Loi de financement de la sécurité sociale 2015 : exclusion des actes non thérapeutiques du champ des accidents médicaux non fautifs

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Régimes spéciaux d’indemnisation : accidents médicaux

La loi de Financement de la sécurité sociale pour 2015 est venue insidieusement réduire le périmètre des accidents médicaux non fautifs ouvrant droit à l’indemnisation au titre de la solidarité nationale.

Rappelons que depuis la loi n° 2002-303 du 4 mars 2002 « relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé », dite loi Kouchner, la victime d’un accident médical non fautif est en droit d’obtenir indemnisation auprès de l’ONIAM des préjudices en résultant.

II. - Lorsque la responsabilité d’un professionnel, d’un établissement, service ou organisme mentionné au I ou d’un producteur de produits n’est pas engagée, un accident médical, une affection iatrogène ou une infection nosocomiale ouvre droit à la réparation des préjudices du patient, et, en cas de décès, de ses ayants droit au titre de la solidarité nationale, lorsqu’ils sont directement imputables à des actes de prévention, de diagnostic ou de soins et qu’ils ont eu pour le patient des conséquences anormales au regard de son état de santé comme de l’évolution prévisible de celui-ci et présentent un caractère de gravité, fixé par décret, apprécié au regard de la perte de capacités fonctionnelles et des conséquences sur la vie privée et professionnelle mesurées en tenant notamment compte du taux d’atteinte permanente à l’intégrité physique ou psychique, de la durée de l’arrêt temporaire des activités professionnelles ou de celle du déficit fonctionnel temporaire.

Pour bénéficier du dispositif, il convient donc :

  • que le dommage subi soit imputable à un acte de prévention, de diagnostic et de soins ;
  • de remplir le seuil de gravité exigé par la loi.

Si la seconde condition ne pose aucune difficulté d’interprétation, s’est posée la question de savoir si la notion d’actes de soins incluait ceux dépourvus de finalité thérapeutique comme la chirurgie ou la médecine esthétique.

La première chambre civile de la Cour de cassation, par un arrêt rendu le 5 février 2014 (Civ. 1re, 5 février 2014, n° 12-29.140) a, sur ce point, considéré :

« Les actes de chirurgie esthétique, quand ils sont réalisés dans les conditions prévues aux articles L. 6322 1 et L. 6322 2 du code de la santé publique, ainsi que les actes médicaux qui leur sont préparatoires, constituent des actes de soins au sens de l’article L. 42 1 du même code » ouvrent droit à indemnisation par la solidarité nationale quel que soit le motif de l’intervention dès lors que se trouve atteint le critère de gravité.

Cette solution avait été saluée par les avocats de victimes qui voyaient, dans cette consécration, la reconnaissance de la chirurgie esthétique comme un acte de soin à part entière et non plus comme un acte de pur confort.

Toutefois, cette satisfaction n’a été que de courte durée, cette solution ayant suscité la réaction du législateur, qui, à la manière du dispositif anti-Perruche, a fait barrage à la Cour de cassation, en excluant désormais du champ de la solidarité nationale les actes dépourvus de finalité thérapeutique :

« I. – La section 1 du chapitre II du titre IV du livre Ier de la première partie du code de la santé publique est complétée par un article L. 1142-3-1 ainsi rédigé :
“Art. L. 1142-3-1. – I. – Le dispositif de réparation des préjudices subis par les patients au titre de la solidarité nationale mentionné au II de l’article L. 1142-1 et aux articles L. 1142-1-1 et à l’article L. 1142-15 n’est pas applicable aux demandes d’indemnisation de dommages imputables à des actes dépourvus de finalité préventive, diagnostique, thérapeutique ou reconstructrice, y compris dans leur phase préparatoire ou de suivi.
“II. – Toutefois, le recours aux commissions mentionnées à l’article L. 1142-5 exerçant dans le cadre de leur mission de conciliation reste ouvert aux patients ayant subi des dommages résultant des actes mentionnés au I du présent article.”
II. – Le présent article s’applique aux demandes d’indemnisation postérieures au 31 décembre 2014. »

Certains auteurs ont pu dénoncer, à juste titre, que cette nouvelle loi constituait une régression du droit des victimes, prenant le soin de souligner que ce dispositif excluait non seulement la prise en charge des accidents non fautifs consécutifs aux actes de chirurgie ou de médecine esthétique mais également ceux résultant d’interruption volontaire de grossesse (lire sur ce point l’article d’Alice Barrellier, « Une régression inquiétante des droits des victimes d’accidents médicaux non fautifs », Dalloz actualité, 18 décembre 2014).

Citer cet article

Référence électronique

Quentin Mameri, « Loi de financement de la sécurité sociale 2015 : exclusion des actes non thérapeutiques du champ des accidents médicaux non fautifs », Actualité juridique du dommage corporel [En ligne], 2 | 2014, mis en ligne le 23 janvier 2015, consulté le 18 juillet 2025. URL : https://publications-prairial.fr/ajdc/index.php?id=468

Auteur

Quentin Mameri

Avocat au Barreau de Paris, F-75017, Paris, France

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