La cour d’appel de Lyon, par un arrêt en date du 14 mai 2020, a rappelé que la concurrence déloyale est soumise à un délai de prescription de cinq ans en tant qu’action délictuelle, et qu’il ne peut lui être appliquée la notion de quasi-délit continu pour reporter le point de départ du délai de prescription au jour où les faits auraient cessé.
En 1993, à la suite de son licenciement, un ancien salarié de la société D, en activité depuis 1946, avait créé dans la même ville une entreprise directement concurrente sur le même secteur d’activité (la société X). En 2000, la société D a cédé l’une de ses branches d’activité à la société X. Un autre ancien salarié de la société D a par la suite été embauché par la société X puis en est devenu à son tour le gérant.
Le 19 mai 2017, la société D a assigné la société X devant le tribunal de commerce de Roanne en invoquant des faits de concurrence déloyale en raison de la confusion volontairement entretenue entre les noms des deux sociétés. Le tribunal de commerce a rejeté cette demande en raison de la prescription quinquennale de l’action et a condamné la société D à 2 000 € de dommages et intérêts pour procédure abusive.
La cour d’appel de Lyon a confirmé la décision du tribunal de commerce de Roanne sur la prescription de l’action, mais l’a infirmée en ce qu’il a jugé la procédure abusive.
La cour d’appel de Lyon a précisé, en se conformant à une décision récente de la chambre commerciale de la Cour de cassation (pour des faits de concurrence déloyale entre des associations – Cass. Com., 26 fév. 2020, n° 18-19153), que l’article 2224 du Code civil qui dispose que « les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer » s’applique aux actions en concurrence déloyale.
Il est ainsi rappelé qu’une action en concurrence déloyale, de nature délictuelle ne peut voir la prescription commencer à courir à compter du jour où les faits incriminés auraient cessé en raison du caractère successif et répété des actes reprochés : une telle argumentation est irrecevable, la concurrence déloyale ne pouvant pas être qualifiée de quasi-délit continu, « peu important que les agissements déloyaux se soient inscrits dans la durée », suivant les termes de la Cour de cassation.
Le caractère continu du manquement reproché avait pourtant déjà été retenu par la Cour de cassation (Cass. Com., 2 nov. 1966) en présence d’actes « multiples, distincts et répétés d’utilisation abusive de la dénomination » : la sanction d’actes de concurrence déloyale trouvant leur origine près de soixante années plus tôt avait ainsi été validée par la Cour de cassation.
La solution récente adoptée par la Cour de cassation et la cour d’appel de Lyon paraît toutefois plus adaptée aux exigences de l’activité économique et des relations commerciales. La notion de quasi-délit continu peut en effet se comprendre en matière pénale dont elle est issue, mais est beaucoup plus problématique en matière commerciale : la sécurité juridique nécessaire aux relations économiques suffit à justifier la perte du droit d’agir passé un certain délai, c’est la raison pour laquelle les délais de prescription se trouvent réduits en matière commerciale. À défaut, les relations commerciales seraient soumises à une précarité néfaste à la vie des affaires et ce d’autant plus qu’en matière commerciale, seul celui qui se réclame d’un droit peut en principe agir pour le faire valoir, et lui seul peut ainsi décider de tolérer ou non certains agissements, contrairement à la matière pénale.
On peut par ailleurs noter que cette solution s’inscrit dans un mouvement général de raccourcissement des délais de prescription applicables en matière civile et commerciale, mouvement inverse de celui suivi en matière pénale.
La cour d’appel rappelle enfin que l’article 2232 du Code civil instaure un délai butoir de vingt ans pour la prescription extinctive en cas de report du point de départ, de la suspension ou de l’interruption de la prescription : en l’espèce, la société D avait eu connaissance du commencement des actes litigieux dès 1993 et ce délai était très largement expiré.
Arrêt commenté :
CA Lyon, 3e Chambre A, 14 mai 2020, n° 18/01785