Dans un souci de protection de la partie à qui elle est opposée, l’article 48 du Code de procédure civile conditionne l’opposabilité des clauses attributives de compétence à un certain formalisme. Avec le développement numérique, ce type de clauses est souvent stipulé dans des conditions générales disponibles sur le site internet du contractant. Or, une question se pose lorsqu’un contrat conclu physiquement mentionne des conditions générales accessibles en ligne contenant une telle clause.
En l’espèce, une société avait conclu avec un client situé dans le département du Nord deux contrats d’abonnement portant sur des logiciels informatiques. L’un de ces contrats faisait référence à des conditions générales de vente qui, disponibles uniquement sur le site internet de la société, stipulaient en majuscules une clause attributive de compétence désignant le tribunal de commerce de Lyon. Alors que le client a constaté des dysfonctionnements des logiciels, il a refusé de payer certaines factures. La société a ainsi assigné le client en paiement devant le tribunal de commerce de Lyon.
Dans un jugement rendu le 24 avril 2019, le tribunal s’est déclaré incompétent au motif que la clause attributive de compétence n’était pas opposable au client faute d’acceptation expresse. La société a alors interjeté appel. Selon elle, il revient à ses clients de prendre connaissance des conditions générales par le biais de son site internet. De plus, la mention manuscrite « Lu et approuvé. Bon pour accord pour le présent bon de commande et les conditions générales associées » rédigée par le client dans un contrat signé suffirait à rendre valide et opposable la clause litigieuse.
Rejetant cet argumentaire, la cour d’appel considère, comme les premiers juges, que la société ne rapportait pas la preuve de l’acceptation expresse de la clause attributive de compétence par le client. Non seulement le contrat signé ne signalait en aucune manière cette clause mais cette mention manuscrite ne suffisait pas à suppléer cette carence dans le contrat.
Alors que la Cour de cassation avait déjà affirmé l’inopposabilité d’une telle clause lorsqu’elle figurait sur des imprimés non signés valant conditions générales (Cass. com., 4 oct. 1988, Bull. civ IV, n° 258), la cour d’appel accentue le formalisme probatoire et renforce l’idée selon laquelle l’acceptation de la clause attributive de compétence est un engagement autonome de l’acceptation des conditions générales. Pour que la clause attributive de compétence soit opposable au client, il aurait fallu, à défaut d’une signature des conditions générales, qu’elle soit mentionnée voire reproduite dans le contrat signé. Dès lors, une acceptation globale des conditions générales qui ne figurerait pas sur l’instrumentum serait insuffisante à rendre opposable la clause attributive de compétence pourtant contenue dans ces mêmes conditions.
Arrêt commenté :
CA Lyon, 3e Chambre A, 12 septembre 2019, n° 19/03188