Les enjeux juridiques de l’interprétation de l’imagerie médicale dans le cadre du syndrome du bébé secoué

DOI : 10.35562/ajdc.1731

Plan

Le syndrome du bébé secoué (« SBS »), aussi appelé traumatisme crânien non-accidentel (« TCNA »), est défini par l’assurance maladie (ameli.fr) comme « un traumatisme crânien qui survient lorsque l’on secoue violemment un jeune enfant ». Le ministère de la Santé ajoute que ces secousses, toujours extrêmement violentes, « sont produites le plus souvent lors de la saisie du bébé sous les aisselles ou par le thorax. Sa tête se balance rapidement d’avant en arrière et son cerveau heurte les parois de son crâne » (solidarité-santé.gouv). Elles sont le plus souvent à l’origine de lésions cérébrales irréversibles, et peuvent avoir un impact sur la vie de l’enfant. La Haute Autorité de Santé (« HAS ») précise que ce syndrome « touche en majorité des nourrissons, de sexe masculin, de moins de 1 an et le plus souvent de moins de 6 mois » (has-sante.fr). Ces chiffres peuvent être complétés par ceux du gouvernement qui indiquent que « 1 victime sur 10 décède ; les 3/4 présentent des séquelles graves sur le long terme » et que « le syndrome du bébé secoué se caractérise par un taux de récidive élevé : les bébés secoués l’ont été en moyenne 10 fois » (solidarité-santé.gouv). Ce syndrome touche de plus en plus de nourrissons chaque année en France. D’après les statistiques, rien qu’entre 2015 et 2017, on pourrait recenser environ 512 cas probables de bébés secoués (Guignot C., « Combien y a-t-il de bébés secoués en France ? » d’après une étude menée en 2019 grâce aux données hospitalières : Univadis), ce qui en démontre l’envergure en France.

Historiquement, la découverte de ce syndrome est assez récente, puisque pendant longtemps, le SBS était assimilé à de la maltraitance infantile freinant ainsi les recherches. Mme Sonia Desmoulin-Canselier indique à ce sujet que « pendant de nombreuses années, ces actes de violence ont été ignorés, faute de compréhension claire de ce qui avait mené un nourrisson à une dégradation rapide de son état de santé, voire à son décès » (Desmoulin-Canselier S., « Usages et interprétations judiciaires des images cérébrales », Revue de science criminelle et de droit pénal comparé, 2018, vol. 2, no 2, p. 343). C’est l’expert en médecine légale, Auguste Ambroise Tardieu, qui aborde, pour la première fois, ce syndrome, en 1860. Cependant, ce spécialiste ne différencie pas le SBS du « syndrome de l’enfant battu », ou syndrome de Silverman (Tardieu A., « Étude médico-légale sur les sévices et mauvais traitements exercés sur des enfants », Enfances & Psy, 2008, vol. 39, no 2, p. 74). Ce n’est qu’en 1974 que M. John Caffey, radiologue, utilisera pour la première fois l’expression « bébé secoué », ouvrant ainsi la porte à une réelle reconnaissance de ce syndrome (Jlalia Z., Znaigui T., Smida M., « Le syndrome des enfants battus: aspects cliniques et radiologiques », Pan Afr Med J., 2016).

Il est intéressant de constater que malgré la prévention, et les moyens mis en place pour lutter contre le SBS, le contexte et les tensions actuelles peuvent en faire grandement varier les chiffres (« Syndrome du bébé secoué : le nombre de cas a doublé en région parisienne pendant le Covid », Le Monde). Outre ses enjeux économiques, ce sujet présente un réel intérêt sur le plan juridique puisque le SBS, de son signalement jusqu’aux condamnations ou indemnisations, implique de nombreuses branches du droit, tels que le droit pénal, le droit civil, le droit de la santé, ou encore le droit administratif.

Au sein de cet article, nous avons fait le choix de nous concentrer exclusivement sur les enjeux juridiques de l’interprétation de l’imagerie médicale dans le cadre du SBS.

Il est important de préciser que l’imagerie médicale est indispensable au déclenchement d’une action judiciaire (I) durant laquelle des experts seront appelés à intervenir (II). Rappelons effectivement que sans la caractérisation d’hématomes sous-duraux spécifiques au SBS, il est impossible d’identifier ce syndrome si particulier, et donc de protéger l’enfant et d’assurer son avenir. Ces images médicales auront également un rôle important à jouer quant à la détermination de l’indemnisation (III).

I. Un outil indispensable à la mise en œuvre de l’action judiciaire

Les signaux d’alerte peuvent être d’intensité variable : simples vomissements, pâleur anormale, anorexie, décès du nourrisson, etc. Malheureusement, ces symptômes ne sont pas propres au SBS. Cela explique que les médecins puissent parfois imputer ceux-ci, à tort, à certaines maladies fréquentes chez le nourrisson, et les expliquer par d’autres causes. La détection du SBS n’est pas une chose facile, et nécessite donc de procéder à des examens approfondis. Le rôle de l’imagerie médicale, plus précisément des scanners et des imageries par résonance magnétique (« IRM »), semble alors essentiel. En effet, elles vont permettre de détecter la présence de traumatismes internes, tels que des hématomes sous-duraux multiples et localisés dans des sites particuliers, ou encore des caillots au sommet du crâne, qui sont des signes caractéristiques du SBS. Mme Catherine Adamsbaum, radio-pédiatre et experte judiciaire agréée par la Cour de cassation, indique que tout hôpital accueillant un enfant de moins de deux ans, suspect de maltraitance doit, selon les « recommandations des sociétés savantes du monde entier », effectuer un scanner cérébral, des radiographies de haute définition de l’ensemble du squelette et qu’en France, il est même recommandé d’effectuer une échographie abdominale à la recherche de lésions viscérale, c’est-à-dire de lésions présentes dans le crâne, le thorax ou l’abdomen (Adamsbaum C. et Rey-Salmon C., « Syndrome du bébé secoué (SBS). Diagnostic et imagerie moderne », Bulletin de l’Académie Nationale de Médecine, 2019, vol. 203, no 7, p. 500). Les médecins ne peuvent véritablement établir la présence possible d’un SBS qu’après avoir effectué de tels examens.

La HAS indique, dans une recommandation publiée en 2011 – actualisée en juillet 2017 – que lorsqu’un médecin pose, ou évoque, un diagnostic de traumatisme crânien non accidentel, dont le SBS est un sous-ensemble, « l’enfant doit être protégé et hospitalisé » et « ses droits en tant que victime d’une infraction pénale doivent être reconnus » (HAS, « Syndrome du bébé secoué ou traumatisme crânien non accidentel par secouement », juillet 2017). Cela signifie que le médecin doit procéder au signalement de cette situation au procureur de la République, avec copie au président du conseil départemental. En effet, conformément à l’article 223-6 du Code pénal, si le médecin ne procède pas à un tel signalement, il risque d’être poursuivi pour non-assistance à personne en danger. Par ailleurs, l’article 44 du Code de déontologie médicale indique que, si un mineur de quinze ans ou une personne qui n’est pas en mesure de se protéger en raison de son âge ou de son état physique ou psychique est « victime de sévices ou de privations » il doit, « sauf circonstances particulières qu’il apprécie en conscience, alerter les autorités judiciaires, médicales ou administratives ». En effet, le secret professionnel auquel sont tenus les médecins en temps normal ne s’applique pas dans un tel cas, ainsi que l’indique l’article 226-14 du Code pénal : « l’article 226-13 [...] n’est pas applicable : à celui qui informe les autorités judiciaires, médicales ou administratives, de privations ou de sévices, y compris lorsqu’il s’agit d’atteintes ou mutilations sexuelles, dont il a eu connaissance et qui ont été infligées à un mineur ou à une personne qui n’est pas en mesure de se protéger en raison de son âge ou son incapacité physique ou psychique ». Le signalement entraîne alors le déclenchement d’une double procédure, à la fois civile et pénale. En effet, la procédure civile vise à protéger l’enfant, notamment avec la délivrance, par le procureur de la République, d’une ordonnance de placement provisoire (« OPP ») valable pendant 8 jours, au cours desquels le juge des enfants peut être saisi. La HAS précise que si le juge des enfants est saisi, il « statue dans les 15 jours après sa saisine, après avoir convoqué les détenteurs de l’autorité parentale ; il peut prolonger la mesure de placement de l’enfant, lever la mesure de placement ou mettre en place d’autres mesures d’assistance éducative » (HAS, « Syndrome du bébé secoué ou traumatisme crânien non accidentel par secouement », juillet 2017). En outre, si le nourrisson « était gardé par un(e) assistant(e) maternel(le), le président du conseil départemental doit statuer sans délai sur une éventuelle suspension à titre conservatoire de son agrément » (ibidem). Du côté de la procédure pénale, une enquête sera déclenchée afin de rechercher le ou les auteurs et, éventuellement, de les poursuivre. La HAS précise que dans ce cadre, « les membres de l’équipe hospitalière et les professionnels au contact de la famille peuvent être auditionnés » (ibidem). Plusieurs issues s’ouvrent au terme de cette enquête. En l’absence d’infraction, ou si l’infraction n’est pas suffisamment caractérisée, l’affaire peut être classée sans suite. Par ailleurs, l’affaire peut également donner lieu à l’ouverture d’une information qui mènera soit à un « non-lieu si l’infraction n’a pu être établie par faute de preuve ou parce qu’elle n’a pu être imputée à quiconque », soit à un « renvoi devant le tribunal correctionnel (en cas de qualification délictuelle de l’infraction) ou devant la cour d’assises (si qualification criminelle) » (ibidem).

En conclusion, il apparaît que les imageries médicales jouent un rôle indispensable dans le déclenchement des procédures visant à protéger et à faire valoir les droits de l’enfant atteint du SBS. En effet, pour maître Viviane Schmitzberger-Hoffer, « sans le diagnostic d’un médecin et sans le signalement, l’avocat ne sera jamais amené à assurer la défense de ce bébé, victime de ceux qui doivent le protéger » (Schmitzberger-Hoffer V., « La stratégie de défense du bébé secoué », Gaz. Pal., 2012, no 25-26, p. 28).

Ces imageries jouent également un rôle au cœur même du procès, ce qui s’illustre au travers de l’intervention d’experts judiciaires (II).

II. Un outil essentiel à l’expertise judiciaire

Au moment où le bébé est emmené à l’hôpital, un premier diagnostic est posé par l’équipe médicale, et permet de procéder à un signalement et au déclenchement des différentes procédures. Puis, au cours du procès, il est ensuite possible d’avoir recours à l’expertise d’un professionnel. L’expert judiciaire « est sollicité pour donner au juge un avis sur des points techniques précis » et il « peut être désigné par le juge ou par les parties au procès » (www.service-public.fr). Il sera amené à participer au procès, afin de confirmer ou d’infirmer la présence du SBS. Pour ce faire, il pourra se fonder sur les images médicales qui ont été produites au moment de l’hospitalisation de l’enfant. En effet, ainsi que le précise Mme Sonia Desmoulin-Canselier, les imageries sont « réalisées à des fins médicales, puis utilisées secondairement dans le procès » (Desmoulin-Canselier S., « Usages et interprétations judiciaires des images cérébrales », art. cit.). Cela signifie que les IRM et scanners qui ont permis aux médecins de poser un premier diagnostic de SBS, et de procéder à un signalement auprès des autorités, peuvent être réinterprétés au cours du procès par l’expert judiciaire. L’auteur explique que le recours à des expertises judiciaires est essentiel dans le cadre du SBS dans la mesure où elles constituent « des éléments de preuve très importants pour les juges » (ibidem), en partie parce que les bébés secoués ne sont pas en mesure de témoigner. En effet, les imageries médicales constituent « la preuve de l’élément matériel de l’infraction » (ibidem), et deviennent le seul moyen de témoigner de ce qui est arrivé à l’enfant.

Par ailleurs, il appartient également à l’expert judiciaire de procéder à une appréciation des faits (HAS, « Syndrome du bébé secoué ou traumatisme crânien non accidentel par secouement », art. cit.), ce qui peut s’avérer extrêmement important dans la mesure où celle-ci va permettre de déterminer l’intervalle de temps durant lequel le traumatisme a eu lieu, ce que Mme Catherine Adamsbaum appelle des « fourchettes de datation » (Adamsbaum C. et Rey-Salmon C., « Syndrome du bébé secoué (SBS). Diagnostic et imagerie moderne », art. cit.). Dès lors, il sera possible de vérifier quelles personnes se sont trouvées en contact avec le nourrisson au cours de ce laps de temps, et ainsi, comme le précise M. Vincent Ricouleau, de « mieux identifier le ou les auteurs » (Ricouleau V., « Les enjeux juridiques du syndrome du bébé secoué », Village de la justice). Par ailleurs, les experts peuvent également être en mesure de déterminer si le bébé a été secoué une ou plusieurs fois grâce à la « détermination de lésions traumatiques d’âges différents » (Adamsbaum C. et Rey-Salmon C., « Syndrome du bébé secoué (SBS). Diagnostic et imagerie moderne », art. cit.). En effet, si l’expert judiciaire distingue plusieurs fourchettes de datation différentes concernant les lésions traumatiques observées chez l’enfant, alors cela permettra de déterminer s’il y a eu récidive ou non. Ainsi, le rôle des imageries médicales paraît encore une fois très important, dans la mesure où elles permettent, dans un premier temps, de témoigner du fait que l’enfant a bel et bien été secoué et qu’il est bien atteint d’un SBS, et dans un second temps, de déterminer plus facilement qui est le coupable et si celui-ci a récidivé ou non.

Le recours à l’expertise judiciaire dans le cadre du procès pénal a cependant ses limites. Le juge n’est pas tenu de « partager les constatations de l’expert ou de suivre ses conclusions » (www.service-public.fr). Cela signifie qu’une expertise peut mener à certaines conclusions, mais ne pas être retenue par le juge. Celui-ci pourra décider de se délier de l’avis qui lui a été communiqué. Cette marge d’appréciation est importante dans la mesure où l’être humain n’est pas infaillible. Il peut arriver que les experts se trompent, ou ne soient pas d’accord entre eux, d’autant plus que le diagnostic demeure encore aujourd’hui complexe à établir. Or, comme l’indique Mme Sonia Desmoulin-Canselier, « les conséquences d’un diagnostic erroné peuvent se faire sentir lourdement, sur différents registres : la famille (mise en cause des capacités parentales et/ou délitement du couple parental), l’emploi (lorsqu’une assistante maternelle se voit retirer son agrément) et les poursuites pénales (contraintes du procès, condamnation) » (Desmoulin-Canselier S., « Usages et interprétations judiciaires des images cérébrales », art. cit.). Il est donc important que les avis des experts restent discutables ; position confirmée par le garde des Sceaux en 2014 : « conformément aux principes du respect des droits de la défense, les conclusions de l’expert et les méthodes utilisées pour y parvenir seront, dans tous les cas, contradictoirement débattues lors de l’audience » (Assemblée Nationale, Question no 43273, du 26 novembre 2013, JO 1er avril 2014). Cependant, Mme Sonia Desmoulin-Canselier met aussi en avant le fait que pour que le contradictoire soit vraiment respecté, il faut que la défense soit en mesure de bien maîtriser et comprendre les éléments techniques présentés au procès, dont font partie les éléments de l’expertise judiciaire (Desmoulin-Canselier S., « Usages et interprétations judiciaires des images cérébrales », art. cit.). Ainsi, « pour jouer un rôle efficace, il importe que l’avocat ait une bonne connaissance des éléments médicaux permettant de conclure à la matérialité du secouement » (Schmitzberger-Hoffer V., « La stratégie de défense du bébé secoué », art. cit.). Il semble évident que pour pouvoir discuter d’un élément, il est nécessaire de le comprendre dans tous ses aspects, sans quoi il est impossible de pouvoir apporter des éléments pertinents pouvant le remettre en question. L’avocat devra donc nécessairement avoir des connaissances à propos du SBS, et notamment ses composantes scientifiques, ou bien s’entourer d’autres personnes pouvant l’aider à appréhender les aspects de ce sujet qu’il ne maîtriserait pas.

En conclusion, bien que l’utilisation des imageries médicales par les experts judiciaires dans le cadre du procès pénal soit indispensable et inévitable, il est tout de même important pour le juge de prendre de la distance avec celles-ci afin d’éviter de potentielles erreurs d’appréciation qui pourraient être graves pour l’avenir de l’enfant.

Les imageries médicales vont cependant montrer une nouvelle fois toute leur importance et leur utilité dans le cadre des procédures d’indemnisation. En effet, ainsi que le précise maître Andréa Lisch : « L’expertise médicale est une étape primordiale à la constitution du dossier d’indemnisation. Elle a pour but d’estimer les dommages et préjudices corporels subis par une victime. » (Lisch A., « Expertise médicale : que faut-il savoir ? », Beaubourg Avocats, 11 juin 2021.)

III. Un outil d’aide à la décision

L’indemnisation est définie par le dictionnaire juridique de M. Serge Braudo de la manière suivante :

« Dans son sens premier, “l’indemnité” est une compensation financière destinée à réparer un dommage. “Indemnisation”, “dédommagement” et “réparation” sont synonymes. L’utilisation de ces mots se réfère à toutes sortes de règlements sans égard au type de dommage subi, qu’il soit corporel, moral, ou patrimonial, ni au fait que la somme puisse trouver sa cause dans une relation contractuelle, quasi-contractuelle ou statutaire, ou dans une situation délictuelle ou quasi-délictuelle. » (Braudo S., Dictionnaire juridique.)

Le bébé secoué ayant alors subi un dommage corporel, il semble cohérent, et même juste, que cet enfant reçoive une indemnité, d’autant plus que l’indemnité touchée sera probablement essentielle au regard des nombreux frais médicaux que le SBS est susceptible d’engendrer.

D’après Mmes Viviane Schmitzberger-Hoffer et Sylvie Vernassière, l’indemnisation concernant le bébé secoué serait d’autant plus spécifique qu’elle concerne un être « n’ayant pas encore réalisé les acquisitions menant à l’autonomie » (Schmitzberger-Hoffer V. et Vernassière S., « La spécificité de l’indemnisation du bébé secoué »,Gaz. Pal., 2018, no 27, p. 74). On ne sait donc pas ce que le bébé deviendra plus tard et dans quelle mesure il aura besoin de cette indemnité. Rappelons toutefois qu’il n’est pas nécessaire que l’auteur du secouement soit identifié pour permettre à l’enfant de toucher l’indemnité.

Ainsi que nous avons pu l’indiquer, le signalement permet de déclencher la procédure judiciaire. D’autres éléments sont toutefois nécessaires pour espérer obtenir une indemnisation : une expertise médicale (indiquant un lien de causalité entre les dommages de l’enfant et l’acte de secouement), une évaluation des dommages, ainsi que dans certains cas, la nomination d’un administrateur ad hoc (notamment dans le cas où les parents sont mis en cause), etc. (pour plus de précisions : Syndromedubébésecoué.com). Ce n’est qu’à la réunion de ces critères qu’une indemnisation est rendue possible au regard de l’article 706-3 du Code de procédure pénale.

D’après Maîtres Avi Bitton, Juliette Levavasseur et Aurore Pécourt, les préjudices pouvant être indemnisés peuvent être patrimoniaux, tels que les frais concernant la santé actuelle et future, les frais scolaires, l’incidence professionnelle des dommages, l’assistance d’un tiers, l’adaptation des logements ou véhicules, mais aussi extra-patrimoniaux, tels que le déficit fonctionnel (notamment la perte de qualité de vie), le préjudice d’esthétique, ou encore les souffrances physiques et psychologiques (Bitton A., Levavasseur J. et Pécourt A., « Bébés secoués : indemnisation des victimes », Village de la justice,22 juillet 2022). Une indemnisation des victimes indirectes est également possible en cas de décès du bébé, notamment les frais d’obsèques ou le préjudice d’affection, mais aussi en cas de survie de l’enfant, comme la perte de revenu ou les frais divers (ibidem). L’indemnisation du SBS couvre alors de nombreux aspects de la vie future de l’enfant, c’est pourquoi il est essentiel d’en garantir l’accès à la victime, qui dans le cas contraire pourrait manquer de moyens pour vivre une vie adaptée à ses besoins. Il semblerait, d’après Catherine Pouzol, qu’une nouvelle piste d’indemnisation ait été ouverte par la voie assurantielle, puisque le tribunal judiciaire d’Amiens a contraint un assureur, le 17 septembre 2021, à rembourser les dommages causés par l’auteure d’un SBS. La situation pourrait toutefois demeurer exceptionnelle puisqu’il s’agissait d’une application in concreto d’une ancienne jurisprudence « construite autour de l’exclusion légale de la faute intentionnelle » (Pouzol C., « Syndrome du bébé secoué : l’émergence d’une nouvelle voie d’indemnisation, la piste assurantielle », Gaz. Pal., 2021, no 41, p. 19). Il faudra donc attendre de voir si d’autres tribunaux retiennent cette solution à l’avenir.

En conclusion, le rôle de l’imagerie médicale est également important en ce qui concerne l’indemnisation de l’enfant, puisque c’est elle qui va permettre d’apprécier la hauteur des séquelles et, par là même, le montant de l’indemnisation à accorder à la victime.

Conclusion

L’ambition de cet article était de mettre en avant l’importance de l’utilisation de l’imagerie médicale dans le cadre de l’appréhension, par le droit, du SBS. Il est nécessaire que le juge ne néglige pas le rôle que peuvent jouer les sciences dans ces affaires. Ces dernières sont complexes, et il est primordial pour le magistrat de pouvoir compter sur les imageries médicales dans la mesure où elles constituent le seul moyen de détection d’un tel syndrome. Cependant, les juridictions doivent garder à l’esprit que les erreurs médicales existent. Au-delà des résultats de l’interprétation de ces images par les experts, elles doivent donc aussi s’appuyer sur une appréciation du contexte général de la vie de l’enfant. Ainsi, dans les affaires concernant des bébés atteints du SBS, la coopération entre le milieu médical et le milieu judiciaire s’avère indispensable.

Citer cet article

Référence électronique

Marine Gatignon et Justine Gibard, « Les enjeux juridiques de l’interprétation de l’imagerie médicale dans le cadre du syndrome du bébé secoué », Actualité juridique du dommage corporel [En ligne], 25 | 2023, mis en ligne le 20 juillet 2023, consulté le 18 juillet 2025. URL : https://publications-prairial.fr/ajdc/index.php?id=1731

Auteurs

Marine Gatignon

Étudiante en Master 2 Droit civil Culture juridique, université Clermont Auvergne, F-63000 Clermont-Ferrand, France

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Justine Gibard

Étudiante en Master 2 Droit civil Culture juridique, université Clermont Auvergne, F-63000 Clermont-Ferrand, France

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