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Le règlement du sinistre subordonné à la preuve de sa garantie rapportée par l’assuré

Sabine Abravanel-Jolly

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1Dans cette affaire, l’assuré a assigné l’assureur pour exécution déloyale de trois contrats d’assurance, pour avoir refusé de lui régler trois sinistres de suite, mais a été débouté par les juges du fond, à chaque fois pour insuffisance de preuve. Pour apprécier le bien-fondé de cette solution, il convient de rappeler que, conformément à l’article 1315, al. 1er du Code civil, il incombe à l’assuré de rapporter la preuve du sinistre et la preuve de l’obligation de garantie de l’assureur (c’est-à-dire que le sinistre correspond bien au risque couvert), et que, selon l’article 1315, al. 2 du même code, c’est à l’assureur de prouver que le sinistre fait partie des risques exclus.

2S’agissant du premier sinistre, panne du véhicule de l’assuré, survenue en Turquie, la police automobile prévoyait le rapatriement du véhicule en France, mais la compagnie lui a fait signer un document d'abandon du véhicule, au motif que les frais de rapatriement « sont supérieurs à la valeur du véhicule à dire d'expert », alors qu'aucune expertise n'a eu lieu sur la valeur du véhicule. Toutefois, l’assuré, à qui incombait la charge de la preuve, ne produisant aucun élément permettant de connaître les circonstances du sinistre afin de les comparer aux conditions d'assistance prévues dans le contrat d'assurance automobile, notamment quant à la durée d'immobilisation et de réparation du véhicule, a été débouté à juste titre de sa demande par les juges du fond. En effet, il a toujours été admis que si l’assureur demande à l’assuré de démontrer la réalité, tant de la réalisation du risque que de ses circonstances, preuve doit effectivement en être rapportée pour que les conditions de la garantie soient réunies (Cass. civ. 1re, 18 déc. 2002, n° 00-14908, RGDA, 2003, p. 358, note A. Favre-Rochex). Et cela, sans porter atteinte à l’article 6.1 de la Convention européenne des droits de l’homme qui garantit le principe de la liberté de la preuve du sinistre.

3Quant au second sinistre, un dégât des eaux, aucune pièce de nature à justifier sa date et ses circonstances (comme des factures de réparation) n’ayant été fournie par l’assuré à l'appui de sa demande, on ne peut là encore qu’approuver la solution des juges qui ont débouté l’assuré.

4Enfin concernant le vol du VTT, laissé sous l'escalier à l'intérieur de l'immeuble, la porte d'entrée de l'immeuble fonctionnant électriquement et étant selon l’assuré toujours fermée, il est prévu en page 7 des conditions générales de la police d'assurance souscrite que ne sont garantis que « les vols commis à l'intérieur des locaux privatifs de l'assuré clos et couverts ». Si, à l’évidence, l'escalier de l'immeuble ne peut être assimilé à un local privatif ainsi défini, la solution est critiquable en ce qu’elle considère qu’il s’agit là d’une clause d’exclusion (« la police ne garantissant excluant expressément les vols se trouvant dans les dépendances et les locaux ne communiquant pas avec les pièces d'habitation »), alors que c’est une clause de définition du risque, le vol n’étant garanti dès l’origine que s’il a lieu « à l'intérieur des locaux privatifs de l'assuré clos et couverts » (v. S. Abravanel-Jolly, « Nécessité du maintien de la distinction entre exclusion et condition de la garantie », D. 2012, chron. à paraître). C’est d’ailleurs ce qui a été jugé à propos de la clause relative au vol par effraction qui est une clause de définition du risque (Cass. civ. 2e, 14 juin 2007, n° 06-15670 : JurisData n° 2007-039477 ; RGDA, 2007, p. 906, note S. Abravanel-Jolly), l’absence d’effraction n’étant pas une circonstance de nature à exclure la garantie quand celle-ci est limitée aux vols avec effraction mais une circonstance qui permet de définir le risque couvert (H. Groutel, « Distinction de l’exclusion et de l’absence d’une condition de la garantie », Resp. civ. et assur., 1997, chron. n° 5). Et, en tout état de cause, une exacte qualification est indispensable puisqu’elle implique un régime juridique différent sur le terrain de la preuve : si c’est une clause de définition du risque, c’est à l’assuré de prouver que le sinistre subi est bien celui décrit, alors qu’une exclusion suppose que l’assureur devra démontrer que le sinistre s’est réalisé dans des circonstances exclues.

Arrêt commenté :
CA Lyon, ch. civ. 1, 24 janv. 2012, n° 10/05515



Citer ce document


Sabine Abravanel-Jolly, «Le règlement du sinistre subordonné à la preuve de sa garantie rapportée par l’assuré», BACALy [En ligne], n°1, Publié le : 19/06/2012,URL : http://publications-prairial.fr/bacaly/index.php?id=1571.

Auteur


À propos de l'auteur Sabine Abravanel-Jolly

MCF, HDR à l’Université Jean Moulin Lyon 3, directrice adjointe de l’Institut des assurances de Lyon


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