D’après la nomenclature Dintilhac, le préjudice sexuel permet de réparer toutes les atteintes à la sphère sexuelle ressentie par la victime directe (V. sur ce point, Rapport du groupe de travail chargé d’élaborer une nomenclature des préjudices corporels, Groupe de travail dirigé par Jean-Pierre Dintilhac, 2005, p. 40). Cela concerne le préjudice morphologique lié à l’atteinte aux organes sexuels primaires et secondaires, le préjudice lié à la perte du plaisir, ainsi que le préjudice lié à l’impossibilité (ou à la difficulté) à procréer.
En l’espèce, un jeune garçon doit être amputé de la jambe droite en 2011 à la suite de plusieurs tirs volontaires par arme à feu. L’auteur des faits est condamné définitivement par une cour d’assises pour le chef de tentative d’assassinat. Les parents de la victime, agissant tant en leur nom personnel qu’en qualité de représentant légal, saisissent une commission d’indemnisation des victimes d’infractions (CIVI) pour demander réparation de leurs préjudices. La CIVI alloue alors à la victime la somme de 3 000 € en dédommagement de son préjudice sexuel. La décision est toutefois infirmée par la cour d’appel de Grenoble (le 17 décembre 2019) qui réduit le montant de l’indemnité à hauteur de 2 000 €.
À travers cette solution, la Cour de cassation vient, tout d’abord, rappeler l’obligation de motivation des juges du fond. En effet, rappelons qu’au titre de l’article 455 du Code de procédure civile « le jugement doit être motivé ». Or, la cour d’appel infirme ici la décision rendue par la CIVI, sans pour autant donner les motifs de sa décision ; donc sans justifier sa position. La réduction indemnitaire de 1 000 € opérée par les juges ne semble pas être expliquée. En conséquence, l’arrêt d’appel mérite légitimement d’être censuré par la Haute juridiction. Il est impératif que toute décision soit expliquée afin que les victimes puissent en cerner la portée et l’accepter. Cela répond à une exigence de transparence.
Cet arrêt est également l’occasion pour la deuxième chambre civile de venir rappeler que l’appréciation du préjudice sexuel de la victime directe doit nécessairement faire l’objet d’une appréciation in concreto (obs. Maviel J., « Montant du préjudice sexuel : sa diminution doit être motivée », Gaz Pal. 2022, no 5, p. 61). Dans les faits, « tant la prise de médicaments liée au syndrome anxiodépressif présenté par [la victime] que la modification importante de son schéma corporel entraînent une perte d’envie et de libido ». Le préjudice est donc certain et appelle à une indemnisation.
Décision attaquée : CA Grenoble, 17 décembre 2019.