Rejet de la réparation d’un préjudice moral exceptionnel distinct des souffrances endurées ou du déficit fonctionnel permanent

Civ. 2e, 5 février 2015, n° 14-10.085

DOI : 10.35562/ajdc.559

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Mots-clés

principe de réparation intégrale, préjudice moral exceptionnel, réparation distincte des souffrances endurées et du déficit fonctionnel permanent (non)

Rubriques

Victime directe blessée : préjudices extrapatrimoniaux

La Cour de cassation poursuit son effort d’affinement des postes de préjudices extrapatrimoniaux réparables à l’occasion d’un arrêt du 5 février 2015 rendu par sa 2e formation civile. Il était plus particulièrement question, dans cette espèce, de la question de la réparation d’un « préjudice moral exceptionnel » survenu à l’occasion d’une agression.

Censurant un arrêt d’appel ayant admis la réparation de ce préjudice à côté des souffrances endurées et du déficit fonctionnel permanent subis par la victime au motif que l’agression avait « engendré chez chacune des victimes un sentiment d’angoisse générateur d’un préjudice moral exceptionnel qui devait être indemnisé », la Cour de cassation vient rappeler, au visa de l’article 706-3 du code de procédure pénale et du principe de réparation intégrale, que « le préjudice moral lié aux souffrances psychiques et aux troubles qui y sont associés [est] inclus dans le poste de préjudice temporaire des souffrances endurées ou dans le poste de préjudice du déficit fonctionnel permanent », et ne peut en conséquence être indemnisé séparément.

Cette solution n’est pas nouvelle, la deuxième chambre civile l’ayant déjà admise dans les mêmes termes par un arrêt du 16 septembre 2010 (Civ. 2e, 16 septembre 2010, n° 09-69.433), puis rappelée à l’occasion d’un arrêt du 11 septembre 2014 (Civ. 2e, 11 septembre 2014, n° 13-21. 506).

On relèvera que la Cour de cassation ne semble plus dissimuler ses réticences à reconnaître l’autonomie d’un préjudice moral voisin des souffrances endurées et du déficit fonctionnel permanent, tant ses rappels sont nombreux.

On l’évoquait déjà s’agissant des arrêts du 23 octobre 2014 (Civ. 2e, 23 octobre 2014, n° 13-23.305) et du 11 décembre 2014 (Civ. 2e, 11 décembre 2014, n° 13-27.440) relatifs au contentieux du Distilbène, bien que dans ces espèces, le défaut de motivation – du pourvoi, s’agissant de la première, et de l’arrêt d’appel, concernant la seconde – apparaissait comme la cause essentielle du rejet de la réparation d’un préjudice moral distinct : dès lors que l’atteinte à l’intégrité physique de la victime est constituée, les souffrances psychologiques ressenties par celle-ci, et notamment l’angoisse qu’elle a pu éprouver, semblent devoir être rattachées au poste de préjudice des souffrances endurées ou du déficit fonctionnel permanent, sous peine de conduire à une double indemnisation.

Cette position pourrait résulter de la définition que donne la nomenclature Dintilhac de la notion de souffrances endurées, laquelle est susceptible d’englober la situation d’espèce puisqu’elle rassemble « toutes les souffrances physiques et psychiques, ainsi que des troubles associés, que doit endurer la victime durant la maladie traumatique, c’est-à-dire du jour de l’accident à celui de sa consolidation ».

En tout état de cause, l’arrêt du 5 février 2015 semble confirmer la volonté des juges du droit de circonscrire le domaine de la réparation du préjudice moral aux postes de préjudices formellement consacrés par la nomenclature Dintilhac, tout du moins dans les situations où l’atteinte à l’intégrité physique de la victime est d’ores et déjà survenue.

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Référence électronique

Hakim Gali, « Rejet de la réparation d’un préjudice moral exceptionnel distinct des souffrances endurées ou du déficit fonctionnel permanent », Actualité juridique du dommage corporel [En ligne], 3 | 2015, mis en ligne le 09 mars 2016, consulté le 29 mars 2024. URL : https://publications-prairial.fr/ajdc/index.php?id=559

Auteur

Hakim Gali

Université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines, laboratoire de droit des affaires et nouvelles technologies, Dante, EA 4498, F-78280, Guyancourt, France

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