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Le lobby est un agent d’affaires, pas un agent commercial

Elodie Tournier


11. La question soumise à la cour d’appel de Lyon était celle de la nature, civile ou commerciale, d’un contrat de lobbyiste, dont la réponse déterminait la juridiction compétente.

2Le débat sur la compétence d’une juridiction est toujours paradoxal en ce qu’il impose nécessairement au juge d’examiner les termes du litige qui lui sont soumis, et donc d’y porter une appréciation à tout le moins incidente, pour déterminer s’ils entrent, ou non, dans le champ de sa compétence.

32. Le contexte était le suivant : à la suite de la rupture de son contrat de lobbying, un lobby a assigné l’entreprise à l’origine de la rupture en référé, aux fins d’obtenir le paiement de la part variable - et très significative - de sa rémunération (5 % du chiffre d’affaires annuel hors taxes au-dessus du chiffre d’affaires moyen de 800 000 €).

4Le lobby revendiquait la nature purement civile du contrat litigieux, et donc la compétence du président du tribunal de grande instance pour connaître de ses demandes, tandis que la société à l’origine de la rupture contractuelle excipait de la nature commerciale du contrat rompu.

53. Après avoir rappelé que l’immatriculation des parties cocontractantes au RCS ne constitue qu’une présomption simple de la qualité de commerçant, la cour d’appel s’est livrée à un examen pratique des éléments du litige, reposant essentiellement sur l’analyse des termes du contrat.

6La question est délicate, puisque le contrat de lobbying, inspiré du système anglo-saxon, n’a pas son exact pendant dans le système juridique français. La cour d’appel devait donc essayer de faire coïncider ce contrat avec la typologie des contrats du droit français, et ainsi « restituer leur exacte qualification aux faits et actes litigieux sans s'arrêter à la dénomination que les parties en auraient proposée » (article 12, alinéa 2 du Code de procédure civile).

7Ainsi, elle a, tout d’abord, naturellement écarté la qualification d’agent commercial, le lobby n’étant investi d’aucun mandat ou pouvoir de représentation de la société à l’égard des tiers.

8Ensuite, la cour d’appel s’est attachée à vérifier que le contrat, mentionnant le lobby comme « agent d’affaires », pouvait être qualifié comme tel.

9Pour cela, la cour d’appel a pris en considération un faisceau d’indices contractuels en procédant à une appréciation in concreto du contrat qui lui était soumis. D’une part, elle a relevé que l’objet de la mission était plus large qu’une simple activité de lobby, dans la mesure où le but du lobby était, au cas particulier, de voir augmenter le chiffre d’affaires de la société (pour voir corrélativement sa rémunération variable augmenter).

10D’autre part, l’absence d’exclusivité et le faible temps de présence imposé dans l’entreprise (52 jours par an) ont manifestement été déterminants dans l’analyse de la cour d’appel, qui a expressément relevé que le lobby n’était pas empêché de proposer soit d’autres services, soit ses services à d’autres clients.

11La cour d’appel a ainsi retenu la qualification de contrat d’agent d’affaires, contrat par nature commercial, emportant la compétence des juridictions commerciales par application de l’article L.721-3 du Code de commerce.

Arrêt commenté :
CA Lyon, 8chambre, 22 octobre 2019, RG n° 19/04054



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Elodie Tournier, «Le lobby est un agent d’affaires, pas un agent commercial», BACALy [En ligne], n°14, Publié le : 01/01/2020,URL : http://publications-prairial.fr/bacaly/index.php?id=2297.

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À propos de l'auteur Elodie Tournier

Avocat au Barreau de Lyon


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