La mésentente entre associés entraînant la perte de l’affectio societatis constitue un juste motif de retrait

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Mots-clés

retrait associé, mésentente, affectio societatis, juste motif

Rubriques

Droit des sociétés

Texte

En vertu de l’article 1869 du Code civil, tout associé de société civile peut s’en retirer sur décision du tribunal, sous réserve de démontrer l’existence de justes motifs. Il peut s’agir de motifs liés à la personne de l’associé invoquant le retrait (motifs personnels) ou de motifs liés aux relations entre les associés (motifs relationnels). S’il est admis en jurisprudence que le juste motif de retrait peut être caractérisé par une mésentente entre associés, celui-ci a pu être conditionné par une certaine gravité engendrant un obstacle au bon fonctionnement de la société (Cass., civ. 3e, 8 juillet 2014, n° 13-21.035). Par une décision du 7 janvier 2020, la cour d’appel de Lyon revient sur les critères caractérisant le juste motif de retrait.

En l’espèce, les rapports entre l’associé majoritaire et un des associés minoritaires d’une société civile immobilière (SCI) à l’origine familiale se sont fortement dégradés. L’actionnaire minoritaire a fait assigner la SCI devant le tribunal de grande instance de Lyon pour exercer son droit de retrait. Le tribunal a fait droit à sa demande, à la suite de quoi, la SCI a interjeté appel de la décision devant la cour d’appel de Lyon. Elle fait valoir que l’existence de justes motifs de retrait n’est pas démontrée et que la disparition de l’affectio societatis ne saurait résulter de la simple mésentente entre associés. La cour d’appel confirme la décision de première instance. Elle appuie sur un faisceau d’indices caractérisant une perte de confiance en l’actionnaire majoritaire, notamment par une affectation systématique de l’essentiel des bénéfices en réserves, une politique de thésaurisation des bénéfices notamment pour accorder d’importantes avances à son actionnaire majoritaire, ainsi qu’une opacité de gestion et l’anonymat de l’actionnariat de l’associé majoritaire. La perte d’affectio societatis et l’opacité de gestion largement démontrés, il n’est dès lors pas nécessaire de soulever les conséquences de la mésentente entre associés. La cour d’appel précise ainsi que la mésentente entre associés entraînant la perte de l’affectio societatis constitue un juste motif de retrait, sans qu’il ne soit nécessaire que cette mésentente entraîne un dysfonctionnement de la société.

Cette décision s’oppose à la sévérité de la décision de la 3chambre civile du 8 juillet 2014, n° 13-21035 qui alignait le motif de retrait d’un associé sur celui d’une dissolution de société pour mésentente (article 1844-7 5°, Code civil). Dans l’arrêt commenté, la 1re chambre civile octroie davantage de souplesse et s’insère dans la continuité d’un arrêt de la 3chambre civile de la Cour de cassation du 11 février 2014, n° 13-11.197 qui avait jugé qu’il n’était pas nécessaire de constater que la mésentente entre associés entraîne un dysfonctionnement de la société (dans le même sens : Cass., civ. 3e, 23/03/2017, n° 16-13.649). Récemment, cette même juridiction a confirmé cette position par un arrêt du 4 avril 2019, n° 17-31.052 dans lequel elle censure l’arrêt d’appel ayant refusé le retrait d’un associé de SCI écartant la validité du juste motif dès lors que le retrait ne constituait pas un obstacle au fonctionnement de la société ni ne caractérisait un abus de majorité. La Cour de cassation considère ainsi que la mésentente entre associés peut constituer un juste motif de retrait dès lors qu’il existe une perte d’affectio societatis et/ou une perte de confiance envers le gérant.

Arrêt commenté :
CA Lyon, 1re ch. civ. B, 7 janvier 2020, n° 17/06647

Citer cet article

Référence électronique

Sarah Otmane, « La mésentente entre associés entraînant la perte de l’affectio societatis constitue un juste motif de retrait », Bulletin des arrêts de la Cour d'appel de Lyon [En ligne], 15 | 2020, mis en ligne le 01 octobre 2020, consulté le 18 juillet 2025. URL : https://publications-prairial.fr/bacaly/index.php?id=2530

Auteur

Sarah Otmane

Étudiante, M2 droit des affaires et fiscalité/DJCE de Lyon

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