L’arrêt rendu par la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, le 5 mars 2015, apporte des précisions intéressantes sur la nature juridique de la pénalité financière applicable à l’assureur qui omet de présenter une offre à une victime d’un accident de la circulation.
Rappelons que l’article L 211-9 du code des assurances, issu de la loi 85-677 du 5 juillet 1985 (dite loi Badinter) met à la charge de l’assureur l’obligation de présenter à la victime d’un accident de la circulation ou à ses ayants droit, une offre d’indemnisation dans un délai de 8 mois à compter de l’accident, et dans un délai de 3 mois à compter de la demande d’indemnisation qui lui est présentée.
À défaut, l’assureur s’expose à deux types de sanctions prévues par la loi :
- Le montant de l’indemnité offerte par l’assureur ou allouée par le juge à la victime produit intérêt de plein droit au double du taux de l’intérêt légal à compter de l’expiration du délai et jusqu’au jour de l’offre ou du jugement devenu définitif (L 211-13 du code des assurances).
- Le juge qui fixe l’indemnité estime que l’offre proposée par l’assureur était manifestement insuffisante, il condamne d’office l’assureur à verser au Fonds de garantie prévu par l’article L. 421-1 une somme au plus égale à 15 % de l’indemnité allouée, sans préjudice des dommages et intérêts dus de ce fait à la victime (L 211-14 du code des assurances).
L’objectif de ce dispositif est de favoriser une indemnisation amiable et rapide des préjudices de la victime. Pour favoriser l’effectivité de cette obligation, les Conseillers du Quai de l’Horloge considèrent traditionnellement que l’absence d’offre s’entend à la fois d’une omission de présenter une proposition d’indemnisation mais également lorsque cette dernière, bien que formalisée, revêt un caractère manifestement insuffisant (Civ. 2e, 4 mai 2000, n° 98-20179) ces exigences s’appliquant également aux offres provisionnelles (Civ. 2e, 2 avril 2009, n° 08-16621).
Ainsi, en cas de minoration du préjudice indemnisable ou lorsque l’offre est incomplète, ne comportant pas tous les éléments du préjudice (renvoi vers arrêt du 20 décembre 2014 – commentaire revue 3 – loi Badinter : assimilation de l’offre incomplète d’indemnisation à une absence d’offre), l’assureur s’expose aux sanctions financières prévues par la loi.
Dans le présent arrêt, publié au Bulletin, la Haute juridiction a été amenée à se prononcer sur une tout autre question, celle de la possibilité pour une victime ayant obtenu une indemnisation de ses préjudices par un jugement irrévocable, de saisir à nouveau le juge d’une demande de condamnation de l’assureur au doublement du taux d’intérêt légal pour absence d’offre alors qu’elle n’avait pas présenté une telle demande à l’occasion de l’instance initiale en réparation.
En d’autres termes, il s’agit de déterminer si cette nouvelle demande formée postérieurement se heurtait à l’autorité de la chose jugée du jugement ayant statué sur l’indemnisation de la victime. En effet, en vertu de l’article 1351 du Code civil, « l’autorité de la chose jugée n’a lieu qu’à l’égard de ce qui a fait l’objet du jugement. Il faut que la chose demandée soit la même ; que la demande soit fondée sur la même cause ; que la demande soit entre les mêmes parties, et formée par elles et contre elles en la même qualité ».
L’autorité de chose jugée s’oppose à l’introduction d’une nouvelle instance afin de faire juger à nouveau le même litige. Classiquement, l’appréciation du caractère nouveau de la demande s’apprécie sous le prisme de la triple identité d’objet, de cause et de parties.
Tout l’enjeu de la question soumise au magistrat était donc de savoir si la demande d’application des pénalités financières était juridiquement distincte de celle relative à la demande d’indemnisation. Dans une telle hypothèse, la demande formulée par la victime tendant à voir l’assureur condamné au doublement d’intérêt légal serait parfaitement recevable tandis que dans le cas contraire, elle ne pourrait prospérer, puisqu’elle se confondrait avec l’objet de la première demande.
En l’espèce, la cour d’appel avait prononcé l’irrecevabilité de la demande, au motif que cette dernière tendant à la condamnation de l’assureur au paiement de la pénalité prévue par l’article L. 211-13 du code des assurances constitue l’accessoire de celle formée au titre de l’indemnisation du préjudice de la victime d’un accident de la circulation dans lequel est impliqué un véhicule terrestre à moteur. Cet arrêt est censuré par la Haute juridiction, celle-ci déniant à la pénalité financière un caractère accessoire à l’indemnisation.
Cette solution est cohérente dans la mesure où le doublement du taux d’intérêt légal constitue juridiquement une sanction financière applicable à l’assureur défaillant et non une composante de l’indemnisation.