L’incidence professionnelle pour la pénibilité et les difficultés sur le marché du travail est incompatible avec la perte de gains professionnels futurs totale

Civ. 2e, 4 octobre 2018, no 17-24.858

Index

Mots-clés

incidence professionnelle, pertes de gains professionnels futurs, pénibilité

Rubriques

Victime directe blessée : préjudices patrimoniaux

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l’arrêt suivant :

Attendu, selon l’arrêt attaqué, que Mme X… a été victime, le 21 juillet 2006, alors qu’elle était âgée de 51 ans, d’un accident de la circulation dans lequel était impliqué un véhicule assuré auprès de […] (l’assureur) ; qu’après avoir fait l’objet d’une expertise médicale ordonnée au cours de la procédure pénale engagée contre le responsable de l’accident, elle a assigné l’assureur en indemnisation de son préjudice devant une juridiction civile, en présence de la caisse primaire d’assurance maladie du Val-de-Marne, et a obtenu la désignation d’un nouvel expert, M. Z… ;

Sur le premier moyen :

Attendu que l’assureur fait grief à l’arrêt de rejeter sa demande de contre-expertise et de le condamner à payer à Mme X… la somme de 962 607,95 euros en principal en réparation de son préjudice corporel, alors, selon le moyen :

1°/ que le juge doit se prononcer lui-même, sans pouvoir se retrancher derrière l’expertise, de sorte que l’absence de critique, par les parties, dans le cadre d’un dire, du pré rapport établi par l’expert judiciaire n’interdit pas à l’une d’entre elles de contester le rapport définitif devant les juges du fond ; qu’en considérant que l’absence d’envoi, par le médecin conseil de l’assureur, d’un dire critiquant le contenu du rapport, interdisait à l’assureur de se prévaloir de la note critique établie a posteriori par ce même médecin conseil pour demander une nouvelle expertise, et en refusant d’examiner cette note pour se prononcer sur la demande de contre-expertise présentée par l’assureur, la cour d’appel, qui n’a pas examiné elle-même la contestation, a violé l’article 455 du code de procédure civile ;

2°/ que la bonne foi est toujours présumée et la preuve de la fraude incombe exclusivement à celui qui s’en prévaut ; qu’en se fondant sur une présomption de stratagème pour écarter, sans l’examiner, le rapport critique établi par M. A… à l’encontre du rapport de M. Z…, alors que la bonne foi est toujours présumée, la cour d’appel, qui a renversé la charge de la preuve, a violé l’article 1315, devenu 1353, du code civil ;

Mais attendu que c’est dans l’exercice de son pouvoir souverain d’appréciation de la teneur et de la portée des deux expertises judiciaires versées aux débats que la cour d’appel, qui n’a pas inversé la charge de la preuve, a estimé, par une décision motivée, qu’il n’y avait pas lieu d’en ordonner une troisième ;

D’où il suit que le moyen n’est pas fondé ;

Mais sur le second moyen, pris en sa seconde branche :

Vu l’article 455 du code de procédure civile ;

Attendu que pour condamner l’assureur à payer une certaine somme à Mme X… en réparation de son préjudice corporel, l’arrêt évalue, d’une part, sur la base du salaire net moyen qu’elle a perçu de janvier à juillet 2008, sa perte de gains professionnels à la somme totale de 612 247,19 euros pour la période durant laquelle elle aurait dû travailler, à partir de septembre 2008, pour avoir une retraite à taux plein, en relevant que le préavis de son licenciement, imputable à l’accident du 21 juillet 2006, s’est achevé en août 2008, et que, compte tenu de son âge au jour du licenciement et de la conjoncture socio-professionnelle, ses possibilités de reconversion sont illusoires ; qu’il décide de lui allouer, d’autre part, au titre de l’incidence professionnelle, non seulement une somme de 256 533,26 euros représentant la perte de ses droits à la retraite évaluée par capitalisation à titre viager de la perte annuelle nette de ces droits, mais également une somme de 50 000 euros en énonçant qu’il résulte de l’avis de l’expert, M. Z…, que l’état de Mme X… induit sa dévalorisation sur le marché du travail puisqu’elle ne peut plus accéder à des emplois de niveau de compétence équivalent à celui d’ingénieure informaticienne qu’elle occupait jusqu’en 2008, ainsi qu’une pénibilité accrue dans l’activité professionnelle, fût-ce après une éventuelle reconversion ;

Qu’en statuant ainsi, par des motifs contradictoires, dès lors qu’elle avait retenu des modalités de calcul de la perte de gains professionnels et de droits à la retraite de la victime tenant à l’impossibilité pour celle-ci d’exercer à l’avenir toute activité professionnelle, la cour d’appel a méconnu les exigences du texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu’il y ait lieu de statuer sur la première branche du second moyen :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu’il condamne […] à payer à Mme X… les sommes de 962 607,95 euros en réparation du préjudice corporel causé par l’accident du 21 juillet 2006, en deniers ou quittances, provisions et sommes versées en exécution provisoire du jugement non déduites, avec intérêts au taux légal à compter du jugement à concurrence des sommes allouées par celui-ci et à compter de l’arrêt pour le surplus, capitalisables annuellement, et la somme de 8 000 euros par application, en cause d’appel, de l’article 700 du code de procédure civile, l’arrêt rendu le 19 juin 2017, entre les parties, par la cour d’appel de Paris ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel de Paris, autrement composée ;

Citer cet article

Référence électronique

« L’incidence professionnelle pour la pénibilité et les difficultés sur le marché du travail est incompatible avec la perte de gains professionnels futurs totale », Actualité juridique du dommage corporel [En ligne], 17 | 2018, mis en ligne le 01 juillet 2018, consulté le 19 avril 2024. URL : https://publications-prairial.fr/ajdc/index.php?id=1341

Droits d'auteur

CC-BY