Responsabilité civile du garagiste en sa qualité de réparateur

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Le garagiste est débiteur d’une obligation principale de résultat ainsi que de certaines obligations accessoires envers ses clients : obligation de conseil et obligation de sécurité.

Lors de chacune des trois affaires, le propriétaire d’un véhicule le confie à un garagiste afin d'effectuer les réparations nécessaires. Cependant, quelques temps après, le véhicule retombe en panne. La responsabilité du garagiste doit-elle être systématiquement retenue en cas de défaillance du véhicule sur lequel il est intervenu ? Le garagiste qui fait signer au client une reconnaissance attestant qu’il prend acte du fait que les réparations de son véhicule ne seront pas faites suivant le protocole respecte-t-il pleinement son obligation de conseil ?

L’analyse de ces trois arrêts est donc l’occasion de revenir sur l’étendue des obligations du garagiste, en sa qualité de réparateur, eu égard à la survenance d’une seconde panne du véhicule de son client.

Obligation de résultat. La responsabilité du garagiste doit-elle être systématiquement retenue en cas de défaillance du véhicule sur lequel il est intervenu ?

En raison de la spécificité de l’intervention, de la technicité attendue, et du savoir-faire exigé qui échappe à ses clients, le garagiste est détenteur d’une obligation de résultat dans son diagnostic et dans les propositions qu’il formule pour remédier aux pannes qui lui sont soumises (en ce sens : Cass, civ 1re, 15 décembre 2011, n° 10-26896, JurisData n° 2011-029360). Le garagiste est donc tenu, envers ses clients, d’évaluer l’étendue des réparations nécessaires et de remettre en état de marche le véhicule qui lui a été confié (article 1147 CC). Cette solution constante est rappelée par la cour d’appel de Lyon dans les trois arrêts commentés.

S’agissant de la mise en œuvre de cette responsabilité : la Cour de cassation considère depuis longtemps que le réparateur est responsable de plein droit de toutes les pannes survenant après son intervention (Cass, civ 1re, 2 février 1994, Bull. civ. I, n° 41). Cependant elle rappelle désormais à intervalles réguliers que cette responsabilité ne s’étend qu’aux dommages causés par le manquement à son obligation de résultat. Il incombe donc au client, lors de la survenance d’une nouvelle panne, de rapporter la preuve que celle-ci est due soit à une défectuosité déjà existante au jour de la première intervention du garagiste, soit reliée à celle-ci (En ce sens : Cass, civ 1re, 31 octobre 2012, n° 11-24324, JurisData n° 2012-024280).

L’étendue de l’obligation du garagiste serait donc restreinte à l’étendue de sa mission contractuelle originellement établie avec le client du véhicule.

Afin de démontrer l’existence de ce lien de causalité, le client pourra s’appuyer sur des expertises, des éléments de faits (temps écoulé ou distance parcourue entre la réparation et le dommage) etc. Lorsque les éléments fournis confirment que la défaillance invoquée se rattache à l’intervention du garagiste alors celui-ci engage sa responsabilité de plein droit : on retrouve une telle solution dans les arrêts de la cour d’appel de Lyon du 2 avril 2015 (n° 13/07974) et du 12 mars 2015 (n° 14/04125 : l’absence de respect du protocole préconisé par le constructeur, inhérent au changement d’une pièce du véhicule, étant identifiée sans équivoque comme la cause de la seconde panne subie par le véhicule de son client, le garagiste engage sa responsabilité). Cependant, une telle preuve n’est pas toujours simple à rapporter. Il arrive donc parfois que le lien causal ne puisse pas être établi et que la responsabilité du garagiste soit écartée, ainsi que le précise l’arrêt de la cour d’appel du 12 mars 2015 (n° 14/02401 : la perte de puissance constatée étant due à l’état d’usure normal du moteur sans que ne puisse être démontré un lien avec la réparation effectuée par le garagiste).

En conclusion, si le client reproche à son garagiste un manquement à son obligation de résultat ou à ses obligations contractuelles il doit en apporter la preuve.

Obligation de conseil. En sa qualité de professionnel, le garagiste est également tenu d’un devoir de conseil et de mise en garde envers ses clients. Cette obligation lui impose notamment de renseigner, dans le cadre d’un écrit non équivoque, l’opportunité technique d’une réparation, la justification des tarifs envisagés, etc.

Dans son arrêt du 12 mars 2015, la cour d’appel de Lyon (n° 14/04125) précise toutefois que le simple fait pour le garagiste de faire signer au client une reconnaissance attestant qu’il prend acte que les réparations de son véhicule ne seront pas faites suivant le protocole afin de minorer les coûts de la réparation n’est pas suffisant pour garantir le respect de son obligation de conseil. Le garagiste doit démontrer avoir « attiré l’attention » non seulement sur le choix opéré mais aussi et surtout sur toutes les conséquences (positives comme négatives) que celui-ci pouvait avoir.

En conséquence, si le garagiste établit qu’il a clairement averti son client sur le caractère aléatoire de son intervention, il doit en outre démontrer qu’il lui en a présenté les conséquences, faute de quoi il pourrait engager sa responsabilité.

Indemnisation en cas de responsabilité. Lorsque la responsabilité du garagiste est engagée, la cour est tenue de calculer le montant de l’indemnisation du client. Plusieurs chefs de préjudices distincts peuvent alors être envisagés. En l’espèce dans les arrêts commentés, la cour d’appel de Lyon retient : le préjudice matériel du client (réparation des frais d’assurance, réparation des factures, etc.), ainsi que les préjudices d’immobilisation et de jouissance. Dans son arrêt du 12 mars 2015 (n° 14/04125), elle précise en outre que le défaut d’entretien d’un véhicule par son propriétaire est de nature à minorer sa valeur de remplacement car celle-ci doit prendre en compte « son état au moment de la panne, tant au niveau de son page, de son kilométrage et que de son potentiel à rendre les services attendus ».

Arrêts commentés :
C.A Lyon, chambre 6, 2 avril 2015, n° 13/07974
C.A Lyon, chambre 3A, 12 mars 2015, n° 14/04125
C.A Lyon, chambre 3A, 12 mars 2015, n° 14/02401

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Citer cet article

Référence électronique

Emeline Augier, « Responsabilité civile du garagiste en sa qualité de réparateur », Bulletin des arrêts de la Cour d'appel de Lyon [En ligne], 7 | 2015, mis en ligne le 23 juillet 2015, consulté le 09 septembre 2025. URL : https://publications-prairial.fr/bacaly/index.php?id=759

Auteur

Emeline Augier

Doctorante contractuelle à l’Université Jean Moulin Lyon 3.

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