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La notification des actes à l’étranger : un exemple d’entraide judiciaire mutuelle sur la scène internationale

Céline Moille


1L’affaire concernait une propriétaire de nationalité française, résidant en Australie, qui avait loué à une personne de nationalité américaine et résidant aux États-Unis, son appartement meublé à Lyon, à de nombreuses reprises, depuis 2007. Durant l'exécution de l'un des contrats avec ladite locataire entre septembre 2011 et juin 2012, les deux parties avaient signé deux nouveaux contrats de location à venir pour le dernier trimestre 2012 et le premier semestre 2013. Cependant, en raison de changements professionnels, la locataire avait dû renoncer à cette location et avait alors sollicité la résiliation des baux. En réponse, la propriétaire avait exigé le paiement de deux mois de loyer à titre de dédommagement contractuel afin de mettre un terme aux baux qui n'avaient pas encore commencé à courir. La locataire, mécontente, avait alors fait notifier aux autorités australiennes une assignation devant les juridictions civiles lyonnaises à l'encontre de la propriétaire.

2En matière procédurale, la notification est bien évidemment importante dans la mesure où elle a pour principal but de faire connaître officiellement un acte de justice à son destinataire. Cet arrêt est ainsi l’occasion de dresser un état des lieux sur certaines des modalités de notification des actes judiciaires à l’étranger, ce point ayant été soulevé par la propriétaire résidant en Australie pour voir déclarer l’action de la locataire irrecevable.

3En effet, la propriétaire invoquait d’abord le fait, en application des dispositions de nombreux textes, à savoir la convention de La Haye du 15 novembre 1965, mais aussi les déclarations de l’État australien et les articles 683 et suivants de code de procédure civile français, que l'acte transmis devait être remis en cause dans la mesure où il n'avait pas été traduit en langue anglaise à l'autorité australienne. La convention de La Haye du 15 novembre 1965 relative à la signification et la notification à l'étranger des actes judiciaires et extrajudiciaires en matière civile ou commerciale est en effet applicable à la situation litigieuse, l’Australie et la France ayant ratifié ledit texte.

4Il convenait donc de vérifier, au regard de la convention, si la traduction de l’acte en langue anglaise était indispensable. L’article 5 dispose que « l'Autorité centrale peut demander que l'acte soit rédigé ou traduit dans la langue ou une des langues officielles de son pays ». Il existe sur ce point une déclaration de l’État australien selon laquelle :« les actes à signifier doivent être traduits en langue anglaise ». Cependant, cette même déclaration prévoit que « la traduction n'est pas nécessaire si le destinataire accepte volontairement la signification de l'acte dans une autre langue et si l'autorité requise ne formule pas d'objection ».

5La traduction de l’acte en anglais n’était donc pas une obligation au regard du droit australien dans la mesure où la propriétaire, de nationalité française, comprenait parfaitement le français et l’acte qui lui a été transmis. D’ailleurs, il a été rappelé dans l’arrêt le fait que la signification de l’acte en langue française n’avait nullement empêché la propriétaire de se constituer normalement dans l’affaire.

6Il était également reproché à la locataire d’avoir envoyé par la voie postale son assignation. Au regard du seul droit français, l'acte destiné à une personne ayant sa résidence habituelle à l'étranger doit être remis au parquet, sauf dispositions communautaires ou internationales contraires (article 684 du Code de procédure civile). Il n'est donc, en application de ce texte, pas possible de procéder par voie postale (Cass. civ. 2e, 8 juill. 2010, n° 09-16.070, Bull. civ. II, n° 143 ; Procédures 2010, n° 339). Cependant, en application de l’article 10 de la convention de La Haye, la notification par voie postale est toutefois possible seulement si l’État de destination n’y est pas opposé (voir en ce sens, Rouen, 28 oct. 2004, JurisData n° 256956).

7Ainsi, il convenait d’analyser le point de vue de l’État australien. Ce dernier ne s'oppose pas aux significations ou notifications par la voie postale si la juridiction devant laquelle le procès est porté l'autorise.

8Pour l’État français, bien que la signification de l’acte par voie d’huissier soit la règle, il admet que les significations réalisées dans le cadre de la convention de La Haye puissent être faites également par voie postale. Sur un plan formel, la locataire avait donc respecté toutes les règles applicables en matière de notification.

9Au regard de cet arrêt, il est alors permis de noter qu’en matière de notification des actes à l’étranger, il convient de se montrer vigilant, tout d’abord eu égard à la multiplicité des textes en la matière, à savoir notamment le règlement (CE) n° 1393/2007 du 13 novembre 2007, mais aussi les multiples conventions d'entraide et accords bilatéraux que la France a signés. Il faut de plus rester particulièrement attentif aux positions prises par chaque État en la matière, qu’il s’agisse de l’État de destination de l’acte ou encore de l’État devant lequel le procès doit avoir lieu.

10Se met ainsi en place un « délicat » enchaînement de règles, mais qui ont toutes pour objectif de parvenir à respecter l’objectif commun des États, à savoir la mise en place d’une véritable entraide judiciaire mutuelle.

Arrêt commenté :
CA Lyon, 8e ch., 2 Décembre 2014, JurisData n° 2014-030163



Citer ce document


Céline Moille, «La notification des actes à l’étranger : un exemple d’entraide judiciaire mutuelle sur la scène internationale», BACALy [En ligne], n°6, Publié le : 11/02/2015,URL : http://publications-prairial.fr/bacaly/index.php?id=1380.

Auteur


À propos de l'auteur Céline Moille

Docteur en droit, avocat chez Yellaw et chargée d’enseignement à l’Université Lumière Lyon 2 et Jean Moulin Lyon 3


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