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Le caractère tacite de la révocation d’une donation de biens à venir entre époux est soumis à l’appréciation souveraine des juges du fond

Amaury Mondonneix


1Depuis la loi n° 2004-439 du 26 mai 2004, les donations de biens à venir entre époux consenties pendant le mariage sont révoquées de plein droit par le divorce. Néanmoins, les divorces antérieurs à l’entrée en vigueur de cette réforme ne bénéficient pas de l’application de ces nouvelles dispositions : les donations de biens à venir vont produire leurs effets au premier décès de l’un des conjoints malgré le prononcé du jugement de divorce. Toutefois, à défaut d’une révocation automatique, l’article 1096 du Code civil énonce que la donation de biens à venir demeure toujours révocable et, ce, par la volonté unilatérale non motivée et discrétionnaire du donateur. Dans cette hypothèse, la révocation n’est pas nécessairement expresse mais peut également résulter d’une volonté tacite.

2À cet égard, la cour d’appel de Lyon rappelle que la révocation tacite d’une donation au dernier vivant est subordonnée à la démonstration d’une intention claire et non équivoque du donateur de révoquer sa donation. À ce titre, elle précise que cette intention peut résulter d’un ensemble de comportements et de circonstances, confirmant ainsi l’appréciation souveraine des juges du fond dans ce domaine.

3Dans l’affaire dont il est question, deux époux ont contracté une donation au dernier vivant en cours d’union en 1995 avant de se séparer deux années plus tard. En 2012, Madame décède en laissant pour lui succéder sa fille unique, née d’une union ultérieure. En vertu de l’acte de donation au dernier vivant consenti, son ex-époux revendique l’usufruit de l’universalité de son patrimoine, au détriment de la fille du de cujus. Cette dernière, ne pouvant se prévaloir de la révocabilité automatique de la donation, a saisi le tribunal de grande instance de Lyon en arguant de la révocation antérieure de la donation. Le tribunal l’ayant débouté de sa demande par un jugement rendu le 22 novembre 2017, l’héritière a interjeté appel. Devant la cour d’appel de Lyon, l’appelante sollicite la révocation tacite de la donation en avançant des faits de nature à démontrer la volonté tacite de la défunte de révoquer la donation. Elle fait notamment mention de la brièveté de la relation des anciens époux, lesquels n’avaient acquis aucun bien en commun ni eu d’enfant. Elle fait également valoir que Monsieur n’avait conservé aucun contact avec son ex-épouse, celle-ci l’ayant d’ailleurs retiré comme bénéficiaire du capital décès de son régime de prévoyance.

4En recourant à la technique du faisceau d’indices, la cour d’appel de Lyon retient les arguments avancés par l’appelante et conclut qu’il résulte de ces éléments que la donatrice entendait bien évincer de sa vie et de ses biens son ex-époux, permettant ainsi de caractériser l’intention claire et non équivoque de la donatrice de révoquer la donation.

Arrêt commenté :
CA Lyon, 1re ch. civ. B, 1er octobre 2019, n° 18/01956



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Amaury Mondonneix, «Le caractère tacite de la révocation d’une donation de biens à venir entre époux est soumis à l’appréciation souveraine des juges du fond», BACALy [En ligne], n°15, Publié le : 01/10/2020,URL : http://publications-prairial.fr/bacaly/index.php?id=2555.

Auteur


À propos de l'auteur Amaury Mondonneix

Étudiant, M2 droit notarial interne, université Jean Moulin Lyon 3


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