(…)
Faits et procédure
1. Selon l’arrêt attaqué (Poitiers, 19 janvier 2021) et les productions, le 8 février 2010, M. [G], qui pilotait une motocyclette assurée par la société Macif, a été victime d’un accident de la circulation impliquant le véhicule conduit par Mme [U], assuré par la société Thélem assurances (l’assureur). Les séquelles de cet accident l’ont obligé à renoncer à une carrière au sein de la gendarmerie nationale, alors qu’il devait intégrer une école de sous-officiers le 21 février 2010.
2. Sur la base d’un rapport d’expertise médicale déposé le 23 avril 2015, ayant fixé la date de consolidation de l’état de santé de M. [G] au 5 janvier 2015, l’assureur lui a présenté, le 1er décembre 2016, une offre d’indemnisation provisionnelle.
Examen des moyens
Sur le deuxième moyen, ci-après annexé
3. En application de l’article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n’y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n’est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Mais sur le moyen relevé d’office
4. Après avis donné aux parties conformément à l’article 1015 du code de procédure civile, il est fait application de l’article 620, alinéa 2, du même code.
Vu les articles L. 211-9 et L. 211-13 du code des assurances :
5. Il résulte de ces textes que l’assureur qui garantit la responsabilité du conducteur d’un véhicule impliqué dans un accident de la circulation est tenu de présenter à la victime, dans les délais impartis, une offre d’indemnité qui doit comprendre tous les éléments indemnisables du préjudice et qu’à défaut, le montant de l’indemnité offerte par l’assureur ou allouée par le juge à la victime produira intérêts de plein droit, au double du taux de l’intérêt légal, à l’expiration du délai et jusqu’au jour de l’offre ou du jugement devenu définitif.
6. Pour fixer au 1er décembre 2016 le terme de la sanction du doublement des intérêts au taux légal des indemnités qu’il allouait à M. [G], l’arrêt constate que l’assureur, qui n’a pas formulé d’offre, ne peut utilement soutenir que cette sanction a pour assiette le montant des sommes qu’il a offertes.
7. En statuant ainsi, alors qu’il ressortait de ses propres constatations que l’assureur n’avait formulé aucune offre et qu’elle se prononçait le 19 janvier 2021, la cour d’appel a violé les textes susvisés.
Et sur le troisième moyen
Enoncé du moyen
M. [G] fait grief à l’arrêt de condamner l’assureur du conducteur impliqué dans l’accident de la circulation à lui payer, au titre des pertes de gains professionnels actuels et futurs, les sommes respectivement limitées à 53 541,75 euros et 45 351,55 euros, alors « que le préjudice doit donner lieu à réparation intégrale, sans perte ni profit pour la victime ; qu’en l’espèce, l’arrêt attaqué a intégré dans l’assiette des pertes de gains professionnels actuels et futurs une « moitié (seulement) du montant des loyers » que l’exposant devrait désormais régler pour avoir été définitivement empêché par l’accident de devenir officier de gendarmerie attributaire d’un logement de fonction gratuit, au prétexte que « l’autre moitié (était) supportée par sa compagne, cotitulaire du bail », le fait que celle-ci ne « règle aucune part » résultant d’un « choix » des « concubins » ; qu’en n’indemnisant que partiellement la privation pourtant totale pour la victime, indépendamment de son statut conjugal, de sa perte du bénéfice financier résultant d’un hébergement gratuit, la cour d’appel a méconnu le principe de la réparation intégrale, en violation de l’article 1382 du code civil devenu article 1240 du même code. »
Réponse de la Cour
Vu le principe de la réparation intégrale, sans perte ni profit pour la victime :
8. Pour fixer à 53 541,75 euros les pertes de gains professionnels actuels subies par M. [G] et à 45 351,55 euros ses pertes de gains professionnels futurs, après avoir constaté, en substance, que, pendant toute sa carrière au sein de la gendarmerie nationale, il aurait été logé gratuitement avec sa compagne, l’arrêt retient qu’il doit être tenu compte de cette perte à hauteur de la moitié du montant des loyers qu’il justifie acquitter, l’autre moitié étant supportée par sa compagne.
9. En statuant ainsi, alors qu’elle constatait que la perte de l’avantage constitué par un logement gratuit pour lui et sa compagne pendant sa scolarité et jusqu’à sa retraite était la conséquence directe de son inaptitude définitive à la profession de gendarme résultant de l’accident dont il avait été victime, la cour d’appel a violé le principe susvisé.
PAR CES MOTIFS, et sans qu’il y ait lieu de statuer sur l’autre grief du pourvoi, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce que, d’une part, il condamne la société Thélem à payer à M. [G] la somme de 53 541,75 euros au titre de ses pertes de gains professionnels actuels et celle de 45 351,55 euros au titre de ses pertes de gains professionnels futurs, d’autre part, il dit que la somme de 967 921,94 euros au titre des dépenses de santé futures constitue avec les autres indemnités allouées à la victime l’assiette de la pénalité du doublement des intérêts au taux légal prononcée par le tribunal pour la période du 9 octobre 2010 au 1er décembre 2016, l’arrêt rendu le 19 janvier 2021, entre les parties, par la cour d’appel de Poitiers ;
Remet, sur ces points, l’affaire et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d’appel de Rennes ; (…) ».