Décision attaquée : Cour d’appel de Paris 16 septembre 2021 (no 20/00817, no 20/09346, et no 20/09349).
Ces trois affaires concernent des victimes de l’attentat terroriste ayant eu lieu, le 9 janvier 2015, dans le magasin Hypercasher de Vincennes. Dans la première espèce, la victime s’est réfugiée pendant plusieurs heures dans l’une des chambres froides du magasin, jusqu’à sa libération par les services de police. Les deux autres espèces concernent deux victimes ayant été prises en otage dans le magasin pendant plusieurs heures, jusqu’à leur libération par les services de police. Après avoir reçu des provisions du FGTI, les trois victimes, ainsi que leurs proches, ont assigné le fonds de garantie aux fins d’indemnisation de leurs préjudices. La cour d’appel de Paris a, dans trois arrêts rendus le 16 septembre 2021, déclaré irrecevables les demandes d’indemnisation de leurs préjudices personnels formées par les proches des victimes de l’attentat terroriste au motif que leur qualité d’ayants droit faisait défaut. En effet, la cour d’appel explique que « les personnes recevables à réclamer l’indemnisation de leurs préjudices sont d’une part les victimes directes de l’acte de terrorisme, d’autre part leurs ayants droit ».
Mécontents, les proches des victimes ont décidé de se pourvoir en cassation. Ils soutiennent qu’en application des articles L.126-1, L.422-1 et L.422-2 du Code des assurances, « toute victime, directe ou par ricochet, d’actes de terrorisme commis sur le territoire national est recevable à demander au FGTI l’indemnisation des dommages résultant de l’atteinte à sa personne ». La Cour de cassation est ainsi amenée à répondre à la question de savoir si les victimes par ricochet d’un attentat terroriste doivent être indemnisées par le FGTI lorsque la victime directe a survécu.
Dans trois arrêts rendus le 27 octobre 2022, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation répond à cette question par l’affirmative. Elle indique : qu’aucun des textes en cause « n’exclut l’indemnisation des proches de la victime directe d’un attentat, en cas de survie de celle-ci ». Dès lors, les proches d’une victime directe d’actes de terrorisme peuvent être indemnisés au titre d’un préjudice personnel, même lorsque la victime directe a survécu. Par ailleurs, la Cour de cassation prend le soin de rappeler que le 25 mars 2022 (Cass. Ch. mixte, 25 mars 2022, no 20-17.072), elle a admis « l’indemnisation du préjudice d’attente et d’inquiétude que peuvent subir les proches d’une victime exposée à un péril de nature à porter atteinte à son intégrité corporelle, y compris en cas de survie de celle-ci ».
En conclusion, la Cour de cassation a, par ces arrêts, précisé les contours de la définition de la notion de victime d’attentat terroriste en indiquant que la qualification de victime par ricochet peut être retenue pour les proches des victimes directes qui ne sont pas décédées. Une telle précision permet à toutes les victimes par ricochet d’être indemnisées par le FGTI, peu importe que la victime directe soit décédée ou non. Dès lors, la Haute cour vient mettre fin à toute confusion que pourrait entraîner la notion d’ayant droit à laquelle il est fait référence dans l’article L.126-1 du Code des assurances, en affirmant que la qualité d’ayant droit, pour les proches de victimes directes d’actes de terrorisme, n’est pas indispensable à l’obtention d’une indemnisation de la part du FGTI.
Cette décision paraît logique dans la mesure où, comme le précise la Haute cour, le fait d’exclure « l’indemnisation des proches d’une victime survivante conduirait à réserver aux proches des victimes d’attentats un sort plus défavorable qu’à ceux des victimes d’autres infractions ». En effet, une telle décision permet de ne pas créer d’inégalités ou de hiérarchisation dans la prise en charge des victimes par ricochet de différentes infractions, dans la mesure où ce type d’indemnisation existait déjà, depuis deux arrêts rendus le 14 janvier 1998 (Cass. 2e Civ, 14 janvier 1998, no 96-16.255 et Cass. 2e Civ, 14 janvier 1998, no 96-11.328), pour les proches de victimes d’infractions de droit commun survivantes. Se faisant, la Cour de cassation procède à une harmonisation des régimes appliqués aux victimes d’attentats terroristes et aux victimes d’autres infractions.
Il est opportun de noter que la Cour de cassation a rendu, le même jour, une autre décision dans laquelle elle se prononce sur la notion de victime en excluant les témoins de cette qualification et en leur refusant la possibilité d’obtenir une indemnisation de la part du FGTI (Cass. 2e Civ, 27 octobre 2022, no 21-13.134). La Haute cour considère que l’exposition, de manière directe, à un péril objectif de mort ou d’atteinte corporelle est un critère essentiel et indispensable pour prétendre à la qualification de victime et à une indemnisation de la part du FGTI. Or, en l’espèce, il a été jugé que les témoins n’avaient pas été exposés à un tel péril. Cette décision peut néanmoins paraître sévère puisqu’accorder la qualité de victime ainsi qu’une indemnisation par le FGTI aux témoins d’actes terroristes, au même titre que les victimes directes ou que les proches de celles-ci, ne serait pas si étonnant dans la mesure où la survenance de tels événements peut avoir de lourdes conséquences sur la santé psychique et sur la vie quotidienne des témoins (V. sur ce point l’Enquête ESPA 13 novembre).