Par jugement du 22 septembre 2015, le tribunal de grande instance de Saint-Étienne a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l’égard de Mme C.
Conformément aux dispositions de l’article L. 622-24, la caisse régionale du Crédit agricole Haute-Loire (ci-après « la Banque ») a déclaré plusieurs créances à échoir au titre de différents contrats de prêts en capital et en intérêts dont le montant avait été directement calculé.
Lors du processus de vérification des créances déclarées, les observations de la débitrice ont été sollicitées. Celle-ci a alors formulé une contestation concernant les modalités de calcul du TEG qu’elle considérait comme erronées. Aussi, en application des dispositions de l’article L. 622-27 du Code de commerce, le mandataire judiciaire a émis une lettre de contestation pour chacune de ces créances en indiquant que la débitrice entendait contester les modalités de calcul et qu’il serait alors proposé au juge-commissaire le rejet de cette créance.
Avant l’expiration du délai de réponse, le créancier a informé le représentant des créanciers qu’il entendait maintenir sa déclaration de créance dans les mêmes termes. Plus tard, le mandataire judiciaire a à nouveau contesté sur le même fondement les créances de la Banque en joignant cette fois une étude réalisée par un tiers sur les modalités de calcul du TEG.
Le créancier a alors à nouveau répondu à la contestation adressée en indiquant maintenir sa déclaration mais cette fois, après l’expiration du délai de 30 jours à compter de la réception de la lettre du représentant des créanciers.
Le juge-commissaire a alors rejeté les créances déclarées par la Banque au motif que, conformément à l’article L. 622-27 du Code de commerce, le défaut de réponse dans un délai de 30 jours interdit toute contestation ultérieure de la proposition du mandataire judiciaire. Le créancier a formé opposition devant la cour d’appel de cette ordonnance de rejet.
La cour d’appel était alors saisie du point de savoir si, lorsqu’une première contestation est émise et reçoit une réponse du créancier dans le délai imparti, une nouvelle contestation ayant le même objet et qui ne recevrait pas réponse dans le délai de 30 jours entraînerait l’impossibilité pour le créancier de contester le rejet de sa créance.
Si la pratique des contestations successives semble pleinement admise en l’espèce (I), la cour rappelle que le défaut de réponse dans le délai n’entraine toutefois pas les mêmes effets (II).
I/ La pratique admise des contestations successives
Dans ces quatre affaires, il n’était pas remis en cause le fait pour le mandataire judicaire d’avoir contesté à deux reprises la même créance pour le même motif.
Il est vrai que l’article L. 622-27 du Code de commerce prévoit dans des termes assez larges, que lorsqu’une créance est discutée, le mandataire judiciaire informe le créancier du motif sur lequel se fonde la discussion et de la proposition qu’il formulera au juge-commissaire au moment du dépôt de la liste des créances de l’article L. 624-1 du même Code.
Cette solution favorable aux discussions est d’ailleurs ancienne (voir notamment Cass. com., 22 octobre 1996 n° 94-19.912).
Si le droit positif ne condamne pas cette pratique, il serait cependant redoutable que des contestations successives emportent des effets identiques à l’égard du créancier (II).
II/ Paralysie des effets en l’absence de réponse dans le délai
En l’absence de réponse apportée dans le délai à la lettre de contestation, le créancier ne peut plus ni contester la proposition de rejet faite par le mandataire (L. 622-27 du Code de commerce), ni l’ordonnance de rejet du juge-commissaire (L. 624-3 alinéa 2 du même Code) à la double condition que la contestation porte sur la créance elle-même et non sur la régularité de sa déclaration d’une part et que la décision de rejet total ou partiel du juge-commissaire coïncide exactement avec la proposition du mandataire judiciaire d’autre part. Dans le cas contraire, le créancier retrouve son droit de recours contre la décision du juge-commissaire (Cass. com., 16 juin 2015 n° 14-11.190). En l’espèce, la proposition de rejet du mandataire et la décision de rejet du juge-commissaire coïncidait. De plus, il n’était pas question de contester la régularité de la déclaration de créance mais bien le montant de la créance s’agissant d’un calcul du TEG, qui selon la débitrice, serait erroné.
Dans ces quatre décisions, la cour d’appel de Lyon vient rappeler la solution précédemment posée par la Cour de cassation dans un arrêt du 18 mai 2017 (Cass. com., 18 mai 2017 n° 15‑27.534) jugeant ainsi qu’une nouvelle contestation portant sur la même créance n’entraîne pas le même effet juridique que la première.
Si la solution inverse avait été retenue, elle aurait conduit à imposer au créancier une attention particulière et une réactivité à contre-courant de la jurisprudence de la Cour de cassation en matière de vérification de créance.
Si les différentes réformes ont eu vocation à tempérer les droits des créanciers au profit d’autres objectifs notamment de pérennité d’exploitation ou de protection de l’emploi, il semble que ces tempéraments doivent rester l’exception. Rappelons à cet égard que le sort réservé aux créanciers entre dans le champ de l’article 1er du 1er protocole additionnel à la CEDH constatant le droit au respect de ses biens.
Les récentes décisions de la Cour de cassation vont dans le sens d’un rôle mesuré du créancier dans la procédure. Par un arrêt du 20 avril 2017, la chambre commerciale de la Cour de cassation a notamment précisé que le créancier n’est pas tenu de se présenter à l’audience de contestation (Cass. com., 20 Avril 2017 n° 15-18.598).
Certaines questions ne sont pour autant pas résolues et il est légitime de se demander si une nouvelle contestation qui porterait sur un autre motif que celui précédemment invoqué dans la première lettre pourrait alors faire courir à nouveau le délai légal de réponse.
Arrêts commentés :
CA Lyon, 3e chambre A, 13 juin 2019, n° 17/0783, n° 17/0786, n° 17/0787, n° 17/0788