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Articulation des actions en recel de communauté et en recel successoral : attention à la procédure !

Mathilde Mosiek


1Les relations familiales sont parfois génératrices de conflits et constituent ainsi un terreau fertile pour que s’y développent les différentes formes de recels sanctionnés par le Code civil. C’est ce que met en lumière cet arrêt du 1er décembre 2020 dans lequel la cour d’appel de Lyon a eu à connaître d’une demande tendant à voir reconnue l’existence d’un recel successoral, contredisant une précédente action en recel de communauté.

2En l’espèce, un homme décède le 19 février 2005 et laisse pour lui succéder, son épouse commune en biens, trois enfants et deux petits-enfants. En 2007, la déclaration de succession est déposée ; aucun partage n’est effectué. Fin 2013, deux enfants du défunt déclarent que ce dernier, en 2001, a fait ouvrir en leurs noms divers comptes auprès de banques suisses, sur lesquels il a viré d’importantes sommes. L’épouse intente une action en recel successoral aux fins de se voir attribuer les sommes litigieuses. En effet, elle fait valoir que ces opérations ont été réalisées à son insu et qu’elles constituent un recel de communauté. Le tribunal de grande instance de Bourg-en-Bresse décide qu’elle est propriétaire des fonds détournés par son époux. Son troisième enfant est, lui, débouté de l’ensemble de ses demandes. Après s’être rattaché, en première instance, à l’argumentation de sa mère, il interjette appel et soutient, cette fois-ci, l’existence d’un recel successoral à son détriment.

3Dans cet arrêt, le versant procédural entrave pratiquement toute discussion sur le fond (I), cependant, cette affaire permet de dévoiler les difficultés susceptibles d’apparaître lorsqu’un doute existe entre l’existence d’un recel successoral ou un recel de communauté (II).

I/ La recevabilité de l’appel et l’irrecevabilité de l’action en recel successoral

4La question qui se pose, ici, est de savoir si l’appelant peut défendre une nouvelle prétention en appel, celle-ci étant, au demeurant, contradictoire avec celle présentée en première instance. Alors que les intimés le contestent, l’appelant estime quant à lui que son appel est recevable car, en matière de partage, les parties sont à la fois demanderesses et défenderesses quant à l’établissement de l’actif et du passif de la succession. En résumé, toutes les demandes constituent nécessairement une défense à la prétention adverse.

5En premier lieu, la cour d’appel de Lyon rejette la fin de non-recevoir d’irrecevabilité d’appel et rappelle utilement les termes de l’article 914 du Code de procédure civile qui consacre la compétence exclusive du conseiller de la mise en état pour déclarer l’appel irrecevable. En l’espèce, les parties ne l’ont pas saisi pendant l’instruction. Leur demande est donc irrecevable.

6En second lieu, pour rejeter la demande de l’appelant visant à voir sa mère condamnée pour recel successoral, la Cour rappelle le principe de l’effet dévolutif de l’appel consacré par l’article 564 du Code de procédure civile. En première instance, l’appelant n’avait pas formulé une telle demande. En cause d’appel, l’épouse n’a pas modifié ses prétentions quant à l’existence d’un recel de communauté. Il en résulte que l’appelant a donc formé une nouvelle demande, sans être en mesure de se prévaloir du fait que cette dernière serait destinée à faire écarter les prétentions adverses.

II/ L’absence de recel successoral et la confirmation d’un recel de communauté

7En raison des points de contacts qu’entretiennent le recel successoral et le recel de communauté, il peut parfois être difficile de déterminer d’emblée la qualification idoine. L’un et l’autre se manifestent par un acte frauduleux permettant de rompre l’égalité du partage, notamment en réduisant l’actif partageable. C’est ainsi qu’après avoir soutenu en première instance l’existence d’un recel de communauté, l’appelant argue, en cause d’appel, l’existence d’un recel successoral à son détriment. Afin de nier l’existence d’un recel de communauté, l’appelant démontre que sa mère ne pouvait ignorer le placement des sommes communes à l’étranger. Elle aurait initié une action en recel de communauté dans le seul but d’instrumentaliser l’institution judiciaire et d’éviter les sanctions civiles et fiscales d’un tel recel successoral, s’il avait été retenu. D’ailleurs, son frère et sa sœur ont spontanément restitué les sommes avant la procédure, ce qui, selon l’appelant, est encore une fois révélateur de l’entente entre « des parties qui se disent adversaires tout en vivant ensemble ». L’action en recel de communauté aurait alors permis de dissimuler un précédent montage juridique mis à mal par l’évolution du cadre législatif fiscal.

8Les intimés réfutent tout simplement l’existence d’un recel successoral, celui-ci étant rendu impossible par l’existence d’un recel de communauté et tous demandent la confirmation du jugement rendu par le tribunal de grande instance de Bourg-en-Bresse. La cour d’appel de Lyon, statuant sur le recel successoral, confirme le jugement rendu par les juges burgiens en excluant son existence.

9On peut finalement se demander si le sort de cette affaire n’aurait pas été différent si l’appelant avait soulevé la question de l’existence d’un recel successoral dès la première instance. En effet, la cour d’appel de Lyon ne rediscute pas les motifs des juges burgiens au regard des nouveaux éléments soulevés devant elle. Un tel examen est inutile, les règles de procédure civile rendant, de toute façon, cette action irrecevable. En résumé, cet arrêt permet de montrer que les liens qui peuvent être effectués entre ces deux types de recel et leur délicate articulation ne dispensent pas ceux qui comptent s’en prévaloir de respecter les règles posées par le code de procédure civile. Ils les invitent plutôt à prendre encore plus de précautions.

Arrêt commenté :
CA Lyon, 1re ch. civ. B, 1er décembre 2020, n° 18/05290



Citer ce document


Mathilde Mosiek, «Articulation des actions en recel de communauté et en recel successoral : attention à la procédure !», BACALy [En ligne], n°16, Publié le : 01/03/2021,URL : http://publications-prairial.fr/bacaly/index.php?id=2670.

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À propos de l'auteur Mathilde Mosiek

Doctorante, équipe de recherche Louis Josserand, université Jean Moulin Lyon 3


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