Mediator : les premiers enseignements délivrés par la Cour de cassation

Civ. 1re, 20 septembre 2017, n° 19-19.643

DOI : 10.35562/ajdc.969

Index

Mots-clés

Mediator, sursis à statuer du juge civil, imputabilité des dommages au médicament

Plan

Une patiente, qui s’est vue prescrire du Mediator entre février 2006 et octobre 2009 pour remédier à une tryglicéridémie, présente une insuffisance aortique. Après avoir sollicité une expertise judiciaire, elle a assigné la société les Laboratoires Servier, productrice du Mediator, en réparation de son préjudice.

Par arrêt du 14 avril 2016, la cour d’appel de Versailles a :

  • écarté la demande de sursis à statuer,
  • retenu que le Mediator était un produit défectueux,
  • écarté l’existence d’une exonération au titre des risques de développement,
  • retenu l’existence de présomptions graves, précises et concordantes suffisantes pour constituer la preuve d’un lien de causalité entre l’exposition de la patiente au Mediator et l’insuffisance aortique qu’elle présente.

Les Laboratoires Servier forment un pourvoi en cassation et font grief à l’arrêt attaqué :

  • d’avoir écarté sa demande de sursis à statuer dans l’attente de l’issue de la procédure pénale et de la condamner au paiement de différentes sommes à la victime en réparation de son préjudice,
  • d’avoir retenu que l’insuffisance aortique présentée par la patiente est imputable au Mediator, le pourvoi ne critiquant donc pas l’arrêt en ce qu’il a retenu la défectuosité du produit,
  • d’avoir écarté l’existence d’une exonération pour risque de développement.

Dans un arrêt du 20 septembre 2017, la Cour de cassation rejette successivement les trois moyens de cassation présentés par les Laboratoires Servier. Il s’agit là du premier arrêt rendu au fond par la Cour de cassation dans le dossier du Mediator. Et aux termes de cette décision, riche d’enseignements, la Cour de cassation valide définitivement la responsabilité civile des Laboratoires Servier, ouvrant probablement la voie à d’autres condamnations civiles du fabricant du Mediator.

1. Les conditions d’un sursis à statuer de l’action en réparation d’un dommage devant la juridiction civile dans l’attente de l’issue d’une procédure pénale

La victime d’un dommage causé par une infraction dispose d’un choix pour exercer son action civile. Elle peut agir soit devant la juridiction pénale saisie de l’action publique (art. 3 C. pr. pén.), soit devant la juridiction civile, séparément de l’action publique (art. 4 C. pr. pén.).

L’article 4 du Code de procédure pénale dispose ainsi :

« L’action civile en réparation du dommage causé par l’infraction prévue par l’article 2 peut être exercée devant une juridiction civile, séparément de l’action publique. Toutefois, il est sursis au jugement de cette action tant qu’il n’a pas été prononcé définitivement sur l’action publique lorsque celle-ci a été mise en mouvement. La mise en mouvement de l’action publique n’impose pas la suspension du jugement des autres actions exercées devant la juridiction civile, de quelque nature qu’elles soient, même si la décision à intervenir au pénal est susceptible d’exercer, directement ou indirectement, une influence sur la solution du procès civil. »

À la lecture des deux premiers alinéas de l’article 4 du Code de procédure pénale, il faut comprendre que lorsque la victime décide d’exercer l’action civile devant la juridiction civile, celle-ci est tenue de surseoir à statuer. Néanmoins, la lecture de l’alinéa 3 de cette disposition montre que la mise en mouvement de l’action publique n’est pas exclusive d’autres actions devant la juridiction civile. Il en résulte qu’un sursis à statuer ne s’impose uniquement que lorsque l’action civile devant la juridiction civile tend précisément à la réparation du dommage causé par l’infraction imputée au défendeur et dont il est notamment constaté qu’une information judiciaire a été ouverte (Cass. soc., 3 juin 2015, n° 14-10.663 et n° 14-10.174). Dans les autres cas, il relève du pouvoir d’appréciation des juges du fond, lequel est de surcroît discrétionnaire (V. not. Cass. soc., 17 sept. 2008, n° 07-43.211 ; Civ. 1re, 31 oct. 2012, n° 11-26.476 ; Civ. 1re, 29 mai 2013, n° 11-15.130 ; Civ. 2e, 11 sept. 2014, n° 13-19.497 ; Civ. 2e, 7 juill. 2016, n° 15-19.975).

C’est justement ce que rappelle la Cour de cassation dans cet arrêt du 20 septembre 2017 :

« Mais attendu que l’article 4 du code de procédure pénale, dans sa rédaction issue de la loi n° 2007-291 du 5 mars 2007, n’impose à la juridiction civile de surseoir à statuer, en cas de mise en mouvement de l’action publique, que lorsqu’elle est saisie de l’action civile en réparation du dommage causé par l’infraction ; que, dans les autres cas, quelle que soit la nature de l’action civile engagée, et même si la décision à intervenir au pénal est susceptible d’exercer, directement ou indirectement, une influence sur la solution du procès civil, elle apprécie dans l’exercice de son pouvoir discrétionnaire s’il y a lieu de prononcer un sursis à statuer. »

Cette solution permet d’éviter que le recours au juge pénal soit utilisé comme un moyen dilatoire pour suspendre le procès devant la juridiction civile et l’indemnisation de la victime. Le sursis à statuer n’est dès lors obligatoire que dans l’unique cas où l’action civile est engagée pour obtenir la réparation d’un dommage causé par l’infraction ayant donné lieu à une action publique devant la juridiction pénale. En dépit de la difficulté de synthétiser les critères utilisés pour vérifier que l’action civile ne vise pas à la réparation du dommage causé par l’infraction pénale, il est possible de retenir plusieurs éléments permettant de savoir si la juridiction civile doit ou non surseoir à statuer :

  • l’existence d’un dommage distinct,
  • l’existence de faits générateurs de responsabilité distincts,
  • l’existence de fondements textuels distincts, c’est-à-dire des manquements indépendants de ceux objets de l’action publique.

En l’espèce, comme le relève la Cour de cassation, c’est justement sur ces critères que s’est fondée la cour d’appel de Versailles :

« Et attendu qu’après avoir constaté que l’action introduite devant la juridiction civile par Mme X… n’était pas fondée sur les infractions pour lesquelles une information était ouverte contre la société des chefs de tromperie, homicides et blessures involontaires, mais sur la responsabilité sans faute de celle-ci au titre de la défectuosité du Mediator, la cour d’appel en a exactement déduit que l’action dont elle était saisie était indépendante de l’action publique ; […] que la cour d’appel a décidé, dans l’exercice de son pouvoir discrétionnaire, sans dénaturation et abstraction faite du motif surabondant critiqué par la troisième branche, qu’il n’y avait pas lieu de surseoir à statuer dans l’attente de la décision à intervenir au pénal ; que le moyen n’est pas fondé. »

En définitive, la règle du sursis à statuer obligatoire ne s’applique pas lorsque l’action dont est saisie la juridiction civile n’est pas fondée sur le constat d’une faute civile découlant de la violation d’une disposition pénale poursuivie devant la juridiction répressive, mais sur un régime de responsabilité sans faute.

2. Le recours aux présomptions de fait pour imputer un dommage à un produit défectueux

Sous certaines conditions, le législateur a prévu une responsabilité de plein droit du producteur au titre du défaut de son produit (art. 1245-3 C. Civ.). Cette responsabilité est soumise à différentes exigences de preuve. Le demandeur doit prouver le dommage, le défaut du produit et le lien de causalité entre le défaut et le dommage. S’agissant de la preuve de faits juridiques, la victime peut rapporter la preuve du défaut du produit et du lien de causalité entre ce défaut et le dommage par des présomptions graves, précises et concordantes sur le fondement de l’article 1382 du Code civil, anciennement 1353 du Code civil (V. not. : S. Fantoni-Quinton et J. Saison-Demars [dir.], Le Principe de précaution face à l’incertitude scientifique : l’émergence d’une responsabilité spécifique dans le champ sanitaire, Mission de recherche Droit et Justice/Université Lille 2-CRDP, 2016, p. 80 et s. et 105 et s.).

Appelée à se prononcer sur ce régime probatoire dans le cadre du vaccin contre l’hépatite B, la Cour de justice de l’Union européenne a décidé le 21 juin 2017 (CJUE, 21 juin 2017, n° C-621/15) que :

« 1. L’article 4 de la directive 85/374/CEE du Conseil, du 25 juillet 1985, relative au rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres en matière de responsabilité du fait des produits défectueux, doit être interprété en ce sens qu’il ne s’oppose pas à un régime probatoire national tel que celui en cause au principal en vertu duquel, lorsque le juge du fond est saisi d’une action visant à mettre en cause la responsabilité du producteur d’un vaccin du fait d’un défaut allégué de ce dernier, il peut considérer, dans l’exercice du pouvoir d’appréciation dont il se trouve investi à cet égard, que, nonobstant la constatation que la recherche médicale n’établit ni n’infirme l’existence d’un lien entre l’administration du vaccin et la survenance de la maladie dont est atteinte la victime, certains éléments de fait invoqués par le demandeur constituent des indices graves, précis et concordants permettant de conclure à l’existence d’un défaut du vaccin et à celle d’un lien de causalité entre ce défaut et ladite maladie. Les juridictions nationales doivent toutefois veiller à ce que l’application concrète qu’elles font dudit régime probatoire n’aboutisse ni à méconnaître la charge de la preuve instituée par ledit article 4 ni à porter atteinte à l’effectivité du régime de responsabilité institué par cette directive.

2. L’article 4 de la directive doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à un régime probatoire reposant sur des présomptions selon lequel, lorsque la recherche médicale n’établit ni n’infirme l’existence d’un lien entre l’administration du vaccin et la survenance de la maladie dont est atteinte la victime, l’existence d’un lien de causalité entre le défaut attribué à un vaccin et le dommage subi par la victime serait toujours considérée comme établie lorsque certains indices factuels prédéterminés de causalité sont réunis. »

La victime devra aussi établir que le produit a contribué à la survenance du dommage. C’est un préalable implicite mais nécessaire (Civ. 1re, 29 mai 2013, n° 12-20.903). Autrement dit, elle devra justifier que son dommage est imputable au produit de santé. Il n’est toutefois pas imposé à la victime d’apporter une preuve scientifique certaine quant à l’imputabilité du produit dans son dommage (Civ. 1re, 22 mai 2008, n° 05-20.317 ; Civ. 1re, 22 mai 2008, n° 06-10.967 ; Civ. 1re, 25 juin 2009, n° 08-12.781 ; Civ. 1re, 24 sept. 2009, n° 08-16.097 ; Civ. 1re, 25 nov. 2010, n° 09-16.556 ; Civ. 1re, 10 juill. 2013, n° 12-21.314) ni que son dommage soit totalement imputable au produit de santé (Civ. 1re, 24 janv. 2006, n° 02-16.648).

La victime devra encore apporter la preuve du défaut de produit de santé, qui peut être lié à la conception ou à la fabrication du produit de santé peu importe qu’il soit à l’origine de dommages individuels ou sériels. Il faut donc examiner le défaut du produit sous l’angle de la balance bénéfices/risques et s’attacher notamment à la gravité des effets nocifs constatés et des bénéfices attendus, lesquels peuvent être évalués grâce à l’évolution des connaissances scientifiques (Civ. 1re, 5 avr. 2005, n° 02-11.947 et n° 02-12.065) ou des attentes des patients (CJUE, 5 mars 2015, n° C-504/13 et n° C-504/14). Cette preuve peut encore résulter de la présentation du produit ou d’une information insuffisante sur les conditions de son utilisation, ses indications ou les risques encourus par l’utilisateur du produit (Civ. 1re, 22 mai 2008, n° 06-14.952 ; Civ. 1re, 9 juill. 2009, n° 08-11.073 ; Civ. 1re, 23 janv. 2014, n° 12-22.123 ; Civ. 1re, 25 févr. 2016, n° 15-11.257).

L’appréciation de l’imputabilité d’un dommage à un produit défectueux et de la défectuosité dudit produit relève du pouvoir d’appréciation souverain des juges du fond (Civ. 1re, 22 janv. 2009, n° 07-16.449 ; Civ. 1re, 25 nov. 2010, n° 09-16.556 ; Civ. 1re, 28 avr. 2011, n° 10-15.289 ; Civ. 1re, 18 oct. 2017, n° 15-20.791 ; Civ. 1re, 18 oct. 2017, n° 14-18.118), de sorte que la Cour de cassation n’en apprécie pas le bien-fondé dès lors que la décision des juges du fond est motivée. Dans le cas du Mediator, l’imputabilité du dommage au benfluorex n’est toutefois pas difficilement contestable au vu des études sur le sujet (V. not. : A.-C. Bensadon, É. Marie, A. Morelle, Rapport sur la pharmacovigilance et gouvernance de la chaîne du médicament, Paris, Inspection générale des affaires sociales, 2001 ; M.-T. Hermange, Rapport d’information n° 675 fait au nom de la mission commune d’information sur : « Mediator® : évaluation et contrôle des médicaments », Paris, Sénat, 2011). La Cour de cassation a par ailleurs déjà admis un lien de causalité entre la pathologie et la prise du Mediator ou le caractère défectueux de ce produit de santé dans le cadre de procédures de référé (Civ. 1re, 25 févr. 2016, n° 15-11.257 ; Civ. 1re, 29 juin 2016, n° 15-20.269 ; Civ. 1re, 29 juin 2016, n° 15-20.271 ; Civ. 1re, 29 juin 2016, n° 15-20.270).

C’est donc fort logiquement que la Cour de cassation a jugé en l’espèce :

« Mais attendu que l’arrêt relève que, si l’expert judiciaire a conclu à une causalité seulement plausible, le collège d’experts, placé auprès de l’Office national d’indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales, et chargé d’émettre un avis sur les dommages et les responsabilités en vue d’une indemnisation amiable des victimes du benfluorex, s’est ensuite, à la demande de Mme X…, prononcé en faveur d’une imputabilité de l’insuffisance aortique à la prise de Mediator, que la connaissance sur les effets nocifs du médicament avait alors progressé, qu’aucune hypothèse faisant appel à une cause étrangère n’a été formulée et qu’aucun élément ne permet de considérer que la pathologie de l’intéressée est antérieure au traitement par le Mediator ; que, sans être tenue de suivre les parties dans le détail de leur argumentation ni entacher sa décision de contradiction, dès lors qu’elle s’est bornée à reproduire les constatations médicales sur le grade de l’insuffisance aortique présentée par Mme X…, la cour d’appel a pu en déduire qu’il existait des présomptions graves, précises et concordantes permettant de retenir que sa pathologie est imputable au Mediator ; que le moyen n’est pas fondé. »

La particularité de l’espèce réside dans le fait que l’expert judiciaire a conclu à une causalité seulement plausible, tandis que le collège d’experts placé auprès de l’ONIAM s’est prononcé en faveur d’une imputabilité de l’insuffisance aortique à la prise de Mediator. Mais contrairement à ce que soutiennent les Laboratoires Servier dans leur pourvoi, cette contradiction n’est qu’apparente. Il faut en réalité y voir une convergence entre les appréciations de l’expert judiciaire concluant à une causalité plausible et les conclusions du collège d’experts en faveur d’une imputabilité de l’insuffisance aortique à la prise de Mediator, ce d’autant plus que l’expertise réalisée par le collège d’experts a eu lieu alors que la connaissance des effets nocifs du Mediator avait progressé.

En tout état de cause, la Cour de cassation, après les précisions apportées par la CJUE sur le recours aux présomptions de fait (CJUE, 21 juin 2017, n° C-621/15), semble uniformiser l’appréciation que les juges du fond devront adopter de l’existence du lien de causalité dans le domaine des produits défectueux.

3. Les conditions de l’exonération de responsabilité du fabricant pour risques de développement

Le producteur, dont le produit est défectueux, peut s’exonérer de sa responsabilité de plein droit dans certaines hypothèses, tel que le risque de développement, et sous réserve qu’il en apporte la preuve (art. 1245-10 C. Civ.). L’exonération pour risque de développement était justement invoquée par les Laboratoires Servier.

Cette cause d’exonération permet de limiter les effets rigoureux d’une responsabilité de plein droit lorsque le producteur ne pouvait pas avoir connaissance de la défectuosité de son produit lorsqu’il l’a mis en circulation, c’est-à-dire quand le produit est sorti du processus de fabrication mis en œuvre par le producteur et qu’il est entré dans un processus de commercialisation dans lequel il se trouve en l’état offert au public aux fins d’être utilisé ou consommé (CJCE, 9 févr. 2006, n° C-127/04). Pour les produits fabriqués en série, tels les produits de santé, la date de mise en circulation à prendre en compte est celle de la commercialisation du lot de produits auquel il appartient. C’est en conséquence à cette date qu’il faudra déterminer l’état des connaissances scientifiques et techniques et des informations dont disposait le producteur, de sorte c’est en réalité le développement des connaissances qui, après la mise en circulation du produit, permet de déceler son défaut. Le Mediator a obtenu une autorisation de mise sur le marché le 16 juillet 1974 et sa commercialisation est devenue effective le 1er septembre 1976. L’autorisation de mise sur le marché a été suspendue en France le 24 novembre 2009, et le retrait du produit du marché est intervenu le 20 juillet 2010. C’est pourtant à partir des années 1990 que les effets nocifs du Mediator ont commencé à être mis en évidence.

Il appartient au juge du fond de déterminer quel était l’état des connaissances scientifiques et techniques et des informations à disposition du producteur lors de la mise en circulation de son produit. Le producteur devra établir que l’état objectif des connaissances techniques et scientifiques, à son niveau le plus avancé, au moment de la mise en circulation du produit, ne permettait pas de déceler son défaut (CJCE, 29 mai 1997, n° C-300/95). L’appréciation restrictive (en ce sens : CJCE, 10 mai 2001, n° C-203/99) de cette cause d’exonération conduit dès lors à l’écarter toutes les fois où l’apparition de publications met en cause ledit produit comme étant à l’origine de dommages sériels.

La Cour de cassation a déjà eu l’occasion de se prononcer sur la question de l’exonération de responsabilité des Laboratoires Servier dans le cadre d’un pourvoi formé contre des arrêts allouant une provision aux victimes (Civ. 1re, 29 juin 2016, n° 15-20.269 ; Civ. 1re, 29 juin 2016, n° 15-20.271 ; Civ. 1re, 29 juin 2016, n° 15-20.270 ; V. égal. : Civ. 1re, 4 juin 2015, n° 14-13.407 ; Civ. 1re, 4 juin 2015, n° 14-13.405 ; Civ. 1re, 4 juin 2015, n° 14-13.406) :

« Qu’en statuant ainsi, alors que la société faisait valoir qu’avant novembre 2009, l’existence d’un risque cardiotoxique n’était pas avéré[e] et versait aux débats, à l’appui de sa contestation, certaines études scientifiques en ce sens ainsi que des documents diffusés par l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé, en 2009 et 2011, la cour d’appel a tranché une contestation sérieuse relative à l’établissement d’une cause d’exonération de responsabilité et violé [les articles 1386-11 du Code civil et 809, alinéa 2, du code de procédure civile]. »

Dans la continuité de cette jurisprudence, la Cour de cassation a jugé en l’espèce que :

« Et attendu qu’après avoir retenu le caractère défectueux du Mediator, l’arrêt décrit, par motifs propres et adoptés, les conditions dans lesquelles ont été révélés les effets nocifs de ce produit en raison, notamment, de sa similitude avec d’autres médicaments qui, ayant une parenté chimique et un métabolite commun, ont été, dès 1997, jugés dangereux, ce qui aurait dû conduire la société à procéder à des investigations sur la réalité du risque signalé, et, à tout le moins, à en informer les médecins et les patients ; qu’il ajoute que la possible implication du Mediator dans le développement de valvulopathies cardiaques, confirmée par le signalement de cas d’hypertensions artérielles pulmonaires et de valvulopathies associées à l’usage du benfluorex, a été mise en évidence par des études internationales et a conduit au retrait du médicament en Suisse en 1998, puis à sa mise sous surveillance dans d’autres pays européens et à son retrait en 2003 en Espagne, puis en Italie ; que, de ces énonciations, desquelles il résulte que l’état des connaissances scientifiques et techniques, au moment de la mise en circulation des produits administrés à Mme X… entre 2006 et 2009, permettait de déceler l’existence du défaut du Mediator, la cour d’appel, qui n’était pas tenue de suivre les parties dans le détail de leur argumentation, en a exactement déduit que la société n’était pas fondée à invoquer une exonération de responsabilité au titre du dommage subi par Mme X. »

Sans le dire, la Cour de cassation semble donc imposer aux fabricants de produits de santé une obligation de suivi de l’évolution de leurs produits et de ses potentiels effets nocifs, alors même que la CJUE avait sanctionné cette exigence (CJCE, 25 avr. 2002, n° C-52/00).

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Citer cet article

Référence électronique

Geoffroy Hilger, « Mediator : les premiers enseignements délivrés par la Cour de cassation », Actualité juridique du dommage corporel [En ligne], 13 | 2017, mis en ligne le 16 novembre 2017, consulté le 19 avril 2024. URL : https://publications-prairial.fr/ajdc/index.php?id=969

Auteur

Geoffroy Hilger

Université de Lille, Centre de recherche droit et perspectives du droit, CRDP, EA 4487, F-59024, Lille, France

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