Cass. 2e Civ., 31 mars 2022, n° 20-19.992 (aggravation)

Abstract

« Retenant ensuite exactement que l’action en aggravation d’un préjudice est autonome au regard de l’action en indemnisation du préjudice initial, la cour d’appel en a déduit, à bon droit, que la demande formée par Mme [Z] au titre de son préjudice de retraite était prescrite, puisque, si la demande en justice aux fins d’indemnisation de son préjudice initial avait interrompu le délai de prescription jusqu’à l’arrêt de la Cour de cassation du 16 décembre 1986, un nouveau délai de 10 ans avait commencé à courir à compter de cette date, lequel avait expiré le 16 décembre 1996. »

Index

Mots-clés

aggravation

[...]

Faits et procédure

1. Selon l’arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 30 janvier 2020), Mme [Z] a été victime, le 7 juillet 1980, d’un accident de la circulation impliquant le véhicule conduit par M. [T], assuré auprès de la société Gan assurances. Une cour d’appel a liquidé son préjudice par un arrêt du 29 novembre 1985.

2. Mme [Z] a, par la suite, été indemnisée de l’aggravation de ses dommages, par deux décisions de cette même cour d’appel des 25 janvier 1995 et 12 septembre 2012.

3. Alléguant une nouvelle aggravation de son état, Mme [Z] a assigné, les 17 et 25 octobre 2016, M. [T] et son assureur devant un tribunal de grande instance, afin d’obtenir la réparation de son préjudice. A cette occasion, elle a sollicité l’indemnisation d’un préjudice de perte de droits à la retraite lié aux conséquences de son dommage initial.

Examen des moyens

Sur le premier moyen

Énoncé du moyen

4. Mme [Z] fait grief à l’arrêt de confirmer le jugement en ce qu’il la déboute du surplus de ses demandes indemnitaires, et y ajoutant, la déclare prescrite en sa demande d’indemnisation d’un préjudice de retraite au titre de son préjudice initial, alors « que le juge qui décide que la demande dont il est saisi est irrecevable excède ses pouvoirs en statuant au fond ; qu’en l’espèce, la cour d’appel a confirmé le jugement de première instance en ce qu’il avait débouté Mme [Z] du surplus de ses demandes indemnitaires au titre du préjudice de retraite résultant du dommage initial ; que, dans le même temps, elle a déclaré cette demande irrecevable comme prescrite ; qu’en déclarant la demande de Mme [Z] tout à la fois irrecevable et mal fondée, la cour d’appel a excédé ses pouvoirs et violé l’article 122 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

5. La cour d’appel ayant constaté que la demande de réparation d’un préjudice de retraite avait été formée devant le premier juge au titre de l’aggravation de son préjudice, alors qu’elle était sollicitée devant elle au titre de l’indemnisation de son préjudice initial, c’est sans commettre d’excès de pouvoir qu’elle a confirmé le jugement en l’absence de lien de causalité avec l’aggravation et déclaré la demande présentée devant elle irrecevable comme prescrite.

6. Le moyen n’est, dès lors, pas fondé.

Sur le second moyen

Énoncé du moyen

7. Mme [Z] fait grief à l’arrêt de la déclarer prescrite en sa demande d’indemnisation d’un préjudice de retraite au titre de son préjudice initial, alors :

« 1°/ que la demande en justice interrompt le délai de prescription ; que si, en principe, l’interruption de la prescription ne peut s’étendre d’une action à l’autre, il en est autrement lorsque les deux actions, quoique ayant des causes distinctes, tendent à un seul et même but, de telle sorte que la deuxième est virtuellement comprise dans la première ; qu’en l’espèce, pour déclarer prescrite la demande de Mme [Z], la cour d’appel considéré que « l’action en aggravation d’un préjudice est autonome au regard de l’action en indemnisation du préjudice initial » ; qu’en se prononçant ainsi tandis que l’action tendant à la réparation du dommage initial comprend tous les chefs de préjudice qui n’ont pas encore été réparés de sorte qu’elle interrompt le délai de prescription de l’action tendant à l’indemnisation de l’ensemble des préjudices non réparés qui sont consécutifs à ce dommage, la cour d’appel a violé l’article 2241 du code civil, anciennement l’article 2244 du même code ;

2°/ que la demande en justice interrompt le délai de prescription ; que si, en principe, l’interruption de la prescription ne peut s’étendre d’une action à l’autre, il en est autrement lorsque les deux actions, quoique ayant des causes distinctes, tendent à un seul et même but, de telle sorte que la deuxième est virtuellement comprise dans la première ; qu’en l’espèce, Mme [Z] faisait valoir qu’elle avait engagé plusieurs actions en réparation de son préjudice initial puis en réparation de l’aggravation de celui-ci et que ces actions qui constituaient des actes interruptifs du délai de prescription, concernaient l’indemnisation de son préjudice d’incapacité professionnelle dont fait partie le préjudice de retraite ; qu’en déclarant prescrite la demande de Mme [Z] tendant à l’indemnisation du préjudice de retraite au titre du dommage initial, sans rechercher, comme elle y était invitée, si les demandes de Mme [Z] tendant à obtenir l’indemnisation de son préjudice d’incapacité professionnelle, à chaque aggravation, ne comprenaient pas virtuellement le préjudice de retraite, non réparé, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article 2241 du code civil, anciennement l’article 2244 du même code. »

Réponse de la Cour

8. L’arrêt relève d’abord que Mme [Z] sollicitait l’indemnisation d’un préjudice de retraite résultant de son préjudice initial, alors que son état avait été consolidé avec une incapacité permanente partielle de 58 %, consacrant une incapacité de travail, ce dont elle avait parfaitement connaissance puisqu’elle n’a jamais repris d’activité salariée depuis son accident.

9. Retenant ensuite exactement que l’action en aggravation d’un préjudice est autonome au regard de l’action en indemnisation du préjudice initial, la cour d’appel en a déduit, à bon droit, que la demande formée par Mme [Z] au titre de son préjudice de retraite était prescrite, puisque, si la demande en justice aux fins d’indemnisation de son préjudice initial avait interrompu le délai de prescription jusqu’à l’arrêt de la Cour de cassation du 16 décembre 1986, un nouveau délai de 10 ans avait commencé à courir à compter de cette date, lequel avait expiré le 16 décembre 1996.

10. Le moyen n’est, dès lors, pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi [...] ».

References

Electronic reference

« Cass. 2e Civ., 31 mars 2022, n° 20-19.992 (aggravation) », Actualité juridique du dommage corporel [Online], 24 | 2022, Online since 16 mars 2023, connection on 19 juillet 2025. URL : https://publications-prairial.fr/ajdc/index.php?id=1631

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