L’obligation d’user des lieux loués selon la destination donnée par le bail est une obligation essentielle du preneur en vertu de l’article 1728 du Code civil. Une attention particulière doit donc être prêtée à la clause de destination car le preneur ne peut exercer dans les locaux que l’activité prévue (Cass. ass. plén. 3 mai 1956 : JCP G 1956, II, 9345).
En l’espèce, les parties ont conclu un bail commercial prévoyant que le local devait être utilisé exclusivement pour l’activité de « Boucherie – vente à emporter de sandwichs-frites ». Outre des nuisances et des travaux réalisés sans autorisation, le preneur a développé une activité de restauration sur place que le bailleur estime proscrite par le bail. Après une sommation de se conformer aux clauses du bail restée infructueuse, le bailleur assigne le preneur en résiliation du bail et demande son expulsion des locaux.
Tout d’abord, la cour rappelle qu’une clause résolutoire ne peut être mise en œuvre qu’en cas de manquement à une stipulation expresse du bail contractuellement sanctionnée par la clause. La clause résolutoire présente en l’espèce sanctionne l’« inexécution des obligations contractuelles ci-dessus ». Le bailleur ne peut donc s’en prévaloir que pour des manquements à des obligations stipulées au contrat. Or, parmi les manquements reprochés, seule la non-conformité à la destination des lieux correspond à une obligation stipulée avant la mention de la clause résolutoire. La cour concentre ainsi son analyse sur ce manquement, et relève que la sommation de se mettre en conformité démontre l’intention du bailleur de se prévaloir de la clause résolutoire en cas de non régularisation.
Ensuite, la cour se prononce sur la conformité de l’activité exercée à la destination prévue.
D’une part, les constats d’huissiers dressés à l’initiative du bailleur constatent qu’aucune activité de boucherie n’est exercée et que les lieux sont aménagés pour accueillir une activité de restauration sur place. La cour apprécie strictement l’énoncé de la destination en considérant que l’activité prévue au bail est une activité de sandwichs à emporter, accessoire à une activité de boucherie. Elle en déduit l’absence de mise en conformité des lieux suite à la sommation. En ce sens, la clause résolutoire est acquise.
D’autre part, le preneur soutient s’être mis en conformité avec les stipulations contractuelles. Il s’appuie sur un constat d’huissier ultérieur faisant apparaître que les lieux ne disposent plus de place assise et proposent désormais exclusivement la vente de tacos à emporter. Selon la cour, ce constat ne suffit pas à démontrer que la destination des lieux est respectée. Elle considère que l’activité de vente de tacos à emporter ne s’apparente pas à une activité de boucherie-sandwichs à emporter, mais plutôt à une activité de restauration rapide chaude de type fast-food. La demande de suspension des effets de la clause résolutoire est donc rejetée.
Arrêt commenté :
CA Lyon, 8e Chambre A, 10 septembre 2019, n° 19/01937