Nécessité de tenir compte des besoins en tierce personne évalués dans une transaction

Civ. 2e, 4 mars 2021, no 19-16.859

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Mots-clés

nouvelle demande, tierce personne, transaction, autorité de la chose jugée, évaluation

Plan

Sur le rapport de Mme Bohnert, conseiller référendaire, les observations de la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de la société MAAF assurances, de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de Mme D… T…, et l’avis de M. Aparisi, avocat général référendaire, après débats en l’audience publique du 20 janvier 2021 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Bohnert, conseiller référendaire rapporteur, Mme Martinel, conseiller doyen, et Mme Thomas, greffier de chambre,

la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;

Faits et procédure

1. Selon l’arrêt attaqué (Pau, 26 mars 2019), Mme T… a été victime, le 18 novembre 1979, d’un accident de la circulation dans lequel était impliqué un véhicule assuré par la société MAAF assurances (l’assureur).

2. Les préjudices de la victime ont été indemnisés suivant plusieurs protocoles transactionnels successifs, dont celui signé en 2007 qui prévoit l’indemnisation de son besoin d’assistance par une tierce personne.

3. Invoquant une aggravation de son état de santé et son projet de changement de lieu de vie, Mme T…, assistée de sa curatrice, a assigné l’assureur pour solliciter l’indemnisation de ses préjudices non inclus dans la transaction de 2007.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa première branche

Énoncé du moyen

4. L’assureur fait grief à l’arrêt de le condamner à verser à Mme T…, au titre de la rente tierce personne, en lieu et place des sommes versées au titre du procès-verbal de transaction des 15 février et 17 mars 2007, une rente mensuelle de 17 877 euros à compter du 1er août 2016, indexée selon les dispositions de la loi du 5 juillet 1985 et dont le service sera suspendu en cas de placement de Mme T… dans une structure hospitalière et/ou dispensant des soins et/ou assurant un accueil total ou partiel de type occupationnel ou non, à partir du 46e jour de cette prise en charge, alors « que les transactions ont, entre les parties, l’autorité de la chose jugée en dernier ressort ; qu’une transaction conclue en 2007 entre Mme T… et la société MAAF assurances prévoyait, en réparation du poste de préjudice lié à l’assistance par tierce personne rendue nécessaire par l’accident survenu en 1979, le paiement, d’une part, d’une rente mensuelle de 3 420 euros au titre des frais d’assistance humaine à la structure collective qu’elle occupait alors et, d’autre part, d’une rente trimestrielle de 625 euros, au titre des frais d’assistance lors des retours au domicile ; qu’en allouant à Mme T…, qui souhaitait regagner son domicile, une rente mensuelle de 17 877 euros sur la base d’un besoin de 24 heures par jour en tierce personne, la cour d’appel, qui a refusé de limiter aux seuls nouveaux besoins de la victime l’indemnisation qu’elle allouait, et a ainsi procédé à une nouvelle évaluation des besoins antérieurs en tierce personne qui avaient pourtant été définitivement évalués et liquidés en 2007, a méconnu l’autorité attachée à cette transaction, violant les articles 1134, devenu 1103, et 2052 du code civil. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 1103 et 2052 du code civil :

5. Selon ces textes, la réparation du dommage est définitivement fixée à la date à laquelle une transaction est intervenue, celle-ci faisant obstacle à l’introduction ou à la poursuite entre les parties d’une action en justice ayant le même objet.

6. Pour condamner l’assureur à verser à Mme T…, en lieu et place des sommes versées au titre du procès-verbal de transaction des 15 février et 17 mars 2007, une rente mensuelle de 17 877 euros à compter du 1er août 2016, l’arrêt retient que le coût de la tierce personne doit être calculé sur la base d’une intervention de 24h/24, sans référence à la somme mentionnée dans le procès-verbal de transaction de 2007 dès lors qu’est intervenue une modification substantielle du fait du départ de Mme T… de la maison familiale, rendant caduc le protocole transactionnel, conditionné à sa présence dans cet établissement.

7. En statuant ainsi, en procédant à une nouvelle évaluation des besoins au titre de la tierce personne de Mme T…, sans tenir compte, pour évaluer ses nouveaux besoins liés à un changement de situation, de ceux déjà définitivement évalués et indemnisés par la transaction de 2007, laquelle prévoyait la possibilité d’analyser les nouveaux besoins éventuels de la victime seulement en cas de modifications de sa situation, la cour d’appel a méconnu l’autorité de la chose jugée y étant attachée et violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, et sans qu’il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu’il condamne la SA MAAF assurances à payer à Mme T…, assistée de sa curatrice, au titre de la rente tierce personne, en lieu et place des sommes versées au titre du procès-verbal de transaction des 15 février et 17 mars 2007, une rente mensuelle de 17 877 euros à compter du 1er août 2016, indexée selon les dispositions de la loi du 5 juillet 1985 et dont le service sera suspendu en cas de placement de Mme T… dans une structure hospitalière et/ou dispensant des soins et/ou assurant un accueil total ou partiel de type occupationnel ou non, à partir du 46e jour de cette prise en charge, l’arrêt rendu le 26 mars 2019, entre les parties, par la cour d’appel de Pau ;

Remet, sur ce point, l’affaire et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d’appel de Bordeaux.

Condamne Mme T… aux dépens ;

En application de l’article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l’arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, prononcé par le président en son audience publique du quatre mars deux mille vingt et un et signé par lui et Mme Martinel, conseiller doyen, en remplacement du conseiller référendaire rapporteur empêché, conformément aux dispositions des articles 452 et 456 du code de procédure civile. MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Citer cet article

Référence électronique

« Nécessité de tenir compte des besoins en tierce personne évalués dans une transaction », Actualité juridique du dommage corporel [En ligne], 22 | 2021, mis en ligne le 13 décembre 2021, consulté le 18 juillet 2025. URL : https://publications-prairial.fr/ajdc/index.php?id=1531

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