« (…)
Faits et procédure
1. Selon l’arrêt attaqué (Amiens, 14 janvier 2021) et les productions, M. [L] a été victime, le 22 octobre 1977, d’un accident de la circulation impliquant un véhicule assuré par la société AGF, aux droits de laquelle vient la société Allianz IARD (l’assureur). Il a été indemnisé de ses préjudices par application d’une transaction conclue en 1981.
2. Un jugement du 25 mars 2004 a indemnisé M. [L] de l’aggravation de ses préjudices, lui allouant, notamment, une somme au titre du préjudice professionnel.
3. Le 6 avril 2017, M. [L] a assigné l’assureur, en présence de la Mutuelle générale de l’éducation nationale, en indemnisation de la perte de ses droits à la retraite.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
4. M. [L] fait grief à l’arrêt de déclarer irrecevable son action tendant à la réparation de la perte de ses droits à la retraite, alors « qu’il résulte de l’article 1355 du code civil que l’autorité de chose jugée n’a lieu qu’à l’égard de ce qui fait l’objet du jugement et il faut que la chose demandée soit la même, que la demande soit fondée sur la même cause, qu’elle soit entre les mêmes parties et formée par elles contre elles en la même qualité ; qu’une nouvelle demande d’indemnisation est dès lors recevable, sans heurter l’autorité de chose jugée, si elle concerne un préjudice nouveau, distinct du préjudice indemnisé de façon irrévocable par un jugement antérieur ; qu’il résulte du jugement du 25 mars 2004 du tribunal de grande instance de Saint-Quentin que M. [L] n’a demandé que la réparation de la perturbation apportée dans le déroulement de sa carrière et que le tribunal n’a entendu réparer que la perte de salaire subie par M. [L] avant son éviction de la fonction publique en 1993 et la perte d’une chance de poursuivre sa carrière au sein de l’enseignement ; de sorte que la cour d’appel, en déclarant sa demande irrecevable, a violé la disposition précitée. »
Réponse de la Cour
Vu l’article 1355 du code civil :
5. Il résulte de ce texte que s’il incombe au demandeur de présenter dès l’instance relative à la première demande l’ensemble des moyens qu’il estime de nature à fonder celle-ci, il n’est pas tenu de présenter dans la même instance toutes les demandes fondées sur les mêmes faits.
6. Pour déclarer irrecevable, comme se heurtant à l’autorité de chose jugée, la demande formée par M. [L] en indemnisation de la perte de ses droits à la retraite, l’arrêt énonce que le jugement du 25 mars 2004 n’a pas entendu limiter sa portée aux périodes de vie active de la victime. Il précise que ce jugement statue expressément sur le préjudice professionnel global en tenant compte de la perte de chance subie par M. [L] de poursuivre une carrière au sein de l’éducation nationale.
7. L’arrêt ajoute que ce dernier, qui demandait notamment réparation de l’incidence professionnelle, savait à cette époque que l’accident aurait une incidence sur sa situation professionnelle et donc sur le montant de sa retraite. Il retient, enfin, que la répercussion de l’accident sur les droits à la retraite de la victime n’est pas un élément nouveau et ne s’analyse pas en une aggravation du préjudice qui a été antérieurement indemnisé.
8. En statuant ainsi, alors que le jugement du 25 mars 2004 n’avait statué que sur l’indemnisation des pertes de rémunération subies par M. [L] lors de ses congés maladies et sur la perte de chance de bénéficier du déroulement prévisible de sa carrière, et que celui-ci n’avait pas demandé au tribunal la réparation de la perte de ses droits à la retraite, la cour d’appel a violé le texte susvisé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu’il ordonne le rabat de l’ordonnance de clôture du 7 octobre 2019 et fixe la clôture de la procédure au 12 novembre 2020, l’arrêt rendu le 14 janvier 2021, entre les parties, par la cour d’appel d’Amiens ;
Remet, sauf sur ces points, l’affaire et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d’appel de Douai (…) ».