La preuve de l’insanité d’esprit avant l’ouverture d’une tutelle
1Dans cette espèce, une femme avait eu un enfant issu d’un premier lit. En seconde noce, elle épousa un homme qui lui-même avait déjà deux garçons. Suite au décès de son époux, elle est devenue le souscripteur de trois contrats d’assurance vie dont son propre fils était le bénéficiaire. Par courrier d’octobre et de novembre 2013, elle a opéré des modifications, établissant tous les contrats au profit de son beau-fils. Six mois plus tard, elle a été placée sous tutelle avant de décéder. C’est à cette occasion que le fils de la défunte a découvert le pot aux roses. Il a formé opposition en déblocage des fonds des contrats d'assurance vie et contesté la validité des différents avenants.
2Tout l’enjeu dans cette espèce portait sur la preuve de l’altération des facultés mentales de la défunte au moment où les derniers avenants modificatifs des contrats ont été effectués, à savoir six mois avant l’ouverture de la tutelle. En effet, l’article L. 132-4-1 alinéa 3 du Code des assurances prévoit que l’acceptation du bénéfice d’un contrat d’assurance vie conclu moins de deux ans avant la publicité du jugement d’ouverture de la tutelle du stipulant peut être annulée sur la seule preuve que l'incapacité était notoire ou connue du cocontractant à l'époque où les actes ont été passés. Ainsi l’acte litigieux pourra être annulé en rapportant cette preuve par tout moyen. C’est donc ce qu’a entrepris le fils de la défunte. Pour cela, il disposait, entre autres, de témoignages de proches de sa mère attestant de son état de confusion mentale et de ses pertes de mémoire à cette période. En outre, une expertise médicale, faite à partir de pièces médicales mais également de carnets tenus au jour le jour par la défunte, concluait de façon circonstanciée que celle-ci était incapable de signer valablement ou de prendre une quelconque décision concernant ses biens au cours de l'année 2013.
3En première instance, le tribunal a annulé les modifications des contrats survenues en octobre et novembre 2013 et a conclu que le fils de la défunte était le véritable bénéficiaire de ces derniers. La solution sera confirmée ensuite par la cour d’appel de Lyon le 20 novembre 2018. La Cour de cassation a d’ailleurs déjà retenue pareille solution dans un arrêt en date du 6 mars 2014 (Cass. civ. 1re, 6 mars 2014, n° 12-11.699), dans lequel les faits d’espèce étaient similaires.
4Cette décision semblait attendue au vu, d’une part des nombreux éléments probatoires rapportés par le fils de la défunte et, d’autre part, de la jurisprudence constante en la matière. Elle souligne la protection accordée par les juges à l’égard des majeurs vulnérables. L’attention qui leur est portée sera certainement accrue dans les années futures, en raison des facteurs combinés : la longévité croissante des personnes et le développement de maladies altérant les facultés mentales.
Arrêt commenté :
CA Lyon, 1re chambre civile B, 20 novembre 2018, n° 17/03170
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Auteur
À propos de l'auteur Émilie Pincemaille
Étudiante, Université Jean Moulin Lyon 3, M2 Droit de la famille