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L’avantage matrimonial dans le changement de régime matrimonial

Taylene Moreira de Sa


1Un homme est décédé à Vienne en laissant pour lui succéder son épouse, une fille née de sa première union et les enfants adoptés le 17 décembre 1998. Le mariage du défunt a été célébré le 27 juillet 1982. Il a été précédé d’un contrat par lequel ils ont adopté le régime de la communauté de biens réduite aux acquêts et fait l’apport à la communauté de leurs biens, meubles et immeubles, existant au jour de leur mariage. Le 10 août 2006, par un acte notarié, ils ont changé de régime matrimonial pour adopter celui de la communauté universelle. Une clause d’attribution intégrale de la communauté au dernier vivant a été stipulée dans l’acte, qui a été homologué le 8 février 2007. Le 30 septembre 2016, la première fille du défunt a assigné l’épouse devant le tribunal de grande instance de Lyon afin d’obtenir la réduction des avantages matrimoniaux qui lui ont été conférés aux termes des deux régimes matrimoniaux successifs.

2Selon le TGI de Lyon, l’avantage matrimonial est caractérisé dans le cas de figure, au sens de l’article 1527 du Code civil. La veuve du défunt a interjeté appel. Elle a demandé principalement l’irrecevabilité de la demande (sujet qui ne pose pas de difficulté en l’espèce, raison pour laquelle il n’est pas commenté) et, subsidiairement, le rejet de l’action. Elle soutient que le changement de régime matrimonial n’a pas privé l’intimée de ses droits dans la succession de son père. Cette dernière, en réponse à l’appel, soutient l’inverse et ajoute que le régime de communauté réduite aux acquêts, initialement adopté par le défunt et son épouse, est également la source d’un avantage matrimonial.

3La cour d’appel confirme le jugement rendu en première instance. Elle considère qu’un avantage matrimonial est seulement caractérisé dans le changement de régime matrimonial (I) et confirme la comparaison avec le régime de la communauté légale comme base pour déterminer l’indemnisation (II).

I/ La caractérisation de l’avantage matrimonial

4Les avantages matrimoniaux sont des enrichissements procurés à un époux et résultant de la seule exécution du régime matrimonial adopté (C. Lebats, La dévolution successorale, LexisNexis, 2020, p. 483). Selon l’article 1527 du Code civil, la notion a pour intérêt de les faire échapper à la qualification et au régime des donations.

5La fille du défunt soutient qu’un avantage matrimonial résulte de la communauté réduite aux acquêts que le couple a adoptée en 1982. L’article 1527 du Code civil établit que les avantages matrimoniaux résultent des clauses d’une communauté conventionnelle. Or, depuis 1966, la communauté réduite aux acquêts est la communauté légale (art. 1400 C. civ.). Autrement dit, à défaut de stipulation contraire insérée dans un contrat de mariage, ce régime matrimonial s’impose aux époux. Par conséquent, même si les époux ont adopté ce régime au moyen d’une convention matrimoniale, il n’en devient pas une communauté conventionnelle. C’est pourquoi la cour d’appel a rejeté la demande de la fille, considérant que l’avantage matrimonial résulte exclusivement d’une communauté conventionnelle.

6Une question peut être posée, même si elle n’est pas débattue dans l’arrêt : la clause d’apport à la communauté des biens existants au jour du mariage, stipulée dans le contrat de 1982, n’aurait-elle pas permis de caractériser le régime matrimonial comme une communauté conventionnelle ?

II/ La réduction de l’avantage matrimonial

7Les avantages matrimoniaux excessifs, en ce qu’ils dépassent la quotité disponible spéciale entre époux, doivent être réduits. Selon l’article 1094-1 du Code civil, cette quotité correspond soit au quart des biens en pleine propriété et aux trois quarts en usufruit, soit à la totalité en usufruit, soit à la quotité disponible ordinaire. Pour en déterminer l’étendue concrète, il convient de se référer à l’article 922 du Code civil. Il dispose que les biens à considérer sont les biens existants, c’est-à-dire ceux présents dans le patrimoine du défunt au jour de son décès, auquel il convient de réunir fictivement les biens dont il a disposé par donation entre vifs.

8La cour précise que pour établir objectivement l’avantage matrimonial, il suffit de comparer la consistance du patrimoine résultant de l’adoption de la communauté universelle assortie de son attribution au dernier vivant avec celle qui aurait procédé de l’application de la communauté légale. La cour ajoute que les récompenses résultantes de la vente des biens propres doivent être prises en compte dans la reconstitution de la communauté légale, complétant ainsi la décision du TGI.

Arrêt commenté :
CA Lyon, 1re ch. civ. B, 24 novembre 2020, n° 19/03423



Citer ce document


Taylene Moreira de Sa, «L’avantage matrimonial dans le changement de régime matrimonial», BACALy [En ligne], n°16, Publié le : 01/03/2021,URL : http://publications-prairial.fr/bacaly/index.php?id=2665.

Auteur


À propos de l'auteur Taylene Moreira de Sa

Avocate et doctorante en droit de la famille, équipe Louis Josserand, université Jean Moulin Lyon 3.


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