BACALy

Manquement à l’obligation précontractuelle d’information

Agathe Monfray


1La cour d’appel de Lyon rejette la qualification du dol au profit d’un manquement à l’obligation précontractuelle d’information, dès lors, la nullité de l’acte en cause ne peut être retenue.

2En l’espèce, était en cause la validité d’un acte de vente issu d’une opération de promotion immobilière. Pour réaliser ladite opération, la SCI Résidence du palais, grâce au soutien de la SAS Duguesclin développement et de leur société mère Icade promotion, a commercialisé des lots regroupés au sein d’une résidence dédiée à l’hôtellerie et à l’offre de services tels que la restauration. Lors de l’acquisition de lots, les acquéreurs s’engagent à régulariser avec l’exploitant de la résidence un bail commercial contre des loyers permettant la rentabilité de leur investissement. La commercialisation est faite par l’intermédiaire d’un mandataire, la SARL Imovelis. Avec cette dernière, les consorts B signent un contrat de réservation le 28 mars 2012, et régularisent la vente le 12 juillet 2012 avec la SCI Résidence du palais. En outre, le 12 décembre 2012, la société Amotour devient le nouvel exploitant de la résidence, l’ancien ayant fait l’objet d’une liquidation judiciaire.

3Le 8 avril 2013, les copropriétaires sont informés que l’exploitation de la résidence est déficitaire, cela s’explique notamment par l’impossibilité d’exploiter le restaurant de l’hôtel depuis la cession des locaux à la société Amotour. Les époux B font assigner, par actes d’huissier du 26 janvier 2015, la SCI Résidence du palais, la SAS Duguesclin développement et la SAS Icade promotion devant le tribunal de grande instance de Lyon pour comportement dolosif aux fins d’obtenir la résolution de la vente du 12 juillet 2012, la restitution du prix et des dommages et intérêts. Intervient au procès le mandataire, SARL Imovelis. Par jugement du 7 mai 2018, les demandeurs obtiennent gain de cause à l’encontre de la société venderesse.

4Toutefois, ils interjettent appel devant la cour d’appel de Lyon à l’encontre de la SAS Duguesclin développement et la SAS Icade promotion. Ils lui demandent de condamner in solidum les trois sociétés à l’initiative du projet et de confirmer l’annulation de la vente sur le fondement du dol aux motifs d’une dissimulation des vices essentiels de l’opération connus, depuis le dépôt de bilan de premier exploitant de la résidence, et d’une absence d’information loyale sur le potentiel de rentabilité. Les époux font notamment état de la rentabilité erronée dans la plaquette de présentation du bien suite à la cession des locaux et de la connaissance d’un montage économique déséquilibré par lesdites sociétés. La société Résidence du palais interjette également appel contre les époux et la SARL Imovelis en invoquant que son intention dolosive n’est pas démontrée, que la cession des locaux ne démontre pas que l’exploitation n’est pas rentable et que la plaquette de présentation n’a pas un caractère contractuel et ne garantit pas le taux de rentabilité, d’autant plus que la commercialisation a été assurée par un mandataire. Finalement, la cour d’appel rejette la qualification de dol et retient un manquement à l’obligation précontractuelle d’information, et ainsi, rend valable le contrat de vente.

I/ La non-caractérisation du dol

5Le dol est une erreur provoquée par des manœuvres frauduleuses. Le consentement d’une partie est vicié dès lors qu’est entaché un élément déterminant du contrat. La preuve doit être rapportée par celui qui invoque ce vice du consentement. En l’espèce, la rentabilité constituait un élément déterminant de la décision de contracter. En effet, les époux ont acquis les lots dans le but d’en tirer un profit économique. De prime abord, le consentement des parties semble avoir été vicié. Toutefois, la cour d’appel écarte l’élément intentionnel de la tromperie en justifiant que la rentabilité n’était pas l’unique critère déterminant : « elle n’était pas le seul avantage procuré par l’investissement ». Mais encore, elle rappelle qu’en l’absence de preuve suffisante sur la volonté de tromper, le dol ne peut être caractérisé. En effet, d’une part, au regard des manœuvres positives, la preuve du vice n’est pas démontrée par la simple insuffisance d’information sur les aléas, et d’autres part, ne constitue pas un dol par réticence le défaut de mention dans l’acte d’un échec d’exploitation par une société antérieure.

6En écartant le dol, la cour d’appel écarte la résolution de la vente avec restitution du prix. L’omission quant à la connaissance des caractéristiques essentielles du contrat ne peut s’apprécier que par un manquement à l’obligation précontractuelle d’information.

II/ Les conséquences du manquement à l’obligation précontractuelle d’information

7Dans le domaine de la vente et de la prestation de service, le manquement à l’obligation précontractuelle d’information est fréquemment avancé, notamment depuis sa consécration à l’article 1112-1 du Code civil. En qualifiant ce manquement, la juridiction de second degré fait application du nouveau droit des contrats. Son analyse est subtile puisque l’obligation précontractuelle d’information consiste à vérifier que le contractant consent de façon éclairée au contrat qui lui est soumis. En l’espèce, cette obligation consistait à prévenir les époux sur les risques et aléas que supposait leur investissement.

8Cette qualification permet également à la cour d’appel d’engager la seule responsabilité de la société venderesse. En effet, elle rappelle que l’obligation précontractuelle d’information ne peut être considérée qu’entre parties à l’acte, à moins qu’une faute des tiers soit rapportée. Ainsi, la cour ne retient pas la participation des sociétés Icade promotion et Duguesclin développement en raison de l’absence d’engagement contractuel à l’égard des époux et du défaut de preuve d’une faute rapportée par ces derniers.

9En outre, la cour rappelle que l’obligation précontractuelle d’information n’incombe qu’au professionnel vendeur de bien, au sens de l’article L.111-1 du code de la consommation, dès lors que le mandataire en charge de la commercialisation devait suivre les instructions exactes du promoteur, sans latitude sur la présentation. Ainsi, en l’espèce, l’action en garantie ne saurait être retenue : le mandataire n’est pas redevable de l’obligation en cause.

10Enfin, la qualification donnée par la cour d’appel permet d’écarter la nullité de la vente et d’affirmer la validité de l’acte de vente en cause. Cela explique que seuls des dommages et intérêts peuvent réparer le préjudice qui consiste en la non-réalisation du gain escompté.

Arrêt commenté :
CA Lyon, 1re ch. civ. B, 26 novembre 2019, n° 18/04505



Citer ce document


Agathe Monfray, «Manquement à l’obligation précontractuelle d’information», BACALy [En ligne], n°15, Publié le : 01/10/2020,URL : http://publications-prairial.fr/bacaly/index.php?id=2558.

Auteur


À propos de l'auteur Agathe Monfray

Étudiante, M2 droit notarial interne, université Jean Moulin Lyon 3


BACALy