Dans les faits, à la suite d’un diagnostic d’une subluxation rotulienne, la victime subit une décompression de la rotule sous arthroscopie. Au cours de l’intervention, l’orthopédiste découvre une poche de tissu sous-cutané et décide de procéder à une exérèse de la bourse prérotulienne. La victime va développer un hématome postopératoire qui va malheureusement nécessiter une nouvelle intervention chirurgicale. Le bilan d’anatomopathologie réalisé révèle que le tissu prélevé au cours de l’intervention intéressait « principalement une synoviale adipeuse sans remaniement inflammatoire ». Invoquant des douleurs articulaires persistantes, la victime décide d’assigner le chirurgien.
La cour d’appel de Paris (le 16 décembre 2021) retient la responsabilité du chirurgien. Elle considère que l’exérèse réalisée était inutile et qu’elle est constitutive d’une faute à l’origine de complications postopératoires. Conformément au principe de réparation intégrale, la victime est alors indemnisée de ses préjudices et notamment de son préjudice moral découlant de l’ablation d’un organe sain (1 000 €). La cour condamne également le chirurgien à indemniser la victime de son préjudice moral lié à la « désinformation postopératoire » (2 000 €).
Mécontents, le chirurgien et son assureur forment un pourvoi en cassation. Il convient de souligner qu’ils ne contestent pas que l’information postopératoire ait été erronée. Il faut dire que les éléments présentés étaient manifestes. L’analyse du compte rendu opératoire permettant, à lui seul, de mettre en évidence que l’information postopératoire était « fausse et erronée ». En revanche, ils soutiennent « que le manquement d’un professionnel de santé, […] à son devoir d’information, ne peut donner lieu à réparation que si est caractérisée l’existence d’un préjudice présentant un lien direct et certain avec celle-ci » ; et que la cour d’appel n’a pas expliqué les conséquences préjudiciables engendrées à l’égard du patient.
Dans un arrêt en date du 6 décembre 2023, la deuxième chambre civile rejette le pourvoi. Elle considère que le chirurgien avait délivré à son patient, en postopératoire, « une information fausse sur son état de santé » et que ce manquement « lui avait causé un préjudice moral » qui doit faire l’objet d’une réparation autonome. La décision de la cour d’appel est donc intégralement confirmée par la haute juridiction. À travers cette solution, la haute juridiction vient ici nous rappeler que les professionnels détiennent l’obligation de délivrer à leurs patients une « information loyale, claire et appropriée [de leur] état, les investigations et les soins qu’il [leur] propose » (article 35 du Code de déontologie médicale et article R.4127-35 du Code de la santé publique). En effet, tout médecin détient le devoir d’informer, en toute transparence, son patient sur les complications survenues pendant et après son opération (Magalie Bouteille-Brigant, Les indispensables du droit médical, Ellipses, coll. Plein Droit, 2016, fiche nº 15 « L’obligation d’information », p. 111). En s’abstenant de signaler certains éléments à son patient, le chirurgien orthopédiste commet de facto une faute qui permet d’engager sa responsabilité (Noémie Klein, « L’obligation d’information loyale, claire et appropriée du chirurgien au-delà de l’intervention », Gaz. pal. 2024, nº 6, p. 73-74). Une décision qui permet donc de rappeler aux praticiens que l’obligation d’information ne prend pas fin une fois que l’opération est terminée (article L.1111-2 du Code de la santé publique : « Toute personne a le droit d’être informée sur son état de santé »).
La solution apparaît un peu décevante : la Cour de cassation se contente de confirmer l’existence d’un préjudice moral pour la victime, sans pour autant en préciser davantage les contours. La réponse au pourvoi aurait sans doute mérité, sur ce point, un petit peu plus de clarté, dans la mesure où la Cour d’appel n’en précisait pas non plus la substance.
Enfin, indiquons que cet arrêt représente aussi l’occasion pour la Cour de confirmer l’indemnisation du préjudice moral découlant de l’ablation d’un organe sain, indépendamment du DFP et des souffrances endurées à titre temporaire (obs. Noémie Klein, « L’ablation d’un organe sain peut, dans certains cas, engendrer un préjudice moral spécifique distinct », Gaz. pal. 2024, nº 6, p. 74).