La falsification d’un testament olographe

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Mots-clés

testament olographe, falsification, expertise graphologique

Rubriques

Droit patrimonial de la famille

Texte

Le testament est l’acte unilatéral par lequel le de cujus exprime ses dernières volontés et peut, notamment, y organiser la dévolution de ses biens à sa mort. S’il existe plusieurs formes de testament, la plus iconique et populaire reste celui olographe, écrit en entier de la main du testateur. Bien qu’il ait pour avantage d’être gratuit et d’une grande simplicité, il demeure fortement exposé au risque de falsification, comme l’illustre l’arrêt rendu le 19 mai 2020 par la cour d’appel de Lyon.

En l’espèce, le de cujus, par un testament olographe en date du 15 mai 2003 et un second datant du 20 septembre 2008, institue la commune où il réside en qualité de légataire universel. Puis, il décède en laissant pour seuls héritiers son frère et sa mère. Cette dernière décède peu après lui, en laissant pour lui succéder son second fils, qui est le frère du de cujus. Celui-ci se prévaut d’un testament olographe daté du 10 octobre 2010, qu’il dit avoir découvert dans les affaires personnelles de sa mère. Dans lequel, le testateur, paraissant être le défunt, indique révoquer tout testament antérieur et nomme sa mère en qualité de légataire universel. La commune assigne le frère du de cujus devant le tribunal de grande instance de Lyon, afin que le testament, la privant de son legs universel, soit déclaré nul.

Le juge de la mise en l’état ordonna une expertise graphologique, qui conclut que le litigieux testament n’a pas été rédigé de la main du de cujus. Ainsi, la juridiction de première instance le déclare nul et dépourvu d’effet. Un appel est interjeté par le frère du défunt. La cour d’appel de Lyon, par un arrêt rendu le 19 mai 2020, confirme le jugement de première instance.

Cette décision, principalement fondée sur le résultat de l’expertise, permet de rappeler les règles encadrant la contestation de l’identité du scripteur d’un testament olographe.

Les conditions de forme du testament olographe sont relativement simples. En effet, selon l’article 970 du Code civil, il doit être écrit de la main du testateur, daté et signé, sous peine de nullité. Ainsi, la première de ces conditions fait évidemment défaut quand l’écriture du de cujus a été imitée par un faussaire, et c’est ce que soutenait, en l’espèce, la commune. Sur ce point, il revient, par principe, à celui qui se prévaut du testament de rapporter la preuve de la véracité de l’écriture (Cass. civ. 1re, 2 mars 2004, n° 02-15.211), hormis l’hypothèse où un légataire universel a été envoyé en possession, et dans laquelle la charge de la preuve de la fausseté de l’écriture pèse sur celui qui la conteste (Cass. civ. 1re, 29 février 2012, n° 10-27.332). Toutefois, ce n’était pas le cas en l’espèce et il revenait donc au frère du défunt de rapporter la preuve de sa validité. Or, en la matière, la reine des preuves est la procédure en vérification d’écriture, prévue aux articles 287 et 288 du Code de procédure civile, pouvant être réalisée à l’aide d’une expertise graphologique ordonnée par le juge. Cette dernière consiste à comparer l’écriture du testament litigieux avec des écrits émanant, plus assurément, du testateur. Si une telle expertise a lieu, le juge conserve son pouvoir d’appréciation quant à la conclusion de l’expert, ainsi que sur les éléments de comparaison choisis (Cass. civ. 1re, 27 mars 2007, n° 05-16.334). À ce titre, l’appelant reprochait aux premiers juges de s’être fondés sur le rapport d’expertise qui s’appuyait, en partie, sur des pages de brouillon rédigées par le testateur et où l’écriture est, selon lui, nécessairement « débridée », contrairement à des écrits officiels où elle est davantage « posée », et donc ne pouvait que difficilement faire l’objet d’une comparaison. Par ailleurs, il expliquait la non-correspondance des écritures par la dégradation de l’état de santé du de cujus, qui était atteint d’un cancer. Néanmoins, la cour d’appel n’est pas sensible à cet argument et confirme le jugement rendu en première instance. Elle estime que le testament est un faux, en se fondant sur le rapport d’expertise, qu’elle juge « précis et circonstancié ». En outre, elle rappelle que l’expert a sélectionné les pages de brouillon, étant les écrits les plus contemporains au litigieux testament, afin d’éviter toute influence de la maladie du testateur sur sa plume. Mais encore, que les pièces les plus propices à un travail comparatif ont été retenues, incluant également les premiers testaments du testateur.

Cet arrêt souligne l’importance de l’une des solennités du testament olographe. En effet, l’exigence qu’il soit rédigé de la main du testateur permet de garantir, dans une certaine mesure, que son contenu est l’expression de sa propre volonté et non celle d’un faussaire malintentionné. Dès lors, pour s’en assurer, la procédure en vérification d’écriture apparaît comme un moyen adéquat.

Arrêt commenté :
CA Lyon, 1re ch. civ. B, 19 mai 2020, n° 18/04664

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Citer cet article

Référence électronique

Julien Muller, « La falsification d’un testament olographe », Bulletin des arrêts de la Cour d'appel de Lyon [En ligne], 15 | 2020, mis en ligne le 01 octobre 2020, consulté le 18 juillet 2025. URL : https://publications-prairial.fr/bacaly/index.php?id=2562

Auteur

Julien Muller

Étudiant, M1 droit civil approfondi, université Jean Moulin Lyon 3

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