Pas de révocation du liquidateur amiable sans juste motif

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Mots-clés

liquidation amiable de la société, liquidateur amiable, condition de révocation, faute du liquidateur, juste motif de révocation

Rubriques

Droit des sociétés

Texte

L’article 1844-8 alinéa 2 du Code civil reconnaît la possibilité de révoquer le liquidateur amiable chargé de la dissolution d’une société. Par un arrêt du 12 septembre 2019, la cour d’appel de Lyon rappelle une jurisprudence constante : une telle révocation est subordonnée à la caractérisation d'un juste motif de révocation.

En l’espèce, à la suite de la clôture d’une procédure de liquidation judiciaire à l’encontre d’une société, le tribunal de commerce de Bourg-en-Bresse a nommé un liquidateur amiable pour poursuivre les opérations de liquidation de ladite société et répartir le boni entre les associés. Au départ, les deux associés ont préconisé un schéma de répartition consistant à transférer leurs titres au profit d’une société tierce, puis de lui attribuer le boni de liquidation en sa qualité d’associée unique de la société liquidée. Le liquidateur amiable avait approuvé le schéma. Toutefois, pour des raisons financières et eu égard aux délais de mise en œuvre, un des associés a sollicité le paiement de sa part du boni de liquidation. L’ancien conseil des parties avait manifesté son souhait, auprès du liquidateur amiable, de ne plus suivre le projet de transfert des titres à la nouvelle société, évoquant alors le remboursement des parts des deux associés. Le liquidateur amiable procéda à la répartition du boni de liquidation entre les deux associés, considérant que le maintien du projet initial ne pouvait plus aboutir à une issue favorable. Les requérants ont sollicité auprès du juge le remplacement du liquidateur amiable au motif que celui-ci n’avait pas procédé au partage selon les modalités souhaitées et qu’il n’aurait dû procéder qu’au paiement des parts de l’associé qui le lui demandait. Par ailleurs, ils reprochaient au liquidateur amiable d’avoir déposé auprès de la Caisse des dépôts et consignations la part du boni de liquidation revenant à l’associé souhaitant mettre en place le schéma initial. Enfin, ils lui reprochaient de ne pas avoir répondu à son obligation de publicité de la décision de répartition des fonds dans un journal d’annonces légales, conformément aux dispositions législatives en vigueur.

La cour d’appel de Lyon confirme la décision de première instance, et déboute les deux associés de leurs demandes. Les juges rappellent que de manière constante, la révocation du liquidateur amiable, dont la possibilité est mentionnée par l’article 1844-8 alinéa 2 du Code civil, doit répondre à la sanction d’une faute de sa part, ou au moins à un juste motif. Or, en l’espèce, les juges de la cour d’appel de Lyon ont considéré que les explications des associés ne caractérisaient ni faute ni juste motif. L’ancien conseil des associés avait bien manifesté son souhait de ne plus suivre le projet de transfert des titres et a bien évoqué le remboursement des parts des deux associés. En assurant le paiement effectif de la part de chacun des associés, le liquidateur amiable n’a donc commis aucune faute. En outre, il ne pouvait lui être reproché d’avoir versé les fonds de l’un des associés à la Caisse des dépôts et consignations. La loi prévoit que les fonds non encaissés depuis plus qu’un an doivent être consignés. Or, en l’espèce, l’associé n’avait pas encaissé son chèque depuis plus d’un an et le délai imposé par la loi avait bien été respecté par le liquidateur amiable. Enfin, l’argument tenant au non-respect de l’obligation de publicité de la répartition des fonds n’était pas fondé non plus, dans la mesure où la répartition définitive n’avait pas encore été achevée. Les juges lyonnais ont donc, en toute logique, refusé de révoquer le liquidateur amiable au profit de la nomination de l’un des associés.

La solution est constante et peu surprenante. Le juge ne procède au changement du liquidateur amiable qu’en présence d'un juste motif de révocation qui peut résider soit dans une faute dans l'accomplissement de la mission (Cass, com., 24 nov. 1992), soit plus généralement, dans toute circonstance, même non fautive, bloquant les opérations de liquidation. Or, tel n’était pas le cas en l’espèce. Aucune faute n’a été commise par le liquidateur amiable, et les opérations de liquidation n’ont aucunement été bloquées. Rien ne justifiait donc la révocation du liquidateur amiable.

Arrêt commenté :
CA Lyon, 3e Chambre A, 12 septembre 2019, n° 19/04077

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Citer cet article

Référence électronique

Méline Morandat, « Pas de révocation du liquidateur amiable sans juste motif », Bulletin des arrêts de la Cour d'appel de Lyon [En ligne], 15 | 2020, mis en ligne le 01 octobre 2020, consulté le 18 juillet 2025. URL : https://publications-prairial.fr/bacaly/index.php?id=2523

Auteur

Méline Morandat

Étudiante, M2 droit des affaires et fiscalité/DJCE, université Jean Moulin Lyon 3

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