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Faits et procédure
1. Selon l’arrêt attaqué (Paris, 25 novembre 2019), après avoir reçu plusieurs culots de sang lors de sa naissance le 21 octobre 1983, M. [F] a présenté une infection par le virus de l’immunodéficience humaine (VIH), diagnostiquée en 1986, et a déclaré un sida en 1991.
2. Le 16 février 1993, le Fonds d’indemnisation des transfusés et hémophiles l’a indemnisé d’un préjudice spécifique de contamination.
3. En mars 2005, M. [F] a développé une leucoencéphalopathie multifocale progressive (LEMP) en lien avec sa contamination, dont il a conservé d’importantes séquelles cérébrales.
4. Mme [U], sa mère, désignée en qualité de tutrice, a saisi l’Office national d’indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (l’ONIAM) d’une demande d’indemnisation complémentaire. Après avoir ordonné une expertise, l’ONIAM a indemnisé les préjudices économiques et rejeté la demande relative aux déficits fonctionnels temporaire[s] et permanent subis par M. [F].
5. Mme [U], ès qualités, a formé un recours devant la cour d’appel qui a statué après avoir ordonné une nouvelle expertise.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa sixième branche
Énoncé du moyen
6. Mme [U], ès qualités, fait grief à l’arrêt de rejeter ses demandes au titre des déficits fonctionnels, alors « qu’en jugeant que le préjudice de contamination incluait l’ensemble des « affections opportunes consécutives à la déclaration de la maladie », quand il n’inclut que l’angoisse suscitée par le risque d’affections opportunes, la cour d’appel a violé le principe de réparation intégrale, ensemble les articles L. 3122-1 du code de la santé publique et de l’article 1382, devenu 1240, du code civil. »
Réponse de la Cour
Vu l’article L. 3122-1 du code de la santé publique et le principe d’une réparation intégrale sans perte ni profit pour la victime :
7. Le préjudice spécifique de contamination comprend l’ensemble des préjudices de caractère personnel tant physiques que psychiques résultant du seul fait de la contamination et inclut, outre les perturbations et craintes éprouvées, toujours latentes, concernant l’espérance de vie et la crainte des souffrances, les perturbations de la vie sociale, familiale et sexuelle et les préjudices esthétique[s] et d’agrément générés par les traitements et soins subis, ainsi que le seul risque de la survenue d’affections opportunistes consécutives à la contamination. Il n’inclut ni le déficit fonctionnel, ni les autres préjudices à caractère personnel liés à la survenue de ces affections.
8. Pour rejeter les demandes d’indemnisation au titre des déficits fonctionnels temporaire et permanent subis par M. [F], l’arrêt retient que le préjudice de contamination inclut l’ensemble des affections opportunes consécutives à la déclaration de la maladie.
9. En statuant ainsi, la cour d’appel a violé les texte et principe susvisés.
Et sur le moyen, pris en sa première branche
Énoncé du moyen
10. Mme [U], ès qualités, fait le même grief à l’arrêt, alors « qu’en jugeant que le déficit fonctionnel causé par l’infection du VIH ne pouvait être indemnisé qu’à la condition que la maladie soit susceptible de consolidation, quand tout dommage doit être indemnisé sans perte ni profit pour la victime et que la consolidation ne permet que de distinguer le déficit fonctionnel temporaire et le déficit fonctionnel permanent sans pourtant qu’en son absence, le juge ne puisse refuser d’indemniser le préjudice subi, la cour d’appel a violé le principe de réparation intégrale du préjudice, ensemble les articles L. 3122-1 du code de la santé publique et de l’article 1382, devenu 1240, du code civil. »
Réponse de la Cour
Vu l’article L. 3122-1 du code de la santé publique et le principe d’une réparation intégrale sans perte ni profit pour la victime :
11. Il résulte de ce texte et de ce principe que l’absence de consolidation de la victime contaminée par le VIH ne fait pas obstacle à l’indemnisation du déficit fonctionnel qui est éprouvé à la suite de cette contamination et de ses conséquences.
12. Pour rejeter les demandes d’indemnisation au titre des déficits fonctionnels subis par M. [F], l’arrêt retient encore que leur réparation, s’ajoutant au préjudice spécifique de contamination déjà indemnisé, suppose que le VIH ne soit plus une maladie évolutive mais une maladie susceptible de consolidation.
13. En statuant ainsi, la cour d’appel a violé les texte et principe susvisés.
PAR CES MOTIFS, et sans qu’il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l’arrêt rendu le 25 novembre 2019, entre les parties, par la cour d’appel de Paris ; [...]