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Mutation d’un lot et obligation d’information du syndic

Simon Journet


1Outre les formalités de droit commun des ventes immobilières, la mutation d’un lot de copropriété engendre l’accomplissement de certaines formalités particulières, instituées au profit de l’acquéreur et à la charge du syndic. Ce dernier doit notamment adresser au notaire chargé de la vente un état daté dont le contenu est déterminé par l’article 5 du décret du 17 mars 1967. L’objectif poursuivi est d’assurer une certaine transparence sur les charges financières incombant à l’acquéreur du bien, afin que ce dernier bénéficie d’une connaissance complète des conséquences de son intégration au sein de la copropriété.

2Un couple se porta acquéreur d’un lot à usage d’habitation dans un immeuble en copropriété.

3Quelques mois après la régularisation de la vente par acte authentique, l’assemblée générale des copropriétaires vota en faveur de l’accomplissement d’un ravalement de façade. Les cessionnaires assignèrent le syndic de l’immeuble devant le tribunal d’instance de Lyon afin de voir engagée sa responsabilité délictuelle. Ils estimaient que la faute du syndic était caractérisée par l’inexactitude de la réponse apportée à une question spécifique introduite par le notaire dans un questionnaire joint à l’état daté, à propos de l’existence d’une éventuelle obligation administrative de ravalement de l’immeuble. Le tribunal d’instance rejeta la demande de dommages et intérêts des acquéreurs du lot, en considérant qu’aucune obligation légale d’information relative à des travaux de ravalement n’ayant pas encore fait l’objet d’un vote ne pesait sur le syndic, en vertu des articles 20 de la loi du 10 juillet 1965 et 5 du décret du 17 mars 1967. Les juges considéraient ainsi que les indications à fournir dans l’état daté n’avaient qu’un caractère limitatif, et qu’à ce titre, le syndic ne saurait engager sa responsabilité en répondant de façon inexacte à une demande d’information plus étendue transmise par le notaire.

4Succombant en première instance, les cessionnaires du lot décidèrent d’interjeter appel. Les appelants soutenaient un manquement du syndic à son obligation d’information. Il était particulièrement reproché à l’intimé d’avoir commis une faute en indiquant que l’immeuble ne faisait l’objet d’aucune obligation administrative de ravalement. Le préjudice invoqué consistait en une perte de chance de négocier la vente du lot à un prix moindre. La cour était donc amenée à se prononcer sur le fait de savoir si les réponses inexactes fournies par le syndic à des interrogations débordant le cadre des dispositions légales obligatoires de l’état daté étaient susceptibles d’engager sa responsabilité délictuelle. En considérant que le syndic avait commis en l’espèce une « faute de négligence » qui avait généré un préjudice pour les cessionnaires, la cour livre une solution riche de sens quant à l’appréciation de l’étendue de l’obligation d’information du syndic.

5L’article 5 du décret du 17 mars 1967, modifié par le décret du 27 mai 2004 livre la liste précise des informations que doit contenir l’état daté (P. Capoulade et D. Tomasin, La copropriété, Dalloz Action, 9éd, 2018/2019, p. 178). De façon classique, la fourniture de renseignements erronés à l’acquéreur d’un lot engage la responsabilité délictuelle du syndic. (CA Paris, 17 décembre 1984, Rev. Loyers 1985. 135 ; IRC nov. 1985. 231). Ce qui doit faire l’objet d’une étude particulièrement attentive dans notre cas d’espèce consiste dans l’appréhension de l’obligation à laquelle le syndic n’a pas satisfait. L’état daté se décompose en trois parties et une annexe, la troisième partie étant notamment consacrée aux sommes qui devraient incomber au nouveau copropriétaire à différents titres (Voir. S. Ivars, AJDI, 2007, p. 729).

6Dans un souci d’information approfondie des conséquences financières de l’acquisition d’un lot, la pratique notariale a développé, à la suite du décret du 27 mai 2004, un « nouveau questionnaire syndic » destiné à fournir des renseignements supplémentaires à ceux exigés par l’article 5 du décret. (P. Capoulade et D. Tomasin, La copropriété, Dalloz Action, 9e éd, 2018/2019, p. 179). Y figure notamment une question relative aux mesures administratives concernant l’immeuble. Ce questionnaire annexé à l’état daté ne présente à priori aucun caractère officiel ou contraignant. La jurisprudence a, par le passé, limité la mission d’information du syndic aux renseignements strictement prévus à l’article 5 du décret (Cass. 3. Civ. 17 novembre 1999, n° 98-15.882, Bull. civ. III, n°219 ; P. Guitard, AJDI, 2000, p. 413 ; C. Giverdon, RDI, 2000. 94 ; J.-R. Bouyeure, D. 2000. Somm. 136 ; G. Vigneron, Loyers et copr. 2000, p. 33). On ne saurait ainsi reprocher au syndic de ne pas livrer d’autres informations, quand bien même celles-ci s’avèreraient essentielles aux choix conventionnels des parties. Dans le cas d’espèce, la cour souligne d’ailleurs que les cessionnaires ne contestaient pas l’absence d’obligation légale pour le syndic de copropriété de les informer de travaux de ravalement non encore votés. Ils soutenaient en revanche que la réponse volontaire apportée par le syndic au questionnaire complémentaire transmis par le notaire était susceptible d’engager sa responsabilité en cas d’erreur ou d’inexactitude. C’est sur ce point que la cour d’appel va apporter une réponse contraire au tribunal d’instance.

7Les magistrats lyonnais retiennent au soutien de leur décision que « dès lors qu’un professionnel de l’immobilier a fait le choix de remplir un état daté en répondant à des questions posées, il se doit de le faire avec sérieux, de manière exacte et complète ». Est ici déployée une analyse déjà mise en œuvre par certaines juridictions du fond (CA Paris, 14 septembre 2006, RG n°05/22025, Loyers et copr. 2007. 16). L’arrêt laisse entendre que la solution aurait pu être différente si le syndic s’était abstenu de répondre au questionnaire complémentaire de l’état daté. La solution est, sur ce point, d’une logique implacable, en considérant que les demandes d’informations non exigées par le décret de 1967 n’ont pas de caractère obligatoire.

8Juridiquement fondée, la décision n’en demeure pas moins exigeante à l’égard du contenu de l’obligation du syndic. Une chose est de sanctionner la dissimulation volontaire de l’existence d’injonction administrative sur l’immeuble (G. Vigneron, « Responsabilité en cas de vente de lot », Loyers et copr. 2007. 16), ce qui, en l’espèce, n’était pas le cas, et qui expliquait que la juridiction du premier degré avait rejeté les prétentions des demandeurs. Autre chose est de caractériser une faute en raison de l’inexactitude de la réponse apportée à la question de l’existence d’une obligation administrative de ravalement de façade n’ayant encore fait l’objet ni d’une procédure d’injonction, ni d’un vote de la part de l’assemble générale des copropriétaires sur le principe ou le montant des travaux à engager (le tribunal d’instance relevait à cet égard toute l’ambiguïté de la question). Notons d’ailleurs que la cour n’accède que partiellement aux prétentions indemnitaires des cessionnaires, en condamnant le syndic à des dommages et intérêts au titre de la perte de chance de négocier un prix de vente moindre, mais non à hauteur du montant de la quote-part des travaux de ravalement.

9Ainsi, dès-lors que le syndic accepte de donner suite au questionnaire annexé à l’état daté, il est invité à la plus grande diligence, toute erreur dans les réponses fournies, qui causerait un dommage financier au cessionnaire, étant susceptible d’engager sa responsabilité.

Arrêt commenté :
CA Lyon, 6e chambre, 14 mars 2019, n° 17/08362



Citer ce document


Simon Journet, «Mutation d’un lot et obligation d’information du syndic», BACALy [En ligne], n°14, Publié le : 01/01/2020,URL : http://publications-prairial.fr/bacaly/index.php?id=2362.

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À propos de l'auteur Simon Journet

ATER, université Jean Moulin Lyon 3


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