Absence d’obligation de minimiser son dommage pour les victimes par ricochet

Crim., 27 septembre 2016, n° 15-83.309

DOI : 10.35562/ajdc.834

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Mots-clés

réparation intégrale, victime par ricochet, obligation de minimiser son dommage (non)

Rubriques

Réparation intégrale

Originaire du droit de Common law, l’obligation de minimiser son dommage contraint la victime à prendre toutes les mesures possibles pour réduire et ne pas aggraver son dommage, afin de limiter le montant des dommages-intérêts incombant au responsable. Une telle obligation n’existe pas en droit français, et la chambre criminelle de la Cour de cassation le rappelle, une nouvelle fois, dans cet arrêt du 27 septembre 2016.

En l’espèce, il s’agissait d’indemniser un couple victime d’un accident de la circulation. L’homme était décédé après avoir passé un temps dans le coma ; la femme demandait, entre autres, l’indemnisation de son préjudice universitaire : la mort de son conjoint l’a plongée dans une dépression l’empêchant de reprendre les études entreprises avant l’accident. Les juges d’appel limitent la réparation de son préjudice : la demanderesse a en effet choisi de se soustraire aux traitements antibiotiques et aux thérapies préconisées par les experts, préférant suivre un autre traitement. La dégradation de son état est en partie due à ce choix inopportun, le responsable de l’accident n’a donc pas à réparer l’entier préjudice.

Au visa des articles 16-3 et 1382 du Code civil, la chambre criminelle casse l’arrêt de la cour d’appel. Elle rappelle que toute personne doit consentir à un acte médical ; une victime a donc le droit de refuser certains soins. Ce refus n’étant pas constitutif d’une faute, les juges du fond ne peuvent réduire le droit à indemnisation de la victime. Le responsable du dommage doit réparer intégralement tous les préjudices consécutifs au fait dommageable.

Cette solution n’est pas nouvelle et témoigne une nouvelle fois de la réticence de la Cour de cassation à consacrer une obligation pour la victime de minimiser son dommage (v. en matière de dommage corporel : Civ. 2e, 19 juin 2003, n° 01-13.289 : refus de soin orthophonique et psychologique ; Civ. 1re, 15 janvier 2015, n° 13-21.180 : refus de soin d’une infection nosocomiale). L’arrêt retient toutefois l’attention en ce qu’il consacre l’absence d’obligation de minimiser son dommage à la victime par ricochet. Cette solution ne surprend pas car l’article 16-3 du Code civil s’applique de manière générale à tous les actes médicaux : une personne ne peut jamais se voir imposer des soins thérapeutiques, qu’elle soit victime directement ou indirectement d’un dommage. Il n’y a donc pas lieu de réduire son droit à indemnité.

L’avant-projet de réforme du droit de la responsabilité dévoilée par la Chancellerie en avril dernier suggère d’introduire une obligation de ne pas aggraver son dommage en matière contractuelle (article 1263). Cette obligation serait toutefois inapplicable au dommage corporel, l’avant-projet disposant que ces actions en réparation ne se verraient appliquer que le régime de la responsabilité délictuelle. L’absence d’obligation pour la victime de minimiser son dommage corporel a donc vocation à rester le principe en droit français.

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Citer cet article

Référence électronique

Guillemette Wester, « Absence d’obligation de minimiser son dommage pour les victimes par ricochet », Actualité juridique du dommage corporel [En ligne], 9 | 2016, mis en ligne le 31 octobre 2017, consulté le 20 avril 2024. URL : https://publications-prairial.fr/ajdc/index.php?id=834

Auteur

Guillemette Wester

Université Jean Moulin Lyon 3, Équipe de recherche Louis Josserand, EA 3707, F-69007, Lyon, France

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