Clause de confidentialité et réseaux sociaux : un enjeu pour les partenaires commerciaux

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Mots-clés

clause de confidentialité, contrat de prestation de services, réseau social, parasitisme

Rubriques

Droit des affaires

Texte

L’utilisation généralisée des réseaux sociaux soulève des problématiques juridiques dans les relations entre les personnes et les relations commerciales n’y font pas exception.

Le présent arrêt de la cour d’appel de Lyon statuant en référé dans un litige entre une société cliente et une société prestataire de services ainsi que son gérant en offre une illustration. La société cliente a eu recours à la société prestataire de services pour effectuer des missions de communication et de marketing entre 2011 et 2017, période pendant laquelle différents contrats de prestation de services ont été conclus. Le dernier contrat de prestation de services a été conclu le 1er janvier 2017 avec un terme au 31 décembre 2017. Le différend entre les partenaires commerciaux a émergé lorsque la société cliente a indiqué au gérant de la société prestataire qu’il « souhaiterai[t] qu’[il] ne nomme pas les clients et les dossiers qui leur sont associés » sur son compte LinkedIn. Le gérant de la société prestataire a répondu à la société cliente qu’il n’avait effectué aucune mise à jour de son profil LinkedIn depuis au moins une année, mais qu’il entendait modifier son profil en février 2018 et qu’il pourrait alors « challenger les contenus liés [à la société cliente] ». Fin janvier 2018, la société cliente a procédé à l’envoi d’un courrier d’avocat faisant état du non-respect de l’obligation de confidentialité contenue dans le contrat de prestation de services arrivé à terme et a formulé une demande de retrait des informations confidentielles sur le compte LinkedIn du gérant de la société prestataire.

Le président du tribunal de commerce de Lyon, saisi en matière de référé par la société cliente le 28 mai 2018, a constaté que le gérant et la société prestataire avaient violé la clause de confidentialité figurant dans les contrats de prestation de services et commis des agissements parasitaires, caractérisant un trouble manifestement illicite.

La société prestataire a fait appel de l’ordonnance, la cour d’appel de Lyon a donc statué à nouveau sur l’existence d’un dommage imminent ou d’un trouble manifestement illicite dans le cadre de ce différend.

La clause de confidentialité a été reproduite par la cour d’appel de Lyon, celle-ci dispose que : « En particulier, le responsable de ces missions s’engage formellement à ne divulguer à qui que ce soit aucun des process, projets, réalisations étudiées au sein du Groupe [de la société cliente], soit pour le compte des clients de la société, soit pour la société elle-même ou pour toute autre société du Groupe, se déclarant à cet égard lié par une obligation de confidentialité la plus absolue ».

La cour d’appel de Lyon, pour infirmer la décision déférée et considérer n’y avoir lieu à référé a constaté que les informations mentionnées sur le compte LinkedIn du gérant de la société prestataire étaient accessibles dès 2015 par la société cliente. Par conséquent, pendant une période de trois années, la société cliente ne s’est aucunement manifestée afin de constater la violation de l’obligation de confidentialité. Par ailleurs, en janvier 2018, la société cliente a simplement émis le souhait que le gérant de la société prestataire ne nomme pas les clients et les dossiers, sans mentionner un éventuel manquement à une obligation de confidentialité. À la suite de cette demande, le gérant de la société prestataire a sollicité un délai pour retirer ces informations, afin de ne pas le pénaliser dans le processus de validation de son Master of Business Administration (maîtrise en administration des affaires) en cours, demande qui n’a fait l’objet d’aucune contestation immédiate par la société cliente.

Enfin, la cour d’appel de Lyon conclut que, compte tenu de la nature des informations diffusées via le profil LinkedIn du gérant de la société prestataire, leur caractère confidentiel se heurte à une contestation sérieuse. Le juge des référés ne peut donc pas constater que le gérant aurait divulgué des « process, projet, réalisation » des clients de la société cliente en violation de la clause de confidentialité.

S’agissant du parasitisme, la cour d’appel de Lyon se fonde tout d’abord sur la définition classique du parasitisme économique qui consiste pour une société à se placer dans le sillage d’une autre afin de tirer profit, sans rien dépenser, de ses efforts et de son savoir-faire – Cass.com., 26 janv. 1999, n° 96-22.457. La cour d’appel de Lyon ne relève aucun élément permettant de retenir l’existence de pratiques relevant du parasitisme. La cour d’appel de Lyon évacue cet argument sans ajouter d’éventuels développements, et pour cause, la diffusion d’informations sur le compte LinkedIn ne permettant pas de caractériser une violation de la clause de confidentialité, le maintien de ces informations après la fin de la relation contractuelle ne pouvait constituer un acte de parasitisme.

L’on constate que la cour d’appel de Lyon effectue un double contrôle : tout d’abord, un contrôle du comportement du bénéficiaire de la clause de confidentialité, ensuite, un contrôle de la nature des informations publiées. La prééminence du premier de ces contrôles est évidente, la cour d’appel de Lyon effectue en effet une analyse factuelle précise de la situation en constatant l’absence de réaction aux informations publiées de la société cliente pendant des années, la mention très tardive de la violation de la clause de confidentialité, et l’absence de contestation immédiate lors de la demande de délai du gérant de la société prestataire. La question de la nature des informations diffusées sur le profil LinkedIn du gérant ne survient que dans un second temps, sans que la cour d’appel de Lyon ne développe dans quelle mesure la nature de ces informations ne permet pas au juge des référés de constater la violation de la clause de confidentialité caractérisant un trouble manifestement illicite. Il semblerait que la cour d’appel de Lyon ait, sans le mentionner expressément, davantage effectué un contrôle de la bonne foi de la société cliente dans l’invocation de la violation de la clause de confidentialité plutôt qu’un contrôle précis du contenu des informations dévoilées ou non.

Cet arrêt permet de souligner l’importance d’une rédaction très précise d’une clause de confidentialité dans une relation entre deux partenaires commerciaux afin que celle-ci puisse être efficace. En l’espèce, la clause de confidentialité a un champ assez restreint car elle ne prend en compte que les « process, projets, réalisations étudiées au sein du Groupe [de la société cliente] » et n’englobe ainsi pas nécessairement l’ensemble de la relation contractuelle. Par ailleurs, cette clause n’entraîne en principe pas d’effet au-delà de la période de la relation contractuelle, en l’absence d’une quelconque mention en ce sens.

En somme, dans cette décision, la cour d’appel de Lyon met en lumière certaines difficultés juridiques pouvant émaner des publications sur les réseaux sociaux, la nécessité pour les partenaires commerciaux d’invoquer la clause de confidentialité de bonne foi et en temps utiles et enfin, en filigrane, l’importance pour les partenaires commerciaux d’apporter un soin particulier dans la rédaction d’une clause de confidentialité encadrant leur relation commerciale.

Arrêt commenté :
CA Lyon, 8e chambre, 30 avril 2019 – n° 18/05602

Document annexe

Citer cet article

Référence électronique

Fanny Quintana, « Clause de confidentialité et réseaux sociaux : un enjeu pour les partenaires commerciaux », Bulletin des arrêts de la Cour d'appel de Lyon [En ligne], 14 | 2020, mis en ligne le 01 janvier 2020, consulté le 18 juillet 2025. URL : https://publications-prairial.fr/bacaly/index.php?id=2284

Auteur

Fanny Quintana

Avocat au sein du cabinet d’avocats Fidal à Lyon

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