Indemnisation du préjudice esthétique temporaire : le juge doit respecter le principe de réparation intégrale !

Civ. 2e, 27 avril 2017, n° 16-17.127

DOI : 10.35562/ajdc.336

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Mots-clés

préjudice esthétique temporaire, préjudice esthétique permanent

Rubriques

Victime directe blessée : préjudices extrapatrimoniaux

L’arrêt rendu le 27 avril 2017 par la deuxième chambre civile à propos du préjudice esthétique temporaire n’est pas un cas d’école.

En l’espèce, une victime d’accident de la circulation avait fait l’objet d’une expertise médicale dans un cadre amiable par un médecin-conseil de la compagnie d’assurance.

Le médecin-conseil n’avait pas retenu de préjudice esthétique avant consolidation (préjudice esthétique temporaire), se cantonnant seulement à retenir un préjudice esthétique après consolidation (préjudice esthétique permanent).

Face au refus de la compagnie d’assurance de réparer le préjudice esthétique temporaire, la victime a alors saisi le tribunal de grande instance d’un recours.

La cour d’appel de Nancy, par un arrêt rendu le 8 septembre 2015, déboute la victime de sa demande au motif que le médecin-conseil dans son rapport n’avait pas retenu un tel préjudice.

Cette décision est censurée par la deuxième chambre civile de la Cour de cassation au visa du principe de réparation intégrale des préjudices.

Les conseillers du quai de l’horloge font grief aux juges du fond, en statuant ainsi, de ne pas avoir tiré les conséquences légales de leurs propres constatations puisqu’ils avaient rejeté l’existence d’un tel préjudice alors même que l’expert avait fait état dans son rapport de cicatrices opératoires et de la déformation de l’extrémité inférieure de l’avant-bras gauche avant la consolidation.

Cette solution ne peut que susciter l’approbation.

D’une part, cet arrêt rappelle que le juge n’est pas tenu par les conclusions des experts et bénéficie, en la matière, d’un pouvoir souverain d’appréciation. Cela implique, en vertu du principe de réparation intégrale, l’obligation pour le juge d’en faire usage lorsqu’il est patent qu’un poste de préjudice est caractérisé au regard des constatations de l’expert et des pièces versées au débat nonobstant le fait que l’expert ne l’ait pas expressément retenu.

Cela vaut non seulement pour le préjudice esthétique mais plus largement pour l’ensemble des postes de préjudice.

D’autre part, elle permet de rappeler que le préjudice esthétique temporaire est un préjudice à part entière qui est réparable lorsqu’il résulte des éléments versés au débat qu’avant la consolidation, la victime présente une altération de son apparence physique (sur le caractère autonome du préjudice esthétique temporaire : Civ. 2e, 4 février 2016, n° 10-23378).

Même si la solution ne traite pas spécifiquement de cette question, la définition générale du préjudice esthétique temporaire rappelée par la décision commentée permet une fois de plus de rejeter l’interprétation persistante de certaines compagnies d’assurance et parfois même du Fonds de Garantie visant, sous couvert d’une lecture contestable de la nomenclature Dintilhac, à limiter l’indemnisation du préjudice esthétique temporaire aux atteintes esthétiques les plus graves comme celles présentées par les grands brûlés ou les traumatisés de la face.

Sur ce point, cette définition rejoint parfaitement la nomenclature Dintilhac qui, contrairement aux interprétations qui ont pu être soutenues ne fait pas du préjudice esthétique temporaire un préjudice spécifique à certaines victimes ou certains handicaps mais donne une illustration d’une situation dans laquelle ce poste aurait vocation à s’appliquer. Comme le rappelle la nomenclature Dintilhac, ce type de préjudice est présent notamment chez les grands brûlés ce qui ne signifie pas que ce poste leur soit réservé.

Citer cet article

Référence électronique

Quentin Mameri, « Indemnisation du préjudice esthétique temporaire : le juge doit respecter le principe de réparation intégrale ! », Actualité juridique du dommage corporel [En ligne], 12 | 2017, mis en ligne le 28 février 2018, consulté le 29 mars 2024. URL : https://publications-prairial.fr/ajdc/index.php?id=336

Auteur

Quentin Mameri

avocat au Barreau de Paris

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