Perte de chance de reprendre avec succès l’activité professionnelle familiale

Civ. 2e, 16 janvier 2014, n° 13-10.566

DOI : 10.35562/ajdc.326

Index

Mots-clés

perte de chance, perte de chance d’exercer une activité professionnelle, préjudice permanent exceptionnel

Rubriques

Victime directe blessée : préjudices patrimoniaux

L’arrêt commenté, promis à une publication au Bulletin, est intéressant à double titre. Il illustre, d’une part, le contrôle qu’exerce la Cour de cassation sur la caractérisation de la perte d’une chance d’exercer une activité professionnelle, et rappelle, d’autre part, le domaine du préjudice permanent exceptionnel.

En l’espèce, une cour d’appel avait indemnisé une victime ayant subi des violences à l’origine d’une cécité partielle. Parmi les préjudices réparés, figuraient un préjudice patrimonial constitué par la perte de chance, pour la victime, de reprendre l’activité de ses parents, forains, ainsi qu’un préjudice permanent exceptionnel résultant de l’impact psychologique de ses séquelles sur sa vie affective familiale, réparé distinctement de son préjudice esthétique et du déficit fonctionnel permanent.

Quant au pourvoi, il contestait dans un premier moyen la certitude du préjudice de perte de chance d’exercer l’activité familiale, et dans un second, l’autonomie des troubles réparés par la cour d’appel au titre du préjudice permanent exceptionnel par rapport au préjudice esthétique et au déficit fonctionnel permanent.

S’agissant du préjudice patrimonial, on rappellera tout d’abord que la minorité de la victime n’écarte pas nécessairement la possibilité d’une réparation de l’incidence professionnelle. Toutefois, la difficulté liée à l’absence de projet professionnel encore concrétisé conduit les juges à réparer ce préjudice sur le terrain de la perte de chance. Cette dernière n’échappe pas au contrôle de la Cour de cassation, laquelle vérifiera l’appréciation des juges du fond concernant son existence (V. notamment : Civ. 2e, 7 février 2013, n° 11-25.504). On notera simplement qu’en l’espèce, la Cour de cassation reconnaît le caractère certain de la perte de chance, pour la victime, de reprendre avec succès l’activité familiale de forain. Pour ce faire, la Haute juridiction démontre la réalité de cette chance par le fait que la victime aidait ses parents dans leur profession et que cette aide constituait à son égard une formation, et constate par ailleurs la perte de cette chance par le fait que la victime ne pourra, en raison de ses séquelles, obtenir le permis de conduire poids-lourd, pourtant indispensable à l’exercice de cette activité.

Concernant le préjudice permanent exceptionnel, la Cour de cassation nous rappelle, au détour d’un attendu aux allures de principe, que le domaine de sa réparation est particulièrement restreint. Elle énonce, ainsi, que

« le poste des préjudices permanents exceptionnels indemnise des préjudices extra-patrimoniaux atypiques, directement liés au handicap permanent qui prend une résonance particulière pour certaines victimes en raison soit de leur personne, soit des circonstances et de la nature du fait dommageable, notamment de son caractère collectif pouvant exister lors de catastrophes naturelles ou industrielles ou d’attentats ».

Il ressort de cette définition, au demeurant déjà ancienne (V. notamment : Civ. 2e, 15 décembre 2001, n° 10-26.386), que le préjudice permanent exceptionnel n’a vocation à réparer que des situations « extraordinaires », échappant par nature aux postes de préjudices consacrés par la nomenclature Dintilhac.

Les circonstances de l’espèce ne permettaient donc pas, au regard de cette appréciation restrictive, d’admettre la réparation d’un préjudice permanent exceptionnel en raison de l’impact psychologique des séquelles de la victime sur sa vie affective et familiale, alors même qu’étaient déjà réparés le déficit fonctionnel permanent et le préjudice esthétique dont le domaine s’étend aux conséquences psychologiques des séquelles de la victime.

Citer cet article

Référence électronique

Hakim Gali, « Perte de chance de reprendre avec succès l’activité professionnelle familiale », Actualité juridique du dommage corporel [En ligne], 12 | 2017, mis en ligne le 13 avril 2015, consulté le 29 mars 2024. URL : https://publications-prairial.fr/ajdc/index.php?id=326

Auteur

Hakim Gali

doctorant à l’Université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines (UVSQ)

Autres ressources du même auteur

  • IDREF

Articles du même auteur

Droits d'auteur

CC-BY