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Le notaire a une obligation d’information et de conseil en matière fiscale envers les héritiers d’un contrat de capitalisation

Alexis Ballester


1Le notaire a-t-il un devoir de conseil en matière fiscale envers les héritières d’un contrat de capitalisation et sa déclaration de sinistre vaut elle reconnaissance d’une faute ? C’est à ces questions que la cour d’appel de Lyon a répondu dans un arrêt du 8 octobre 2019.

2En l’espèce, Mme R. décède, laissant à l’actif de sa succession notamment deux contrats de capitalisation, dont maître C., chargé de la succession, a sollicité le rachat quatre mois après le décès. Dans le cadre du règlement de la succession, maître C. a décidé seul d’opter pour l’un des deux régimes fiscaux applicables à de tels contrats, sans porter au préalable à la connaissance des deux héritières, ni l’existence, ni le choix qui leur était offert. Ces dernières ont constaté deux pertes financières subséquentes, la première issue de l’option fiscale choisie par le notaire, qui se trouvait être finalement la moins favorable, et la seconde résultant de la vente tardive des titres et parts sociales.

3Déboutées de leurs demandes par le tribunal de grande instance de Saint-Étienne, elles ont interjeté appel pour obtenir indemnisation de leur préjudice au visa de l’article 1240 du Code civil. Les héritières invoquaient deux fautes imputables au notaire, pour justifier la réparation de leurs préjudices sur le fondement de sa responsabilité civile délictuelle : d’une part, l’officier public aurait commis une faute résultant d’un manquement à son devoir d’information et de conseil, en omettant de les informer et de les faire participer au choix de l’option fiscale qui s’offrait à elles ; d’autre part, il aurait également commis une faute pour manquement à son obligation de diligence en sollicitant tardivement le rachat de ces contrats, et dont la déclaration de sinistre auprès de son assurance justifierait la reconnaissance. Pour sa défense, maître C. faisait valoir qu’il ne connaissait pas la composition du patrimoine, ni la fiscalité des héritières, et, soucieux de la question fiscale, avait pris sa décision sur des bases erronées obtenues auprès de la compagnie d’assurance seule fautive. Il justifie également le rachat tardif des contrats en démontrant que ce délai ne lui était pas imputable et qu’il n’était pas responsable de l’aléa économique subi en conséquence.

4Sur la responsabilité notariale. La cour d’appel de Lyon fonde son raisonnement sur l’article 1240 du Code civil, rappelant que la responsabilité notariale est pour l’essentiel une responsabilité de nature délictuelle, répondant aux conditions de droit commun (v. P. Brun, R. Crône, P. Pierre, J. de Poulpiquet, Responsabilité des notaires, Civile, Disciplinaire, Pénale, 3e éd, Dalloz, 2019-2020, p. 31). Sa mise en œuvre repose sur la démonstration classique d’une faute commise par le notaire, en lien de cause à effet avec le préjudice allégué. La cour souligne néanmoins la règle particulière affectant la preuve de l’exécution de son devoir de conseil par le notaire, qui à l’inverse du droit commun en est le débiteur (v. J-F Sagaut, J-F Pillebout, V° Responsabilité notariale, Fasc. 10 : « Responsabilité notariale. – Reconnaissance de conseils donnés », JurisClasseur Notarial Formulaire).

5Sur l’obligation d’information et de conseil. Sur ce point, la cour d’appel de Lyon infirme le jugement déféré et reconnait qu’il incombe au notaire une obligation d’information et de conseil, portant sur la fiscalité applicable aux contrats de capitalisation litigieux. Les juges lyonnais semblent faire application d’une jurisprudence bien établie, reconnaissant à la charge du notaire un devoir de conseil étendu et strict en matière fiscale (v. pour exemple Cass. civ. 1re, 13 déc. 2005, n° 03-11.443). En conséquence, il était tenu d’éclairer et d’informer les demanderesses au pourvoi sur le choix et les options fiscales qui s’offraient à elle. Il résulte également du devoir de conseil de cet officier public, une obligation d’investigation (v. Cass. Civ. 1re, 12 mai 2011, n° 10-17.602) qui aurait dû conduire maître C. à rechercher la composition du patrimoine et la fiscalité des héritières en les questionnant. Puisqu’il s’agit ici d’un manquement caractérisé au devoir de conseil du notaire, la cour s’est bornée à établir l’absence de preuve rapportée par maître C. pour retenir la qualification de faute.

6Sur l’obligation de diligence et la déclaration de sinistre. Cette fois, la cour d’appel confirme le jugement déféré, et refuse d’admettre la déclaration de sinistre réalisée par le notaire, comme la reconnaissance de sa propre faute. La preuve de la faute du notaire n’ayant pas été rapportée conformément au droit commun, les demanderesses ont été déboutées de leurs prétentions. On peut toutefois se demander si la requête n’aurait pas été plus efficace pour les héritières, en se fondant sur le devoir de conseil du notaire, faisant directement présumer sa faute.

Arrêt commenté :
CA Lyon, 1re ch. civ. B, 8 octobre 2019, n° 18/05621



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Alexis Ballester, «Le notaire a une obligation d’information et de conseil en matière fiscale envers les héritiers d’un contrat de capitalisation», BACALy [En ligne], n°15, Publié le : 01/10/2020,URL : http://publications-prairial.fr/bacaly/index.php?id=2545.

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À propos de l'auteur Alexis Ballester

Étudiant, M2 droit notarial interne, université Jean Moulin Lyon 3


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