D’origine prétorienne, la notion d’incidence professionnelle a été consacrée par la nomenclature Dintilhac. Pour autant, l’appréhension de ce poste de préjudice reste encore délicate lorsqu’on reprend certaines décisions récentes par la Cour de Cassation.
C’est notamment la porosité entre les frontières de ce préjudice patrimonial et celles du déficit fonctionnel permanent qui pose régulièrement difficulté à la Haute juridiction comme le confirme l’arrêt commenté.
Un enfant, âgé de 4 ans, à la suite de violences familiales (de type bébé secoué), s’était retrouvé avec d’importantes séquelles qui le privaient de toute possibilité d’avoir à l’avenir une activité professionnelle. Se posait alors la question de savoir comment indemniser cette absence future de vie professionnelle et surtout ses conséquences sur la vie personnelle et sociale de l’enfant. Ce dernier avait bien entendu été indemnisé pour ses pertes de gains professionnels futurs mais restait à prendre en charge les incidences périphériques de cette exclusion future du monde de travail. Ici, la Cour d’appel avait fait le choix d’intégrer l’indemnisation de ce préjudice dans celle du déficit fonctionnel permanent, au motif que « la privation de toute activité professionnelle est d'ores et déjà prise en compte par l'indemnisation du déficit fonctionnel permanent ». Une telle solution pouvait évidemment paraître en contradiction avec les recommandations de la Nomenclature Dintilhac pour qui le déficit fonctionnel permanent n'est relatif qu'aux incidences permanentes sur les fonctions du corps humain. C’était d’ailleurs l’argument soulevé dans le pourvoi.
Elle est cependant confirmée par les magistrats de la deuxième chambre civile au motif que le déficit fonctionnel permanent inclut également « la perte de qualité de vie et les troubles ressentis par la victime dans ses conditions d'existence personnelles, familiales et sociales ». Défavorable à la victime, la solution interpelle ici quand on la confronte à d’autres décisions de la deuxième chambre civile qui font le choix inverse d’indemniser au titre de l’incidence professionnelle l’abandon total d’une activité professionnelle (V. notamment Civ. 2e, 14 sept. 2017, n° 16-23578) sauf à considérer qu’il y a une différence entre les vies professionnelles arrêtées et celles n’ayant jamais pu commencer. Elle témoigne à nouveau de la difficulté d’indemniser à leur juste niveau les très jeunes victimes de dommage corporel.