Les conflits successoraux sont parfois l’aboutissement d’anciens conflits familiaux. Le patrimoine successoral est source de contentieux, notamment lorsqu’un individu reçoit par legs des biens qu’il n’était pas censé recevoir par succession. À ce titre, rappelons que le testament est un instrument permettant une libéralité à cause de mort, le de cujus pouvant alors instituer une personne dans la limite de la quotité disponible. À ce titre, le père de la légataire estime que le testament doit être annulé en raison de l’insanité d’esprit de son propre géniteur. Tel est le cas dans l’arrêt étudié qui met en opposition un père et sa fille instituée légataire à titre particulier par son grand-père.
L’arrêt de la cour d’appel de Lyon du 25 février 2020 fait suite à une décision du tribunal de grande instance de Lyon datant du 4 décembre 2018, au terme de laquelle le testament authentique du de cujus avait été annulé. Le défunt avait, dans son testament rédigé le 9 mars 2012, institué sa petite fille en tant que légataire à titre particulier ; le legs était constitué d’un bien immobilier et du tiers indivis d’un autre bien. Le de cujus, tétraplégique et atteint de surdité, avait été victime de plusieurs accidents vasculaires cérébraux le rendant dépendant dans la vie courante. Le testament dans lequel il institue sa petite-fille comme légataire à titre particulier a été écrit par un notaire, devant deux témoins présents simultanément et de manière ininterrompue.
Le fils unique du de cujus et père de la petite-fille assigne cette dernière devant le tribunal de grande instance de Lyon en vue de solliciter l’annulation du testament. Pour ce faire il arguait à titre principal que son père n’était pas lucide lors de la rédaction du testament et que sa surdité aurait invalidé la relecture du testament faite par le notaire instrumentaire. Suite à la décision rendue en première instance, la petite fille interjette appel. Cette dernière se fonde à titre principal sur les articles 901, 972, 1371 et 1382 du Code civil ; elle souhaite voir déclarer le testament valable et constater qu’aucune procédure en inscription de faux du testament n’a été initié. En l’espèce, la cour d’appel de Lyon fait droit à la demanderesse en infirmant le jugement du tribunal de grande instance de Lyon. Elle juge d’une part que le testament est valable, la preuve de l’insanité d’esprit du testateur lors de la rédaction du testament n’étant pas rapportée par l’intimé et indique d’autre part qu’un acte authentique fait preuve jusqu’à inscription de faux.
La cour rappelle au visa de l’article 901 du Code civil que « pour faire une libéralité il faut être sain d’esprit ». L’intimé, dans ses prétentions indiquait que son père n’était pas lucide au moment de la rédaction du testament. Sur ce point, la cour répond qu’une lettre écrite deux ans avant la rédaction du testament, par l’intimé lui-même, à destination de la banque du testateur, indiquait formellement que ce dernier était lucide. Mais elle souligne que la perte de la lucidité entre ladite lettre et la rédaction du testament n’a pas été rapportée par l’intimé. Celui-ci a également avancé que la signature du testateur apposée sur le testament était altérée et ne ressemblait pas à celle de ce dernier ; la cour d’appel précise sur ce point qu’on ne peut en déduire une altération des facultés mentales de l’intéressé. Rappelons que le testateur était tétraplégique et victime de plusieurs accidents cérébraux qui pourraient être à l’origine de l’altération de sa signature. Enfin, l’intimé faisait prévaloir le fait, que le testateur souffrait de surdité impliquant selon l’intimé « une perte plus ou moins marquée de l'audition ». Mais ici encore, la cour précise que la preuve de la surdité lors de la relecture du testament par le notaire instrumentaire n’était pas rapportée.
Enfin, dans le testament authentique figurait une mention précisant expressément que le testament avait été rédigé par le notaire instrumentaire dicté par le testateur. Dans cette mention figurait également la déclaration du testateur par laquelle il confirmait sa compréhension du testament et le reflet exact de sa volonté. La cour d’appel juge au visa de l’article 1371 du Code civil que l’acte authentique fait foi jusqu’à inscription de faux, elle considère ainsi que ce testament est valable, car l’intimé n’a intenté aucune procédure d’inscription de faux.
Le testament authentique a l’avantage de faire foi jusqu’à inscription de faux ; cette forme de testament peut être préconisée dans le cas de situation familiale conflictuelle, pour anticiper les contestations futures.
Arrêt commenté :
CA Lyon 1re ch. civ. B, 25 février 2020, n° 18/08737