L’insolvabilité de la société est un terreau propice à l’engagement de la responsabilité des représentants de la société débitrice, toutefois le cumul des responsabilités des représentants en leurs qualités de dirigeants, mais aussi de liquidateurs amiables est strictement encadré. Cet arrêt en date du 6 janvier 2020 démontre parfaitement le non-cumul de l’action en responsabilité pour insuffisance d’actif et des actions en responsabilité du droit des sociétés aux seules fautes antérieures au jugement d’ouverture.
Le 27 février 2012, le fonds de commerce d'une société a été vendu pour 530 000 €, suivie par la dissolution de la société avec désignation des cogérants en qualité de liquidateurs amiables.
Le 20 janvier 2016, sur déclaration de cessation des paiements, le tribunal de commerce de Saint-Étienne a prononcé l’ouverture d’une procédure de liquidation judiciaire de la société. Suite à l’assignation par le liquidateur judiciaire, le tribunal, a condamné solidairement les co-gérants au titre de leur participation à l’insuffisance d’actif. Toutefois, les juges déboutent le liquidateur de sa demande de condamnation fondée sur l’article L237-12 du Code de commerce, dirigée contre les codirigeants en leur qualité cette fois-ci de liquidateurs amiables.
Par un jugement du 6 février 2020, la cour d’appel de Lyon a confirmé logiquement la décision du tribunal de commerce de Saint-Étienne. La cour d’appel rappelle que l’action fondée sur l’insuffisance d’actif revêt le caractère d’une action en responsabilité civile délictuelle à caractère indemnitaire. Par conséquent, la faute reprochée aux liquidateurs amiables étant constituée des mêmes éléments que celle retenue à l’encontre des mêmes personnes en leur qualité de dirigeants, la cour d’appel a retenu que la finalité spéciale de l’action en responsabilité pour insuffisance d’actif déroge à la finalité générale des actions en responsabilité du droit des sociétés ou du droit commun. Il est indifférent que le préjudice allégué soit distinct voire postérieur à l’ouverture de la procédure collective.
Il convient de rappeler que dans un arrêt de principe du 28 février 1995, la chambre commerciale de la Cour de cassation avait posé un principe dit de « non-cumul » de l’action en comblement de passif avec d’autres actions en responsabilité de droit commun dans l’hypothèse d’une insuffisance d’actif de la société placée en procédure collective (Cass. com., 20 juin 1995, n° 92-16.647). La cour d’appel de Lyon s’inscrit dans la lignée de la jurisprudence actuelle, la Cour de cassation (Com. 19 nov. 2013, FS-P+B, n° 12-16.099) avait déjà jugé en 2013 qu’une action en responsabilité pour insuffisance d’actif ne se cumule pas avec celle de l’article L. 225-251 du Code de commerce.
Dès lors, il ne peut y avoir cumul entre une action en comblement de l’insuffisance d’actif pour un fait antérieur à l’ouverture de la procédure collective et une action tirée de l’article L237-12 ayant la même cause antérieure à la procédure judiciaire, fût-elle dirigée au regard d’une qualité différente des assignés. La cour d’appel de Lyon rappelle que le caractère exclusif de l’action en responsabilité pour insuffisance d’actif ne vaut que pour les fautes antérieures au jugement d’ouverture.
Arrêt commenté :
CA Lyon, 3e chambre A, 6 février 2020, n° 19/00958