La présence d’un conseil lors de la signature de l’acte authentique ne neutralise pas l’obligation d’information et de conseil du notaire

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Mots-clés

responsabilité, notaire, obligation d’information et de conseil

Rubriques

Droit patrimonial de la famille

Texte

Par cet arrêt du 10 mars 2020, la cour d’appel de Lyon est invitée à se prononcer sur l’obligation d’information et de conseil du notaire dont les contours sont parfois difficiles à cerner.

Pour rappel le devoir de conseil de l’officier public consiste à veiller à ce que ses clients aient parfaitement conscience de la teneur et des effets de l’engagement qu’ils ont souscrit. En effet dans un arrêt de principe de 1960, la Cour de cassation a affirmé que « les notaires, tenus professionnellement d'éclairer les parties, ne peuvent décliner le principe de leur responsabilité en alléguant qu'ils se sont bornés à donner la forme authentique aux déclarations reçues » (Cass. civ. 1re, 21 avril 1971).

En lespèce un propriétaire avait consenti à son épouse un bail à ferme sur un domaine agricole. Cette dernière fait ensuite l’objet d’une procédure de liquidation judiciaire. Par le biais d’une promesse de vente, son époux bailleur s’est obligé envers une SAFER à vendre les biens immobiliers dont il était propriétaire au prix de 500 000 euros. Néanmoins par acte sous seing privé les parties ont convenu d’annuler la promesse de vente, et dans le cadre d’un accord avec le vendeur, l’acquéreur (en l’espèce une SARL), s’est engagé à payer à la SAFER une somme forfaitaire de 58 900 euros. La SAFER a autorisé la vente au profit de la SARL en renonçant à son droit de préemption. Un compromis a été conclu par acte sous seing privé concernant la vente des biens immobiliers pour un prix de 668 000 euros, en ce inclus une commission due à la SAFER. Le compromis prévoyait également le versement d’un dépôt de garantie de 50 000 euros, remis entre les mains du liquidateur judiciaire aux fins d’apurer le passif du débiteur. La réitération par acte authentique n’est toutefois jamais intervenue.

Deux compromis de vente reçus par un notaire ont été conclus au profit d’un autre acquéreur. Les actes comportaient notamment un protocole d’accord mentionnant la demande de remboursement par l’ancien candidat acquéreur de la somme de 109 800 euros séquestrée dans l’attente d’un accord des parties ou d’une décision judiciaire. L’acquéreur a accepté de rembourser à la SARL la somme de 95 000 euros et le compromis de vente a été réitéré par acte authentique le même jour.

Le notaire a toutefois vu sa responsabilité mise en cause devant le tribunal de grande instance de Bourg-en-Bresse pour manquement à son obligation d’information et de conseil au titre du règlement de la somme mentionnée dans le protocole d’accord. Lacquéreur souligne par ailleurs une défaillance dans l’obligation d’information de l’officier public qui n’a pas attiré son attention sur la possibilité d’une exonération de l’imposition sur les plus-values liée à la durée de détention du bien. Condamné en première instance, le notaire interjette appel et invoque le fait que le protocole d’accord a été signé par l’acquéreur en présence de son conseil en toute connaissance de cause. Il soutient en outre que l’acte litigieux contenait un paragraphe relatif aux plus-values, ce dernier ayant été lu devant le client. Il affirme notamment qu’il n’était soumis à aucune obligation de conseil écrite et que l’état de nécessité de l’acquéreur justifiait la nécessaire vente du bien.

S’agissant de la présence d’un conseil lors de la signature de l’acte, les juges du second degré refusent de donner raison à l’appelant, ils soulignent en effet que « l’obligation de conseil ne peut pas être supprimée ou atténuée en raison de la présence imposée par le client d’un autre conseiller ».

Par cette solution la cour d’appel réaffirme avec clarté le principe selon lequel le notaire est débiteur d’un devoir de conseil envers son client. En effet, ni les compétences professionnelles de ce dernier (Cass. Civ 1re, 28 nov 1995, n° 93-14.796), ni l’assistance du client par un autre conseiller (un autre notaire ou un avocat) ne peut limiter ce devoir. Force est de constater une inflexibilité des prétoires dans l’appréciation de cette obligation. En ce sens la Cour de cassation a pu reconnaître l’engagement de la responsabilité d’un notaire n’ayant pas signifié à son client, pourtant lui-même notaire, les conséquences fiscales de son engament (Cass. civ. 1re, 3 avr. 2007, n° 06-12831).

Au titre de la pratique notariale, il semble utile de rappeler l’opportunité de la mobilisation de la clause de conseil donnée soumise à signature du client, laquelle permet à l’officier public de se pré-constituer la preuve de la délivrance de sa mission de conseil.

Au sujet des plus-values, le notaire est débiteur d’une obligation d’information sur les incidences fiscales de l’acte auquel il prête son concours, en l’occurrence ce dernier est tenu d’informer les clients de l’existence d’un régime fiscal plus avantageux. Néanmoins les juges du second degré refusent de donner raison aux prétentions de l’intimé. En effet l’état de nécessité dans lequel il se trouvait en raison de la procédure de liquidation judiciaire justifiait la vente du bien pour éteindre le passif. La perte de chance alléguée n’était donc que purement hypothétique et ne pouvait donner lieu à indemnisation.

Arrêt commenté :
CA Lyon, 1re ch. civ. B, 10 mars 2020, n° 18/04536

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Citer cet article

Référence électronique

Albane Ferry, « La présence d’un conseil lors de la signature de l’acte authentique ne neutralise pas l’obligation d’information et de conseil du notaire », Bulletin des arrêts de la Cour d'appel de Lyon [En ligne], 15 | 2020, mis en ligne le 01 octobre 2020, consulté le 17 août 2025. URL : https://publications-prairial.fr/bacaly/index.php?id=2549

Auteur

Albane Ferry

Étudiante, M2 droit notarial, université Jean Moulin Lyon 3

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