Sur le rapport de M. Martin, conseiller, les observations de la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de M. [D], de la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat du Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d’autres infractions, et l’avis de M. Grignon Dumoulin, avocat général, après débats en l’audience publique du 8 septembre 2021 où étaient présents M. Pireyre, président, M. Martin, conseiller rapporteur, Mme Leroy-Gissinger, conseiller doyen, et M. Carrasco, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Selon l’arrêt attaqué (Paris, 20 février 2020), M. [D], gardien de la paix, blessé au cours d’une manifestation par une palette de bois lancée par un individu qui n’a pu être identifié, a saisi une commission d’indemnisation des victimes d’infractions (CIVI) pour obtenir réparation de son préjudice.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa deuxième branche
Énoncé du moyen
2. M. [D] fait grief à l’arrêt de rejeter sa demande, en qualité de victime d’infraction, tendant à voir déclarer que l’allocation temporaire d’invalidité non perçue par lui ne devait pas être déduite des postes d’incidence professionnelle et de déficit fonctionnel permanent et d’avoir par conséquent décidé qu’après déduction du montant de l’allocation temporaire d’invalidité à laquelle il aurait pu prétendre, il ne lui revenait aucune indemnité complémentaire au titre de l’incidence professionnelle et une indemnité de 13 012,75 euros au titre du déficit fonctionnel permanent, alors « que le préjudice résultant d’une infraction doit être réparé dans son intégralité, sans perte ni profit pour aucune des parties, l’allocation temporaire d’invalidité n’étant déduite de l’indemnité due à la victime que si son versement est certain, dès lors que sa déduction vise à éviter la double indemnisation d’un même préjudice ; qu’en retenant néanmoins que le montant de l’allocation auquel il aurait pu prétendre, s’il n’avait pas laissé prescrire ses droits, devait être déduit de l’indemnité mise à la charge du Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d’autres infractions au titre de l’incidence professionnelle et, le cas échéant, du déficit fonctionnel permanent, quand elle constatait que la victime n’avait pas perçu et ne pouvait percevoir l’allocation temporaire d’invalidité, la cour d’appel a violé le principe de la réparation intégrale du préjudice, ensemble les articles 1240 du [C]ode civil et 706-9 du [C]ode de procédure pénale. »
Réponse de la Cour
Vu l’article 706-9 du code de procédure pénale et le principe de la réparation intégrale sans perte ni profit pour la victime :
3. Selon ce texte, la commission d’indemnisation des victimes d’infractions tient compte, dans le montant des sommes allouées à la victime au titre de la réparation de son préjudice, des prestations énumérées au II de l’article 1er de l’ordonnance n° 59-76 du 7 janvier 1959 relative aux actions en réparation civile de l’[É]tat et de certaines autres personnes publiques.
4. Pour juger qu’il ne revient à M. [D] aucune indemnité complémentaire au titre de l’incidence professionnelle et une indemnité complémentaire de 13 012,75 euros au titre du déficit fonctionnel permanent, l’arrêt retient que le fonctionnaire qui a été atteint d’une invalidité résultant d’un accident de service, ayant entraîné une incapacité permanente d’au moins 10 %, peut prétendre à une allocation temporaire d’invalidité cumulable avec son traitement indemnisant, d’une part, les pertes de gains professionnels et l’incidence professionnelle de l’incapacité, d’autre part, le déficit fonctionnel permanent, et que, lorsque la décision d’attribution est définitive, l’[É]tat est tenu au versement de cette prestation, tant pour les arrérages à échoir que pour les arrérages échus.
5. Il énonce que, victime d’un accident de service à l’origine d’un déficit fonctionnel permanent évalué à 10 %, M. [D] aurait pu prétendre à cette allocation, s’il n’avait pas laissé prescrire ses droits, et en déduit que son montant doit être soustrait de l’indemnité mise à la charge du Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d’autres infractions au titre de l’incidence professionnelle et, le cas échéant, du déficit fonctionnel permanent.
6. En statuant ainsi, alors que l’article 706-9 du code de procédure pénale fait référence aux prestations énumérées au II de l’article 1er de l’ordonnance n° 59-76 du 7 janvier 1959 susmentionnée, lesquelles supposent une dette de l’[É]tat envers la victime, définitivement fixée et exécutoire au jour où la CIVI ou la cour d’appel se prononce, et qu’elle constatait que M. [D] avait laissé prescrire ses droits au bénéfice de l’allocation temporaire d’invalidité, la cour d’appel a violé le texte et le principe susvisés.
PAR CES MOTIFS, et sans qu’il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l’arrêt rendu le 20 février 2020, entre les parties, par la cour d’appel de Paris ;
Remet l’affaire et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d’appel de Paris autrement composée.
Laisse les dépens à la charge du Trésor public ;