande principale dirigée à l’encontre de la société Chargeurs entraîne, par voie de conséquence, la cassation du chef de la demande subsidiaire dirigée à l’encontre de la société CMA-CGM ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu’il y ait lieu de statuer sur les autres griefs des pourvois :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l’arrêt rendu le 6 décembre 2017, entre les parties, par la cour d’appel de Rennes ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel d’Angers ;

Condamne M. Q… aux dépens ;

Vu l’article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Citer cet article

Référence électronique

« Reconnaissance d’un préjudice d’agrément en cas de limitation d’une activité antérieure », Actualité juridique du dommage corporel [En ligne], 19 | 2019, mis en ligne le 01 septembre 2019, consulté le 28 mars 2024. URL : https://publications-prairial.fr/ajdc/index.php?id=1394

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