Quelle influence doit jouer l’état antérieur d’une victime sur son indemnisation ?
La question est réglée depuis de nombreuses années à travers la distinction bien connue entre les prédispositions pathologiques latentes et les prédispositions pathologiques patentes de la victime.
Si les prédispositions pathologiques de la victime n’étaient pas révélées avant l’accident, celles-ci ne peuvent pas être prises en compte pour réduire le montant de l’indemnisation en application du principe de réparation intégrale.
Si les prédispositions pathologiques de la victime étaient connues avant l’accident, celles-ci pourront venir minorer le montant de la réparation.
En revanche, la transformation radicale d’un état antérieur patent ouvre de nouveau droit à une indemnisation intégrale.
La situation du borgne devenu aveugle est souvent invoquée pour illustrer cette exception qui trouve aujourd’hui d’autres domaines d’application. Il en est ainsi de cet accidenté de la route devenu totalement invalide et qui, bien qu’affecté par une incapacité antérieure, s’est vu dans l’impossibilité de poursuivre une activité professionnelle et de mener une vie qualifiée jusqu’alors de normale par l’expertise (Civ. 2e, 19 juillet 1966).
L’arrêt commenté s’inscrit dans la lignée de ces solutions.
Une salariée souffrait d’une rupture de la coiffe des rotateurs de l’épaule prise en charge dans le cadre d’une maladie professionnelle. Elle est ensuite victime d’un accident du travail qui aggrave sa pathologie.
Dans la mesure où cette aggravation ne peut pas être rattachée à une incapacité antérieure de la victime, la Cour de cassation estime qu’il est justifié de l’indemniser intégralement au titre de l’accident du travail.
Ici pourtant un doute existait sur l’évolution possible de la pathologie originelle de la victime qui aurait pu entrainer une incapacité. Ce doute est ici ignoré par la Haute juridiction au profit de la victime dès lors que les séquelles relevant de la maladie professionnelle de celles liées à l’accident du travail ne peuvent être dissociées.