Indemnisation de l’incidence professionnelle en cas d’exclusion du monde du travail

Civ. 2e, 14 septembre 2017, n° 16-23.578

DOI : 10.35562/ajdc.975

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Mots-clés

incidence professionnelle

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Victime directe blessée : préjudices patrimoniaux

M. X. pilotait une motocyclette lorsqu’il a été victime d’un accident de la circulation impliquant un véhicule assuré par la société G. Il assigne l’assureur en réparation de ses préjudices. Dans un arrêt du 5 juillet 2016, rendu sur renvoi après cassation (Civ. 2e, 23 octobre 2014, pourvoi n° 13-23.481), la cour d’appel d’Aix-en-Provence condamne l’assureur à verser une indemnisation à M. X au titre des PGPF ainsi qu’au titre de l’IP. L’assureur forme un pourvoi en cassation, estimant que cette double indemnisation méconnait le principe de réparation intégrale. Dans un arrêt du 14 septembre 2017, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, rejette le pourvoi.

Rappelons tout d’abord que l’incidence professionnelle (IP) vise à indemniser les incidences périphériques et définitives liées à l’invalidité professionnelle de la victime telle que la dévalorisation sur le marché du travail ou bien l’augmentation de la pénibilité de l’emploi. Les pertes de gains professionnels futurs (PGPF) visent quant à eux à indemniser l’incapacité permanente de travail subie par la victime, à compter de la date de consolidation. Ainsi que le précise le rapport Dintilhac, ces deux postes ne doivent pas être confondus dans la mesure où ils ont vocation à être cumulatifs ou alternatifs suivant les situations (Rapport du groupe de travail chargé d’élaborer une nomenclature des préjudices corporels, p. 35). Il convient donc d’en faire une application rigoureuse afin d’éviter l’écueil d’une double indemnisation (Civ. 2e, 13 décembre 2012, n° 11-26.852 ; Civ. 2e, 3 juillet 2014, n° 13-20.240).

En l’espèce, la victime exerçait, avant l’accident, une activité de journaliste qui lui procurait régulièrement des revenus. Les troubles comportementaux et cognitifs constatés après l’accident l’empêchent malheureusement de reprendre son activité professionnelle, et d’espérer toute éventuelle reconversion. Dans la mesure où la victime doit renoncer définitivement à l’exercice de la profession qu’elle occupait avant le fait traumatique, et, dans la mesure où la nature de ses séquelles confirme une incapacité définitive à exercer une nouvelle activité, quelle qu’elle soit, l’indemnisation des PGPF semble justifiée. La Cour indemnise ainsi la perte totale des revenus.

Contrairement à ce que soutient l’assureur, au sein de son premier moyen, l’IP n’est cependant pas nécessairement exclue si la victime n’a pas pu reprendre son activité professionnelle. L’indemnisation de l’IP peut se justifier si l’on considère que la Cour distingue entre, d’une part, l’abandon définitif de la profession exercée par la victime antérieurement au fait traumatique (IP), et, d’autre part, l’inaptitude générale de la victime à exercer une profession (PGPF). L’IP indemnise ici le préjudice résultant de l’exclusion du monde du travail ; l’inactivité forcée (préjudice de désœuvrement) l’obligation de devoir renoncer à tout projet professionnel. La victime subit un préjudice de carrière puisqu’elle n’est plus en capacité de s’épanouir professionnellement et perd de facto une partie de son identité sociale qui doit être indemnisée par le biais de l’IP (M. Le Roy, J.-D. Le Roy, et F. Bibal, L’Évaluation du préjudice corporel. Expertises, principes, indemnités, Paris, Lexisnexis, 20e éd., 2015, n° 127). Il est donc tout à fait possible que l’IP s’ajoute aux PGPF, y compris si la victime ne travaille plus.

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Émeline Augier, « Indemnisation de l’incidence professionnelle en cas d’exclusion du monde du travail », Actualité juridique du dommage corporel [En ligne], 13 | 2017, mis en ligne le 24 août 2018, consulté le 20 avril 2024. URL : https://publications-prairial.fr/ajdc/index.php?id=975

Auteur

Émeline Augier

Université Jean Moulin Lyon 3, Équipe de recherche Louis Josserand, EA 3707, F-69007, Lyon, France

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