Lorsqu’une victime décède, l’évaluation des préjudices économiques subis par ricochet par ses proches, et notamment son conjoint, n’est pas aisée, comme on le sait. En plus de la difficulté à établir avec précision les pertes de revenus réellement subies par ces proches, quelle position adoptée, par exemple, à l’égard des prestations qui pourraient être versées à la famille en raison du décès ? Quelle attitude adoptée surtout à l’égard de la pension de réversion que peut recevoir le conjoint survivant ? Faut-il déduire cette prestation du préjudice économique qu’il pourrait invoquer ou au contraire l’intégrer dans le calcul de ce même préjudice patrimonial ?
Telles sont les questions que se posent régulièrement les praticiens amenés à liquider les préjudices de victimes par ricochet.
Sur ce dernier point (celui concernant la pension de réversion versée au conjoint survivant), les réponses apportées par la jurisprudence sont toutefois relativement claires et constantes depuis plusieurs années. Suivant que l’organisme ayant versé la prestation dispose ou non d’un recours pour récupérer les sommes versées, la Cour de cassation estime, en effet, que celle-ci (la pension) doit être, soit intégrée dans le montant du préjudice patrimonial subi par le conjoint, soit déduite de ce même montant.
Pour être plus précis, lorsqu’un recours existe, ce recours commande, pour le juge du droit, d’apprécier le préjudice économique du conjoint « en tous ses éléments, alors même qu’il est, en tout ou partie, réparé par le service de la pension » (pour une première affirmation du principe : Cass. crim., 4 juillet 1990, n° 89-86.188).
C’est ce que vient de rappeler, une nouvelle fois, la chambre criminelle dans un arrêt du 13 janvier 2015.
Dans cette espèce, cette intégration de la prestation dans le calcul du préjudice économique du conjoint était discutée par la caisse des dépôts et des consignations qui, en tant qu’organisme de retraite, avait versé une pension anticipée de réversion au mari d’une fonctionnaire décédée.
Disposant d’un recours subrogatoire pour récupérer cette prestation, l’organisme social considérait que cette pension de réversion devait être déduite du montant du préjudice économique subi par le conjoint survivant, et non ajoutée à ce montant.
Une nouvelle fois, cependant, l’argument est balayé ici par la Haute juridiction au motif qu’en cas de recours de l’organisme social, le préjudice économique par ricochet lui servant d’assiette ne peut que comprendre la pension de réversion anticipée versée après le décès au conjoint survivant.
Classique, la solution demeure, semble-t-il, fondée.
Comme le relevait avec justesse un auteur il y a quelques années, si la pension n’était pas intégrée dans ce calcul, « l’assiette des recours de l’organisme payeur se trouverait amputée des indemnités correspondant au préjudice réparé » (P. Jourdain, « L’incidence de la perception d’une pension de réversion par le conjoint survivant sur l’évaluation de son préjudice économique par ricochet », Recueil Dalloz, 2002, p. 1313).
Dans ces conditions, c’est donc seulement, en l’absence de recours, qu’il est possible de déduire du préjudice économique du conjoint la prestation, comme l’affirme également depuis longtemps la jurisprudence (pour une illustration maintenant ancienne, V. : Civ. 2e, 31 mai 2000, n° 98-20.980).