Pas de liquidation de l’astreinte à l’encontre de celui qui ne peut exécuter

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Procédure civile et voies d’exécution

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La condamnation sous astreinte fait peser sur le débiteur une menace. Mais elle ne procure pas une créance à son bénéficiaire. Pour bénéficier d’un droit concret, le bénéficiaire de l’astreinte doit en demander la liquidation, ce qui se fait par l’engagement d’une procédure judiciaire, en principe devant le juge de l’exécution. Encore faut-il qu’à l’occasion de cette procédure, le juge ne procède pas à la suppression de l’astreinte, en raison de la survenance d’une cause étrangère. En effet, selon l’article L. 131-4, alinéa 3, du Code des procédures civiles d’exécution : « l’astreinte provisoire ou définitive est supprimée en tout ou partie s’il est établi que l’inexécution ou le retard dans l’exécution de l’injonction provient, en tout ou partie, d’une cause étrangère ».

Tel a été le cas en l’espèce.

Par jugement réputé contradictoire en date du 28 juin 2010, le tribunal d’instance de Nantua a enjoint à Monsieur Olivier L. de supprimer notamment une vue créée par l’ouverture d’une fenêtre sur la façade sud-ouest de sa maison, le tout sous astreinte de 50 € par jour de retard, après un délai de trois mois à compter de la notification de la décision. Ce jugement a été régulièrement signifié au défendeur.

Se plaignant de la non-exécution de ce jugement, les consorts R. ont fait assigner Monsieur Olivier L. devant le juge de l’exécution en liquidation de l’astreinte et fixation pour l’avenir d’une astreinte de 100 € par jour de retard. Par jugement réputé contradictoire en date du 8 septembre 2011, le juge de l’exécution a liquidé l’astreinte à la somme de 3 000 € et dit n’y avoir lieu au prononcé d’une nouvelle astreinte.

Monsieur Olivier L. a relevé appel de ce jugement. En cause d’appel, il explique qu’il n’est pas propriétaire du lot de l’immeuble dont dépend la fenêtre litigieuse et qu’il a été condamné à tort, au départ, au paiement d’une astreinte. Les consorts R, intimés, demandent confirmation du jugement en expliquant qu’ils ont agi à l’encontre de Monsieur Olivier L. sur la base de renseignements fournis par le cadastre de Nantua.

La cour, en se référant aux pièces du dossier d’appel, fait le constat que le lot concerné par l’ouverture de la fenêtre litigieuse appartient à Monsieur et Madame Jean L. et à Monsieur Jean-François L. en indivision et que Monsieur Olivier L. n’est donc titulaire d’aucun droit sur ce lot. Elle précise que, même à supposer que la fenêtre relève des parties communes de l’immeuble en copropriété, ce qui n’est pas établi, et que Monsieur Olivier L. exerce encore la fonction de syndic, la condamnation résultant du jugement du 28 juin 2010 le vise à titre personnel.

Face à cette réalité, la cour d’appel juge que Monsieur Olivier L. est dans l’impossibilité d’exécuter la condamnation prononcée à son encontre dès lors qu’il n’est pas le propriétaire de la fenêtre qu’il a été condamné à supprimer et qu’il n’a pas le pouvoir à titre personnel d’intervenir seul sur ce bien. L’appartenance du bien à des tiers est jugée comme constitutive d’une cause étrangère au sens de l’article L. 131-4, aliéna 3, du Code des procédures civiles d’exécution. Elle ne peut donc que conduire à la suppression de l’astreinte sans qu’il y ait lieu d’en fixer une nouvelle.

La cour ne pouvait juger différemment. Tel qu’il est rédigé, le texte fait obligation au juge qui constate la cause étrangère d’en tirer les conséquences et de supprimer l’astreinte (Cass. soc., 27 mai 1999, n° 97-41.283 : Bull. civ., 1999, V, n° 240). Cela signifie que le juge a moins de latitude dans ce cas que lorsqu’il liquide une astreinte provisoire pour laquelle il dispose toujours d’une faculté de modération.

À noter que dans le même temps, la cour refuse de faire application des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile, tant en première instance qu’en cause d’appel, au motif qu’il appartenait aux consorts R. de vérifier qui était titulaire de droits sur le bien concerné par leur demande et à Monsieur Olivier L., dès l’origine, de faire connaître aux demandeurs et intimés que leur action était mal dirigée.

Arrêt commenté :
CA Lyon, 6e chambre, 26 septembre 2013, n° 11/08212

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Citer cet article

Référence électronique

Sylvain Thouret, « Pas de liquidation de l’astreinte à l’encontre de celui qui ne peut exécuter », Bulletin des arrêts de la Cour d'appel de Lyon [En ligne], 4 | 2013, mis en ligne le 18 février 2014, consulté le 09 septembre 2025. URL : https://publications-prairial.fr/bacaly/index.php?id=1223

Auteur

Sylvain Thouret

Avocat au barreau de Lyon, maître de conférences associé à l’Université Jean Moulin Lyon 3

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