Cass. 2e Civ., 16 novembre 2023, n° 21-24.529 (amiante, rente accident du travail)

Plan

« (…)

Faits et procédure :

1. Selon l’arrêt attaqué (Grenoble, 23 septembre 2021) et les productions, M. [F] a développé un cancer broncho-pulmonaire, dû à une exposition à l’amiante. Le caractère professionnel de cette pathologie a été reconnu le 24 septembre 2018 par une caisse primaire d’assurance maladie (la caisse) qui lui a attribué une rente à compter du 8 décembre 2018 sur la base d’un taux d’incapacité permanente partielle initial de 90 %, porté ensuite à 100 %.

2. La victime ayant déposé une demande d’indemnisation auprès du Fonds d’indemnisation des victimes de l’amiante (le FIVA), celui-ci lui a fait connaître qu’il refusait l’indemnisation de son préjudice « d’incapacité fonctionnelle » dès lors qu’il était entièrement pris en charge par l’organisme de sécurité sociale au titre de la rente.

3. La victime a formé un recours contre cette décision devant une cour d’appel.

Examen des moyens

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

4. M. [F] fait grief à l’arrêt de le débouter de sa demande au titre de l’incapacité fonctionnelle permanente, alors « que le capital ou la rente versé à la victime d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle n’indemnise pas le déficit fonctionnel permanent ; qu’en décidant le contraire, pour retenir que le montant de la rente servie à la victime devait s’imputer sur le poste de déficit fonctionnel permanent et in fine qu’aucune somme ne devait lui revenir à ce titre, les juges du fond ont violé les articles 53 de la loi n° 2000-1257 du 23 décembre 2000, 29 et 31 de la loi du 5 juillet 1985, L. 434-1, L. 434-2 et L. 461-1 du code de la sécurité sociale, ensemble le principe de la réparation intégrale. »

Réponse de la Cour

Vu les articles L. 434-1 et L. 434-2 du code de la sécurité sociale, 53, I, et 53, IV, de la loi n° 2000-1257 du 23 décembre 2000 et le principe de la réparation intégrale sans perte ni profit pour la victime :

5. Selon les deux premiers de ces textes, la rente versée à la victime d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle atteinte d’une incapacité permanente égale ou supérieure au taux de 10 % prévu par l’article R. 434-1 du même code, qui est égale au salaire annuel multiplié par le taux d’incapacité, ne répare pas le déficit fonctionnel permanent (Ass. plén., 20 janvier 2023, pourvois n° 20-23.673 et 21-23.947, publiés).

6. Selon les deux derniers de ces textes, la victime d’une maladie liée à une exposition à l’amiante et ses ayants droit peuvent obtenir la réparation intégrale de ses préjudices et l’indemnisation due par le FIVA doit tenir compte des indemnités de toute nature reçues ou à recevoir d’autres débiteurs du chef du même préjudice.

7. Pour rejeter la demande de la victime, l’arrêt, après avoir relevé que celle-ci faisait valoir que la rente qui lui avait été versée par la caisse l’indemnisait uniquement de ses préjudices patrimoniaux de perte de gains et d’incidence professionnelle et qu’il incombait au FIVA de l’indemniser de son préjudice lié à sa perte de capacité générale, retient que, contrairement à ce qu’elle soutient, l’offre d’indemnisation a bien été établie conformément aux barèmes en vigueur et qu’il convenait d’en déduire les sommes avancées au même titre par l’organisme social, qui sont supérieures, de sorte qu’aucun reliquat n’est dû.

8. En statuant ainsi, la cour d’appel, qui a imputé la rente versée par la caisse au titre de la maladie professionnelle dont était atteint la victime sur son poste de préjudice indemnisant son déficit fonctionnel permanent, a violé les textes et le principe susvisé.

PAR CES MOTIFS, et sans qu’il y ait lieu de statuer sur l’autre moyen du pourvoi, la Cour : CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu’il déclare irrecevable la demande formulée par M. [F] en réparation de son préjudice esthétique résultant d’une intervention chirurgicale intervenue postérieurement à l’offre contestée, l’arrêt rendu le 23 septembre 2021, entre les parties, par la cour d’appel de Grenoble ; Remet, sauf sur ce point, l’affaire et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d’appel de Lyon (…) ».

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Référence électronique

« Cass. 2e Civ., 16 novembre 2023, n° 21-24.529 (amiante, rente accident du travail) », Actualité juridique du dommage corporel [En ligne], 26 | 2024, mis en ligne le 27 mai 2024, consulté le 18 juillet 2025. URL : https://publications-prairial.fr/ajdc/index.php?id=1847

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