Cass. 2e Civ., 20 avril 2023, no 21-21.490 (dépenses de santé)

Résumé

« M. [Z] fait grief à l’arrêt de limiter à 15 478,89 euros la condamnation de la SADA au titre de ses dépenses de santé futures, alors « qu’il incombe au juge d’évaluer le préjudice à la date à laquelle il rend sa décision ; qu’en fixant le préjudice subi par M. [Z] au titre de ses dépenses de santé, caractérisé par un besoin en bas de contention, à leur coût d’acquisition, la cour d’appel, qui s’est placée à la date à laquelle les dépenses de santé ont été exposées pour évaluer le préjudice, sans l’actualiser à la date de sa décision, a violé le principe de la réparation intégrale sans perte ni profit pour la victime ». « Vu le principe de la réparation intégrale sans perte ni profit pour la victime : En application de ce principe, il incombe au juge d’évaluer le préjudice à la date à laquelle il rend sa décision. Pour condamner la SADA à payer à M. [Z] la somme de 7 917,03 euros au titre des dépenses de santé futures, l’arrêt prend pour base de calcul du coût des bas de contention la somme de 350 euros, de la date de la consolidation à la date de l’arrêt. En statuant ainsi, sans procéder, comme il le lui était demandé, à l’actualisation, au jour de sa décision, de l’indemnité allouée en réparation de ce préjudice en fonction de la dépréciation monétaire, la cour d’appel a violé le principe susvisé. »

(…)

Faits et procédure

1. Selon l’arrêt attaqué (Paris, 24 juin 2021), rendu sur renvoi après cassation (2e Civ., 16 juillet 2020, pourvoi n° 19-16.696, 18-24.013) M. [Z], qui pilotait un scooter assuré par la société Allianz IARD (la société Allianz), a été victime d’un accident de la circulation dans lequel était impliqué un véhicule assuré par la Société anonyme de défense et d’assurance (la SADA).

2. Après qu’il a été jugé que sa faute de conduite réduisait de 40 % son droit à indemnisation, M. [Z], se prévalant du bénéfice de la garantie individuelle du conducteur stipulée au contrat d’assurance conclu avec la société Allianz, a assigné cette dernière et la SADA en réparation de ses préjudices, en présence de la caisse du régime social des indépendants d’Ile de France.

Examen des moyens

Sur le premier moyen du pourvoi principal de M. [Z] et le moyen du pourvoi incident de la société Allianz

3. En application de l’article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n’y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le troisième moyen du pourvoi principal

Enoncé du moyen

4. M. [Z] fait grief à l’arrêt de limiter à 18 000 euros la condamnation de la SADA au titre de l’incidence professionnelle, alors « que constitue un préjudice, indemnisable au titre de l’incidence professionnelle, la dévalorisation sociale ressentie par la victime du fait de son exclusion du monde du travail, que celle-ci soit temporaire ou définitive ; qu’en jugeant que « M. [Z] ayant repris, ainsi qu’il l’indique lui-même, son métier de photographe en 2017, n’ayant pas été exclu définitivement du monde du travail il ne peut prétendre à une indemnisation au titre de la dévalorisation sociale ressentie avant ou après la consolidation », la cour d’appel a violé le principe de la réparation intégrale sans perte ni profit pour la victime ».

Réponse de la Cour

5. Le préjudice résultant de la dévalorisation sociale ressentie par la victime, indemnisable au titre de l’incidence professionnelle, n’est constitué que si celle-ci a été exclue définitivement du monde du travail.

6. Après avoir relevé que M. [Z] avait repris son métier de photographe en 2017, de sorte qu’il n’avait pas été exclu définitivement du monde du travail, la cour d’appel en a exactement déduit qu’il ne pouvait prétendre à une indemnisation au titre de l’incidence professionnelle en raison d’une dévalorisation sociale.

7. Le moyen n’est, dès lors, pas fondé.

Mais sur le deuxième moyen du pourvoi principal

Enoncé du moyen

8. M. [Z] fait grief à l’arrêt de limiter à 15 478,89 euros la condamnation de la SADA au titre de ses dépenses de santé futures, alors « qu’il incombe au juge d’évaluer le préjudice à la date à laquelle il rend sa décision ; qu’en fixant le préjudice subi par M. [Z] au titre de ses dépenses de santé, caractérisé par un besoin en bas de contention, à leur coût d’acquisition, la cour d’appel, qui s’est placée à la date à laquelle les dépenses de santé ont été exposées pour évaluer le préjudice, sans l’actualiser à la date de sa décision, a violé le principe de la réparation intégrale sans perte ni profit pour la victime ».

Réponse de la Cour

Vu le principe de la réparation intégrale sans perte ni profit pour la victime :

9. En application de ce principe, il incombe au juge d’évaluer le préjudice à la date à laquelle il rend sa décision.

10. Pour condamner la SADA à payer à M. [Z] la somme de 7 917,03 euros au titre des dépenses de santé futures, l’arrêt prend pour base de calcul du coût des bas de contention la somme de 350 euros, de la date de la consolidation à la date de l’arrêt.

11. En statuant ainsi, sans procéder, comme il le lui était demandé, à l’actualisation, au jour de sa décision, de l’indemnité allouée en réparation de ce préjudice en fonction de la dépréciation monétaire, la cour d’appel a violé le principe susvisé.

Sur le quatrième moyen du pourvoi principal, pris en sa seconde branche

Enoncé du moyen

12. M. [Z] fait grief à l’arrêt de condamner la société Allianz in solidum avec la SADA à hauteur de la somme de 230 000 euros avec les intérêts au taux légal à compter du 2 juin 2015, alors « que la limitation, en raison de sa faute, du droit à indemnisation du conducteur victime d’un accident de la circulation est, sauf stipulation contraire du contrat d’assurance garantissant l’indemnisation des préjudices résultant d’une atteinte à sa personne, sans effet sur le montant des prestations à caractère indemnitaire dues par son assureur au titre de cette garantie ; qu’il en résulte que ce conducteur victime peut, dans la limite du montant de ses préjudices, percevoir en sus de l’indemnité partielle due par le responsable de l’accident les prestations à caractère indemnitaire versées au titre de son assurance de personne ; qu’en condamnant néanmoins « la société Allianz in solidum avec la SADA à hauteur de la somme de 230 000 euros avec les intérêts au taux légal à compter du 2 juin 2015 », la cour d’appel a violé les articles 1134, devenu 1103, et 1382, devenu 1240, du code civil, L. 131-1 et L. 131-2, alinéa 2, du code des assurances et le principe de la réparation intégrale sans perte ni profit pour la victime ».

Réponse de la Cour

Vu les articles 1134, devenu 1103, et 1382, devenu 1240, du code civil, L. 131-1 et L. 131-2, alinéa 2, du code des assurances et le principe de la réparation intégrale sans perte ni profit pour la victime :

13. La limitation, en raison de sa faute, du droit à indemnisation du conducteur victime d’un accident de la circulation est, sauf stipulation contraire du contrat d’assurance garantissant l’indemnisation des préjudices résultant d’une atteinte à sa personne, sans effet sur le montant des prestations à caractère indemnitaire dues par son assureur au titre de cette garantie. Il en résulte que ce conducteur victime peut, dans la limite du montant de ses préjudices, percevoir en sus de l’indemnité partielle due par le conducteur du véhicule impliqué les prestations à caractère indemnitaire versées au titre de son assurance de personne.

14. Pour condamner la société Allianz in solidum avec la SADA à payer à M. [Z] la somme de 230 000 euros, l’arrêt retient, d’abord, qu’aucune clause du contrat liant la société Allianz et M. [Z] ne dérogeait à la règle ci-dessus énoncée dans le cas de réduction du droit à indemnisation de la victime, ensuite, que les postes garantis avaient été évalués à la somme de 678 550,75 euros, enfin, que la SADA était tenue de payer la somme de 444 555,52 euros.

15. En statuant ainsi, la cour d’appel, qui a refusé à la victime le bénéfice des prestations à caractère indemnitaire au titre de l’assurance de personne en sus de l’indemnité partielle due par l’assureur du véhicule impliqué dans l’accident, a violé les textes et le principe susvisés.

Et sur le cinquième moyen du pourvoi principal

Enoncé du moyen

16. M. [Z] fait grief à l’arrêt de le déclarer irrecevable en sa demande de dommages-intérêts pour résistance abusive formée contre la société Allianz, alors « que les réclamations qui tendent à la réparation d’un élément de préjudice non inclus dans la demande initiale ont un objet différent de celle-ci ; qu’en jugeant que la demande de M. [Z], tendant à l’indemnisation du préjudice qu’il subit à raison de la résistance abusive de la société Allianz à exécuter ses obligations à la suite de l’arrêt rendu le 16 juillet 2020 par la Cour de cassation en défaveur de cet assureur, se heurterait à l’autorité de la chose jugée attachée à l’arrêt rendu le 12 février 2018 par la cour d’appel de Paris, cependant que cette nouvelle demande visait un fait générateur postérieur à cette décision et tendant à la réparation d’un préjudice lui aussi postérieur et, partant, nécessairement distinct du précédent, la cour d’appel a violé les articles 480 du code de procédure civile et 1351, devenu 1355 du code civil ».

Réponse de la Cour

Vu les articles 1351, devenu 1355, du code civil et 480 du code de procédure civile :

17. Pour débouter M. [Z] de sa demande en paiement de dommages-intérêts pour résistance abusive, l’arrêt énonce que la cour d’appel a irrévocablement jugé, par des dispositions non atteintes par la cassation de l’arrêt du 12 février 2018, que la société Allianz avait résisté abusivement à la demande de M. [Z] et évalué le préjudice subi par celui-ci à la somme de 5 000 euros.

18. En statuant ainsi, alors que M. [Z] se prévalait d’un fait générateur postérieur à l’arrêt du 12 février 2018 tenant au comportement de l’assureur postérieur à l’arrêt de la Cour de cassation et, en conséquence, d’un préjudice distinct de celui qui avait déjà été indemnisé, la cour d’appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu’il condamne la Société anonyme de défense et d’assurance à payer à M. [Z] la somme de 7 917,03 euros au titre des dépenses de santé futures et la condamne à payer à M. [Z] la somme de 444 555,52 euros au titre de l’indemnisation de son préjudice corporel, provisions et sommes versées en vertu de l’exécution provisoire du jugement non déduites, après application de la réduction de son droit à indemnisation et imputation des prestations versées par la caisse du régime social des indépendants, en ce qu’il condamne la société Allianz IARD in solidum avec la Société anonyme de défense et d’assurance à hauteur de la somme de 230 000 euros avec les intérêts au taux légal à compter du 2 juin 2015 et en ce qu’il déclare M. [Z] irrecevable en sa demande de dommages-intérêts pour résistance abusive formée contre la société Allianz IARD, l’arrêt rendu le 24 juin 2021, entre les parties, par la cour d’appel de Paris ;

Remet, sur ces points, l’affaire et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d’appel de Versailles (…) ».

Citer cet article

Référence électronique

« Cass. 2e Civ., 20 avril 2023, no 21-21.490 (dépenses de santé) », Actualité juridique du dommage corporel [En ligne], 25 | 2023, mis en ligne le 11 juillet 2023, consulté le 17 juillet 2025. URL : https://publications-prairial.fr/ajdc/index.php?id=1795

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